En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
La croix glorieuse
Guillaume Perrier (attr) vers 1640, Le serpent d’airain, Musée Magnin, Dijon
Guillaume Perrier, neveu de François Perrier, est un peintre graveur de la première moitié du 17e. On a peu de documentation sur lui. Il vécut à Mâcon et commença à peindre des reliquaires pour les chanoines de la ville. Peu à peu il devint le décorateur attitré de la ville et du clergé. Couronné de succès il s’installe à Lyon et finit par se retirer au couvent des Minimes où il exécute de nombreux tableaux figurant Moïse. Le thème pour serpent d’airain était fréquent au 17e.
Son art est caractéristique de l’art du 17e, composition équilibrée, couleurs claires et contrastées.
Au premier plan Perrier montre des personnages touchés par le mal des serpents : deux hommes à terre aux couleurs cadavériques accentuées par le rouge du drap qui les ceint, et à droite la lamentation de la femme, les bras levés, criant son désespoir, l’enfant agrippé derrière elle La mort a frappé.
Mais une spirale monte jusque en haut de la colline où un mât est dressé avec à son somment le serpent d’airain fabriqué par Moïse. Des fidèles regardent vers ce mât ; on a l’impression qu’ils dansent, leurs vêtements sont colorés avec le rappel du drap rouge qui est rejeté derrière l’homme à genou. Le salut est possible, au loin.
Le texte biblique
Ils quittèrent Hor-la-Montagne par la route de la mer des Roseaux en contournant le pays d’Édom. Mais en chemin, le peuple perdit courage.
Il récrimina contre Dieu et contre Moïse : « Pourquoi nous avoir fait monter d’Égypte ? Était-ce pour nous faire mourir dans le désert, où il n’y a ni pain ni eau ? Nous sommes dégoûtés de cette nourriture misérable ! »
Alors le Seigneur envoya contre le peuple des serpents à la morsure brûlante, et beaucoup en moururent dans le peuple d’Israël.
Le peuple vint vers Moïse et dit : « Nous avons péché, en récriminant contre le Seigneur et contre toi. Intercède auprès du Seigneur pour qu’il éloigne de nous les serpents. » Moïse intercéda pour le peuple,
et le Seigneur dit à Moïse : « Fais-toi un serpent brûlant, et dresse-le au sommet d’un mât : tous ceux qui auront été mordus, qu’ils le regardent, alors ils vivront ! »
Moïse fit un serpent de bronze et le dressa au sommet du mât. Quand un homme était mordu par un serpent, et qu’il regardait vers le serpent de bronze, il restait en vie !
Nb 21 ,4-9
Commentaires
Le livre des Nombres raconte le voyage du peuple juif à travers le désert vers la Terre Promise, et les différentes révoltes contre Dieu qui ralentissent sa marche. Cette longue marche symbolise celle des hommes de tous les temps.
Ici il s’agit de l’histoire du serpent de bronze qui immunise le peuple contre la morsure des serpents.
Le récit fait allusion à des pratiques religieuses archaïques et peut être syncrétistes auxquelles les réformes d’Ézéchias (en 700 av JC) et de Josias (après 622) ont mis un terme.
Le peuple se rebelle en raison du manque de nourriture dans le désert.
Le Seigneur va punir sans débat, sans procédure comme cela avait été le cas lors des révoltes antérieures.
Il envoie des serpents à la morsure cuisante, ce qui entraîne la mort de beaucoup.
Puis on retrouve un schéma plus habituel quand Moïse intervient en faveur du peuple.
Mais le Seigneur ne pardonne pas globalement en arrêtant l’agression des serpents. Il offre un moyen de guérir ceux qui ont été mordus.
Moise doit fabriquer un serpent brûlant et le placer sur un mât et toute personne mordue qui le regardera aura la vie sauve.
Dans l’Antiquité le serpent était le symbole d’un dieu guérisseur (caducée d’Esculape).
Mais ce qui importe c’est moins le serpent lui-même que la position du serpent fabriqué par Moïse placé tout en haut d’un mât : il guérit parce qu’il oblige à lever les yeux, et d’abord à regarder le serpent en face : regarder le mal et le reconnaître comme tel, c’est déjà accepter de guérir du mal.
De plus, regarder en haut signifie se tourner vers Dieu, attendre de lui et de lui seul un salut : Vers toi j’ai les yeux levés, vers toi qui es au ciel. »(Ps 122 , 1).
L’Évangéliste Jean en fait une relecture allégorique : le serpent de bronze dressé sur un mât dans le désert est la préfiguration du Fils de l’homme élevé sur la croix, « afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle » Jn 3, 14-15.