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Centre d'enseignement de théologie à distance

Avent, Fratelli Tutti (4)

4. Le prochain sans frontières

 

 

 

 

 

Léon Joseph Florentin Bonnat, (1833-1922), Le bon samaritain, 1858, musée Bonnat-Helleu  de Bayonne

 

 

Originaire de Bayonne, Léon Bonnat, vécut en Espagne à l’époque de Ribera dont il gardera un sens profond du naturalisme, le goût des ombres et une certaine fougue de la pâte. Puis il vint à Paris où il exécuta de nombreux portraits qui firent sa renommée, mais il se voulait peintre d’histoire et de sujets religieux.

Ce tableau du Bon Samaritain est son premier tableau. Il veut réaliser des tableaux qui donnent sens à la parabole qu’il illustre. Le récit peut avoir fait écho chez lui personnellement compte tenu des déplacements et les difficultés que lui et sa famille ont éprouvés. En effet après avoir fait banqueroute le père de Léon Bonnat dut déménager à Madrid et mourut peu après. La famille rentra alors en France, puis vint s’installer à Paris. 

En peignant son bon Samaritain, Bonnat explique qu’il n’a pas tant « cherché à faire un tableau très original et imprévu qu’à rendre ce qu’il y avait d’intime, de bon cœur, dans cette charité si désintéressée. »

Étonnante ? cette représentation du Samaritain qui a pris sur ses genoux le blessé, comme Marie a recueilli son Fils au pied de la Croix (« Pieta ») ou comme le Père miséricordieux soutient le Christ mort dans les représentations trinitaires (« trône de grâce »). 

De plus la lumière radieuse derrière le groupe donne un éclairage que l’on pourrait penser divin « : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25,40). 

Tel qu’il est peint, le corps nu du blessé peut renvoyer au corps du Christ. Ses bras autour du cou du Samaritain montrent la tendresse et la reconnaissance qu’il éprouve envers son sauveur. 

Quant au Samaritain, il est habillé simplement, il pose sa tête sur celle du blessé . Il s’est assis sur un rocher et tente de lui apporter calme et affection avant de l’emmener chez l’aubergiste. 

Le cheval attend patiemment en allant brouter quelques herbes vertes devant les deux hommes, ce qui lui donne un mouvement qui épouse la forme des genoux du Samaritain et enveloppe le groupe comme pour le protéger de toute attaque extérieure. 

Le lévite qui s’éloigne, tout de blanc de vêtu ne peut passer inaperçu. Le peintre insiste ainsi sur sa présence sur les lieux. 

Le fait de prendre soin, de garder, demande d’être vécu avec bonté et tendresse. Dans les Évangiles, Joseph apparaît comme un homme fort, courageux, travailleur, mais dans son âme émerge une grande tendresse, qui n’est pas la vertu du faible, mais qui, au contraire, dénote une force d’âme et une capacité d’attention, de compassion, de vraie ouverture à l’autre, d’amour. Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, de la tendresse ! (Pape François, Homélie d’installation.)

Le texte biblique

 Il s’approcha, et pansa ses blessures en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui.

 Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, et les donna à l’aubergiste, en lui disant : “Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai.”

 

Lc 10, 34-35

Commentaires

Le prochain sans frontières

 


 Jésus a proposé cette parabole pour répondre à une question : qui est mon prochain ? Le mot ‘‘prochain’’ dans la société du temps de Jésus indiquait d’ordinaire celui qui était le plus proche, voisin. On considérait que l’aide devait aller en premier lieu à celui qui appartient au même groupe que soi, à sa propre race. Un Samaritain, pour certains Juifs de cette époque, était considéré méprisable et impur, et on ne l’incluait pas parmi les proches qui devaient être aidés. Jésus, juif, transforme complètement cette approche : il ne nous invite pas à nous demander qui est proche de nous, mais à nous faire proches, prochains.

 Ce qui est proposé, c’est d’être présent aux côtés de celui qui a besoin d’aide, sans se soucier de savoir s’il fait partie ou non du même cercle d’appartenance. Dans ce cas-ci, c’est le Samaritain qui s’est fait proche du Juif blessé. Pour se faire proche et présent, il a franchi toutes les barrières culturelles et historiques. La conclusion de Jésus est une requête : « Va, et toi aussi, fais de même » (Lc 10, 37). Autrement dit, il nous exhorte à laisser de côté toutes les différences et, face à la souffrance, à devenir proche de toute personne. Donc, je ne dis plus que j’ai des ‘‘prochains’’ que je dois aider, mais plutôt que je me sens appelé à devenir un prochain pour les autres.

 Le problème, c’est que, Jésus le souligne intentionnellement, le blessé était un Juif – habitant de Judée – tandis que celui qui s’est arrêté et l’a aidé était un Samaritain – habitant de Samarie –. Ce détail est d’une importance exceptionnelle dans la réflexion sur un amour ouvert à tous. Les Samaritains habitaient une région gagnée par les rites païens, et, aux yeux des Juifs, cela les rendait impurs, détestables, dangereux. De fait, un ancien texte juif qui mentionne les nations détestées se réfère à la Samarie, en affirmant même qu’elle n’est pas une nation (cf. Si 50, 25) ; et il poursuit que c’est « le peuple stupide qui demeure à Sichem » (v. 26).

 Cela explique pourquoi une Samaritaine, lorsque Jésus lui a demandé à boire, a répondu avec emphase : « Comment ! toi qui es Juif, tu me demandes à boire à moi qui suis une femme samaritaine ? » (Jn 4, 9). Ceux qui recherchaient des accusations susceptibles de discréditer Jésus, la chose la plus blessante qu’ils aient trouvée, c’était de le qualifier de « possédé » et de « Samaritain » (Jn 8, 48). Par conséquent, cette rencontre miséricordieuse entre un Samaritain et un Juif est une interpellation puissante qui s’oppose à toute manipulation idéologique, afin que nous puissions élargir notre cercle pour donner à notre capacité d’aimer une dimension universelle capable de surmonter tous les préjugés, toutes les barrières historiques ou culturelles, tous les intérêts mesquins.

 

 

Fratelli Tutti n° 80-83

 

 

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