En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Avent, Fratelli Tutti (3)
3. Les personnages
Balthasar von Cortbemde, 1612-1663, le Bon Samaritain, 1647, Musee Royal d’Anvers
Balthasar von Cortbemde est un peintre belge du 17e siècle, très influencé par Van Dyck.
Il est surtout connu grâce a cette peinture du Bon samaritain.
Le paysage occupe une grande partie du tableau. C’est l’époque où la peinture de paysage hollandaise atteint un niveau de qualité exceptionnel où l’artiste cherche à capter dans les détails une image proche de la réalité, tandis que la construction du tableau est recomposée en fonction du sujet. Les personnages principaux, le voyageur et le samaritain, sont bien cachés à l’abri de grands arbres. Et l’horizon se dégage peu à peu vers le ciel nuageux.
L’homme agressé est allongé sur le sol, son corps est fortement éclairé et ainsi apparaît comme le personnage principal de la scène. Il a été dépouillé de ses vêtements, il apparaît épuisé, sans force, la tête retombant sur le sol. Il porte les marques de nombreuses blessures que le Samaritain, inspecte pour les soigner, en soulevant son bras inerte.
Le Samaritain est descendu de son cheval présent derrière lui, il a fière allure et observe la scène. Le samaritain est richement vêtu. Son chapeau recouvert d’une soierie blanche qui brille dans le rayon de lumière. Il a retroussé ses manches de son manteau faisant apparaître un beau vêtement rouge, pour pouvoir soigner le malade en lui versant une huile bienfaisante.
Non loin derrière les arbres, un passant regarde la scène furtivement en tournant la tête en arrière.
Et au fond un autre homme marche tranquillement dans la prairie, tout en lisant, un homme religieux priant ?
Rappel des écrits de Jean Chrysostome :
Veux-tu honorer le Corps du Christ ? Ne commence pas par le mépriser quand il est nu.
Ne l’honore pas ici avec des étoffes de soie, pour le négliger dehors où il souffre du froid et de la nudité.
Car celui qui a dit : Ceci est mon corps, est le même qui a dit : Vous m’avez vu affamé et vous ne m’avez pas nourri. Quelle utilité à ce que la table du Christ soit chargée de coupes d’or, quand il meurt de faim ?
Rassasie d’abord l’affamé et orne ensuite sa table.
Tu fabriques une coupe d’or et tu ne donnes pas une coupe d’eau. En ornant sa maison, veille à ne pas mépriser ton frère affligé : car ce temple-ci est plus précieux que celui-là…
Qui pratique l’aumône exerce une fonction sacerdotale. Tu veux voir ton autel ? Cet autel est constitué par les propres membres du Christ. Et le Corps du Seigneur devient pour toi un autel. Vénère-le. Il est plus auguste que l’autel de pierre où tu célèbres le saint Sacrifice… Et toi, tu honores l’autel qui reçoit le Corps du Christ. Cet autel-là, partout il t’est possible de le contempler, dans les rues et sur les places ; et à toute heure tu peux y célébrer ta liturgie. »
Jean Chrysostome, (344/49 – 407), Homélies du commentaire sur saint Matthieu
Le texte biblique
Jésus reprit la parole : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort.
Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté.
De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l’autre côté.
Mais un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de compassion.
Lc 10, 30-33
Commentaires
« La parabole commence par une allusion aux brigands. Le point de départ que Jésus présente est une agression déjà consommée. Nous n’avons pas à passer du temps à déplorer le fait ; il n’oriente pas nos regards vers les brigands. Nous les connaissons. Nous avons vu avancer dans le monde les ombres épaisses de l’abandon, de la violence au service d’intérêts mesquins de pouvoir, de cupidité et de clivage. La question pourrait être celle-ci : laisserons-nous gisant à terre l’homme agressé pour courir chacun nous mettre à l’abri de la violence ou pour poursuivre les brigands ? L’homme blessé sera-t-il la justification de nos divisions irréconciliables, de nos indifférences cruelles, de nos affrontements internes ?
La parabole nous fait ensuite poser un regard franc sur ceux qui passent outre. Innocente ou non, cette indifférence redoutable consistant à passer son chemin, fruit du mépris ou d’une triste distraction, fait des personnages du prêtre et du lévite un reflet non moins triste de cette distance qu’on crée pour s’isoler de la réalité. Il existe de nombreuses façons de passer outre qui se complètent : l’une consiste à se replier sur soi-même, à se désintéresser des autres, à être indifférent. Une autre est de ne regarder que dehors. En ce qui concerne cette dernière façon de continuer son chemin, dans certains pays ou milieux, il y a un mépris envers les pauvres et envers leur culture, et un mode de vie caractérisé par le regard dirigé vers l’extérieur, comme si on tentait d’imposer de force un projet de société importé. L’indifférence de certains peut ainsi se justifier, car ceux qui pourraient toucher leur cœur par leurs revendications n’existent tout simplement pas. Ils se trouvent hors de l’horizon de leurs intérêts.
Chez ceux qui passent outre, il y a un détail que nous ne pouvons ignorer : il s’agissait de personnes religieuses. Mieux, ils œuvraient au service du culte de Dieu : un prêtre et un lévite. C’est un avertissement fort : c’est le signe que croire en Dieu et l’adorer ne garantit pas de vivre selon sa volonté. Une personne de foi peut ne pas être fidèle à tout ce que cette foi exige d’elle, et pourtant elle peut se sentir proche de Dieu et penser avoir plus de dignité que les autres. Mais il existe des manières de vivre la foi qui favorisent l’ouverture du cœur aux frères ; et celle-ci sera la garantie d’une authentique ouverture à Dieu.
…
Regardons finalement l’homme blessé. Parfois, nous nous sentons, comme lui, gravement blessés et gisant à terre au bord du chemin. Nous nous sentons aussi troublés par nos institutions désarmées et démunies, ou mises au service des intérêts d’une minorité, de l’intérieur et de l’extérieur. En effet « dans la société globalisée, il y a une manière élégante de tourner le regard de l’autre côté qu’on adopte souvent : sous le couvert du politiquement correct ou des modes idéologiques, on regarde celui qui souffre sans le toucher, on le voit à la télévision en direct, et même on utilise un langage apparemment tolérant et plein d’euphémismes ».
Fratelli Tutti n° 72-76
aujourd’hui, 8 décembre, fête de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie, la rubrique « regards sur la socété » propose de méditer sur le tableau du Greco, l’Immaculée Conception ».