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Ne donnez pas de perles aux pourceaux
Brueghel l’Ancien, 1525-1569, Les proverbes flamands, détail, 1559, Gemämdegalerie de Berlin
Brueghel est un peintre de l’école flamande du 16e. Ses compositions fourmillent de personnages pris sur le vif, souvent sur les places de village, qui au 16ème siècle étaient les lieux de rendez-vous et de divertissements.
Nous regardons un détail de son fameux tableau, “les proverbes flamands”, celui qui illustre le proverbe de ne pas jeter des perles aux pourceaux, venant du verset de Matthieu, Mt7,6.
Brueghel ne représente pas une scène en particulier mais une multitude de saynètes illustrant entre 85 et 118 proverbes (le chiffre diffère selon les auteurs). Les recueils de proverbes sont nombreux au 16ème siècle, après l’initiative d’ Erasme qui compose une somme de proverbes latins. Brueghel compose son propre recueil de proverbes de la façon la plus originale qui soit, sous la forme d’une œuvre peinte.
De l’ensemble du tableau se dégage une joyeuse agitation, un peu inquiétude puisqu’il s’agit d’un monde de fous; chaque personnage ou groupe de personnages est indépendant, actif dans leur propre monde, d’une occupation sans rapport avec celle de ses voisins.
Notre homme se tient debout, regarde autour de lui. Paysan aisé, beau vêtement, bourse à la taille. Il tient dans ses mains des roses. Il garde ses pourceaux, et leur jette des roses vers lesquelles les animaux se tournent.
Le texte biblique
« Ne donnez pas aux chiens ce qui est sacré ; ne jetez pas vos perles aux pourceaux, de peur qu’ils ne les piétinent, puis se retournent pour vous déchirer.
« Donc, tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi : voilà ce que disent la Loi et les Prophètes.
« Entrez par la porte étroite. Elle est grande, la porte, il est large, le chemin qui conduit à la perdition ; et ils sont nombreux, ceux qui s’y engagent.
Mais elle est étroite, la porte, il est resserré, le chemin qui conduit à la vie ; et ils sont peu nombreux, ceux qui le trouvent.
Mt 7,6.12-14
Commentaires
Notre passage fait partie du sermon sur la montagne.
Nos connaissons ce proverbe : « ne pas jeter les perles aux pourceaux », qui en fait vient de ce verset de l’évangile de Matthieu. Le sens est le suivant : ne livrez pas les choses précieuses à ceux qui ne sauraient en profiter et qui risquent en plus de se retourner contre vous.
Qu’est ce que cela veut dire chez Matthieu ?
Chez lui, la perle symbolise le Royaume (Mt 13,14ss). Le chien, le cochon, animaux impurs, évoquaient facilement les païens pour un juif. Mais Matthieu semble assimiler aux païens ceux dont la conduite est païenne. Il s’agit de nous faire réfléchir. Qu’avons nous reçu de si précieux dans le Sermon sur la montagne ? De qui devons-nous nous défier, de peur de démolir de vivre ensemble des disciples.
Peut-être ce double proverbe servait-il de slogan à une partie de l’Église manifestant peu d’entrain pour porter l’Évangile aux païens.
Jésus a exposé comment le disciple peut être un « juste » aux yeux du Père, comment il doit orienter ses pratiques religieuses et enfin comment il doit se libérer de soi-même pour se confier au Père. Les disciples savent d’où vient leur fraternité et entendent : « faites aux hommes (pas seulement les frères), tout ce que vous voudriez qu’ils fassent pour vous ».
Les grandes civilisations de l’Antiquité connaissaient toutes ces règles d’or sous la forme négative, mais l’Évangile donne à la règle une forme positive, infiniment plus exigeante. Il est plus exigeant de « faire » que de « s’abstenir » ; l’enseignement de Jésus entraîne un engagement positif.
Le verset reprend des notions que nous connaissons tous, celles de la porte étroite, du chemin du juste, solitaire, connu de Dieu, opposé au chemin des méchants, fréquenté mais qui mène a la ruine (cf Ps1).
Jésus propose d’entrer dans la vie, dans le Royaume. Ce sont les clés d’accès au Royaume de Dieu que livre le Sermon sur la montagne.