En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Priez ainsi : « Notre Père »
Maître français, le Christ enseigne le Notre Père, vers 1200, manuscrit, Koninklijke, La Haye
La bibliothèque royale de La Haye rassemble une collection extraordinaire de manuscrits de livres de prières du Moyen Age. Ils sont d’une parfaite conservation et témoignent clairement la vie de l’homme médiéval.
Ces livres d’heures sont particulièrement nombreux pour le culte de la Vierge.
Les textes bibliques sont abondamment représentés. Nous regardons ici le détail d’une page traitant de l’enseignement de Jésus sur la prière, les autres parties de la page traitant de l’histoire de Zachée et de la multiplication des pains.
Jésus est la tête de file, il parle à ses disciples, la main levée, en maître, mais aussi en signe de bénédiction ; son nimbe est cruciforme, mais son vêtement est semblable à ceux des disciples, avec eux, il prie son Père, le père de tous les hommes.
Les 12 apôtres sont alignés les uns derrière les autres, leur alignement est souligné par la ligne horizontale que forme le bas de leurs vêtements. Ils sont tous auréolés. Leurs pieds se touchent, ils sont unis. Tous montrent Jésus de la main.
Un long phylactère les tient unis, portant l’inscription des premiers mots de la prière enseignée par Jésus, le Notre Père.
Le texte biblique
Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés.
Ne les imitez donc pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé.
Vous donc, priez ainsi : Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du Mal.
Car, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi.
Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne pardonnera pas vos fautes.
Mt 6,7-15
Commentaires
Voilà le texte de l’évangile de Matthieu qui nous livre la prière du Notre Père que nous connaissons tous. Nous l’avons reçue, apprise, récitée maintes fois, seuls ou dans nos communautés lors des liturgies de nos églises.
Deux évangélistes nous ont transmis cet enseignement de Jésus, Luc et Matthieu.
Chez Matthieu la prière est enchâssée dans le Sermon sur la montagne, le premier des cinq grands discours de Jésus. La troisième partie de ce discours traite des trois œuvres de la pratique religieuse juive, l’aumône, la prière, le jeûne.
Matthieu insiste sur la bonne façon de prier, il s’oppose au rabâchage, et poursuit avec une exhortation au pardon qui prolonge et explicite la dernière demande, marquant ainsi l’importance qu’il accorde au pardon.
Ainsi notre texte se décompose en trois parties : le désaveu de la prière ostentatoire, le texte du Notre Père, et un commentaire sur la dernière demande.
« Quand vous priez », Jésus fait allusion tant à la prière personnelle qu’à la célébration commune. Dans les premières communautés chrétiennes, on insiste sur la prière incessante et insistante, sans oublier le visage d’un Dieu Père qui attend notre prière, pour nous mettre en état de tout recevoir dans la confiance filiale.
Le terme “Père” nous introduit dans la tendresse de Dieu, avec un infini respect envers lui qui est loin, aux cieux. Jésus l’a dit à maintes reprises, Dieu nous aime tous sans discrimination.
Puis viennent trois souhaits qui convergent vers le désir du règne de Dieu. Que Dieu se révèle aux hommes comme saint, le Tout Autre, dépassant de loin nos projets à courtes vues ; qu’Il exerce son plein pouvoir en instaurant ce monde nouveau où les hommes seront sauvés ; que soit ainsi acccompli ce qui est son projet, sa volonté.
Nous partageons ainsi la foi de Jésus en la venue du Règne et comme lui, nous nous en remettons à la liberté souveraine de Dieu pour le jour où tout s’accomplira.
L’espérance nous inspire de demander simplement le nécessaire, un pain suffisant, le pardon des péchés, la libération du mal. Ce sont les trois motifs de la seconde partie du Notre Père.
Matthieu a déjà parlé de ces trois éléments :
L’exigence d’une confiance filiale qui ne s’inquiète pas de la nourriture du lendemain.
Le pardon, ou la remise des dettes, car sans la grâce de Dieu, nous sommes devant lui comme des débiteurs insolvables. Le pardon fraternel était déjà évoqué dans le début du sermon sur la montagne, même s’il n’y a pas de commune mesure entre le pardon des hommes et le pardon de Dieu.
Seul Dieu enfin peut nous délivrer de la puissance toujours renaissante du mal, en nous et autour de nous.