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Le martyr de Jean-Baptiste
Le Caravage (1571-1610), La décollation de Jean Baptiste, vers 1608, co-cathédrale Saint Jean, La Valette, Malte
Le tableau fut commandé par les l’Ordre de saint Jean de Jérusalem pour la chapelle des novices de l’Ordre… mais Caravage ne put assister à la cérémonie de l’inauguration, car il fut arrêté le jour même pour la rixe du 8 août 1608.
Caravage respecte l’ordre des épisodes bibliques en réalisant ensuite Salomé avec la tête de saint Jean-Baptiste (1607) et Salomé avec la tête de saint Jean-Baptiste (1609) qui en sont les étapes suivantes.
Ici l’instant choisi est celui où le bourreau s’apprête à donner le coup de poignard (misericordia) final, entouré et observé par différents personnages réunis dans cette cour de prison ; Salomé s’apprête à recueillir la tête du saint sur un plateau. Habituellement la représentation de la scène montre la tête de Jean détachée du corps et transmise à Salomé qui la porte ensuite sur un plateau . Caravage, à son habitude, immobilise l’action à un moment très précis. : le bourreau va terminer son office commencé avec une épée que l’on voit par terre, en donnant à Jean le coup de grâce avec un poignard qu’il tient dans son dos. Jean est drapé de sa cape rouge, tandis que sa peau de bête, son attribut traditionnel, dépasse légèrement de son manteau. Le geôlier est placé au centre, il est reconnaissable au trousseau de clé accroché à sa ceinture. A gauche, Salomé tient le plateau sur lequel sera posé la tête de Jean pour l’apporter à Hérode. Entre les deux, une vieille servante terrorisée se prend la tête entre les mains.
La scène se déroule dans la cour de la prison. Une fenêtre à barreaux, à droite, permet aux prisonniers d’assister à l’exécution. Tous les regards sont dirigés vers le corps de Jean ligoté, allongé et placé en pleine lumière au centre du tableau.
Le texte biblique
Car c’était lui, Hérode, qui avait donné l’ordre d’arrêter Jean et de l’enchaîner dans la prison, à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe, que lui-même avait prise pour épouse.
En effet, Jean lui disait : « Tu n’as pas le droit de prendre la femme de ton frère. »
Hérodiade en voulait donc à Jean, et elle cherchait à le faire mourir. Mais elle n’y arrivait pas
parce que Hérode avait peur de Jean : il savait que c’était un homme juste et saint, et il le protégeait ; quand il l’avait entendu, il était très embarrassé ; cependant il l’écoutait avec plaisir.
Or, une occasion favorable se présenta quand, le jour de son anniversaire, Hérode fit un dîner pour ses dignitaires, pour les chefs de l’armée et pour les notables de la Galilée.
La fille d’Hérodiade fit son entrée et dansa. Elle plut à Hérode et à ses convives. Le roi dit à la jeune fille : « Demande-moi ce que tu veux, et je te le donnerai. »
Et il lui fit ce serment : « Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai, même si c’est la moitié de mon royaume. »
Elle sortit alors pour dire à sa mère : « Qu’est-ce que je vais demander ? » Hérodiade répondit : « La tête de Jean, celui qui baptise. »
Aussitôt la jeune fille s’empressa de retourner auprès du roi, et lui fit cette demande : « Je veux que, tout de suite, tu me donnes sur un plat la tête de Jean le Baptiste. »
Le roi fut vivement contrarié ; mais à cause du serment et des convives, il ne voulut pas lui opposer un refus.
Aussitôt il envoya un garde avec l’ordre d’apporter la tête de Jean. Le garde s’en alla décapiter Jean dans la prison.
Il apporta la tête sur un plat, la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère.
Ayant appris cela, les disciples de Jean vinrent prendre son corps et le déposèrent dans un tombeau.
Mc 6, 17, 29
Commentaires
En ce jour est commémoré le martyre de St Jean Baptiste, dans le calendrier romain il s’agit de l’unique saint dont on célèbre la naissance (24 Juin) et la mort !
Jean Baptiste commence sa prédication sous le règne de l’empereur Tibère (27-28 aps JC), appelant à préparer le chemin pour accueillir le Seigneur, et présentant Jésus comme le véritable envoyé de Dieu. Comme dernier acte Jean Baptiste témoigne par le sang de sa fidélité aux commandements de Dieu sans céder ni faire marche arrière, et en accomplissant jusqu’au bout sa mission. C’est ce qu’explique Saint Bède, moine du 6e siècle, dans une homélie. Jean ne taisait pas la vérité et ainsi, il mourut pour le Christ qui est la Vérité, sans faire de compromis, sans avoir peur d’adresser des paroles fortes à ceux qui avaient quitté la voie de Dieu :
« Le saint précurseur de la naissance, de la prédication et de la mort du Seigneur a montré (au moment de sa mort) un courage digne d’attirer les regards de Dieu. Comme le dit l’Écriture : Aux yeux des hommes, il subissait un châtiment, mais par son espérance il avait déjà l’immortalité. Nous avons raison de célébrer avec joie la naissance au ciel de celui qui a rendu lui-même ce jour solennel par sa propre passion en l’illustrant par la pourpre de son sang ; et nous vénérons dans la joie spirituelle la mémoire de cet homme qui a scellé par le sceau de son martyre le témoignage qu’il rendait au Seigneur.
Il n’y a en effet aucun doute que saint Jean Baptiste a subi la prison pour notre Rédempteur qu’il précédait par son témoignage, et que c’est pour lui qu’il a donné sa vie. Car si son persécuteur ne lui a pas demandé de nier le Christ, mais de taire la vérité, c’est cependant pour le Christ qu’il est mort. Le Christ lui-même a dit, en effet : Je suis la vérité. Puisque c’est pour la vérité qu’il a répandu son sang, c’est donc bien pour le Christ. Jean avait témoigné en naissant que le Christ allait naître ; en prêchant, il avait témoigné que le Christ allait prêcher ; en baptisant, qu’il allait baptiser. En souffrant le premier sa passion, il signifiait que le Christ devait lui aussi souffrir. […]
Cet homme si grand parvint donc au terme de sa vie par l’effusion de son sang, après une longue et pénible captivité. Lui qui avait annoncé la bonne nouvelle de la liberté d’une paix supérieure est jeté en prison par des impies. Il est enfermé dans l’obscurité d’un cachot, lui qui était venu rendre témoignage à la lumière et qui avait mérité d’être appelé flambeau ardent de lumière par la lumière elle-même qui est le Christ (Jn 5,35). […] Par son propre sang est baptisé celui à qui il fut donné de baptiser le Rédempteur du monde, d’entendre la voix du Père s’adresser au Christ, et de voir descendre sur lui la grâce du Saint-Esprit. Mais il n’était pas pénible à des hommes tels que lui, bien plus, il leur semblait léger et désirable d’endurer pour la vérité des tourments temporels qui laissaient entrevoir la récompense de joies éternelles. Préférant la mort qui de toute façon était naturellement inévitable, ils choisissaient de l’accepter en confessant le nom du Christ ; ils recevaient ainsi la palme de la vie éternelle. L’Apôtre l’a bien dit : Il vous a été accordé par le Christ, non seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui. Et s’il dit que souffrir pour le Christ est un don de celui-ci à ses élus, c’est parce que, comme il le dit ailleurs : Il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous. »
St Bède le Vénérable (VIIIe s.), Homélie 23