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Centre d'enseignement de théologie à distance

Manger la Parole

Saint Jean dévore le livre, tapisserie de l’Apocalypse, fin 14e, château d’ Angers

 

La tapisserie de l’Apocalypse est une monumentale tenture (103 m de long sur 4,5 m de haut en

moyenne) utilisée par les princes pour des occasions solennelles, le mariage du duc Louis II d’Anjou avec Yolande d’Aragon le 2 décembre 1400, par exemple.

Elle est composée de sept pièces, comportant chacune quatorze tableaux, celle présentée aujourd’hui fait partie de la deuxième pièce. C’est la plus complète illustration de l’Apocalypse du Moyen Age.

Hennequin de Bruges (1340-1400), auteur des cartons, s’inspira de diverses illustrations antérieures de l’Apocalypse depuis le 4ème siècle jusqu’à des manuscrits anglo-normands du 13ème. Il nous invite à une lecture allégorique des visions que Jean aurait reçues à la fin du 1er siècle, alors en exil sur l’iîe de Patmos dans la mer Egée.

Ce qui frappe d’abord c’est l’extrême lisibilité des épisodes, cela tient au fait que toutes les figures, groupes, accessoires, monuments se détachent sur un fond sombre, tour à tour rouge foncé et bleu indigo. Ce sont toutes des silhouettes, mais elles sont éloquentes par elles-mêmes. Remarquons les ailes déployées frémissantes des anges leur confèrent un caractère digne et bienveillant mais aussi énergique.

Le ciel est figuré par un ruban de nuages frisés, la zone terrestre a des plis de terrains d’où jaillissent des figures, mais n’a aucune profondeur.

Composition lisible, sans aucun clair-obscur, qui évoque une véritable « vision ».

L’ange est fort, blond, svelte, majestueux, image d’une jeunesse éternelle qui n’rien de terrestre. Il vient de descendre, avec son arc en ciel, pour donner l’ ordre à Jean de manger le livre.

Les deux personnages ne se réduisent certes pas à quelques traits: les plis des vêtements, les traits des visages expressifs, les attributs sont simples mais expressifs ; ainsi est donnée à l’ensemble une allure dynamique.

 

Notre tapisserie a pour commentaire le texte même de l’apocalypse que nous lisons aujourd’hui, elle se donne comme une transcription littérale du texte biblique. Saint Jean reçoit de l’ange un petit livre qu’il porte à sa bouche puisqu’il est doux comme le miel à la bouche et amer aux entrailles. L’ange le pousse à cette action et lui ouvre l’avenir missionnaire qui lui est réservé. 

 

 

Le texte biblique

 Et la voix que j’avais entendue, venant du ciel, me parla de nouveau et me dit : « Va prendre le livre ouvert dans la main de l’ange qui se tient debout sur la mer et sur la terre. »

Je m’avançai vers l’ange pour lui demander de me donner le petit livre. Il me dit : « Prends, et dévore-le ; il remplira tes entrailles d’amertume, mais dans ta bouche il sera doux comme le miel. »

Je pris le petit livre de la main de l’ange, et je le dévorai. Dans ma bouche il était doux comme le miel, mais, quand je l’eus mangé, il remplit mes entrailles d’amertume.

on me dit : « Il te faut de nouveau prophétiser sur un grand nombre de peuples, de nations, de langues et de rois. »

 

Ap 10,8-11

Commentaires

Qu’est-ce que ce « petit livre » détenu par l’ange ? Un petit livre ? Tout comme Jean parlait du livre scellé au chapitre 5 de l’Apocalypse. Mais ici un livre ouvert, et ouvert grâce à l’intervention de l’agneau victorieux. Ce livre est destiné à être « assimilé », dévoré par Jean et il doit servir à alimenter sa prédiction prophétique. Jusqu’ici la révélation du livre n’avait été l’œuvre que d’intermédiaires célestes. Désormais elle passera par la mission prophétique de l’apôtre et des chrétiens. Jean doit assimiler la Parole pour pouvoir ensuite prendre la parole à son tour et prophétiser « sur un grand nombre de peuples, de nations, de langues et de rois ».

 

La scène de la manducation du livre est inspirée d’Ezéchiel :

 

Et toi, fils d’homme, écoute ce que je te dis. Ne sois pas rebelle comme cette engeance de rebelles. Ouvre la bouche, et mange ce que je te donne. »

Alors j’ai vu : une main tendue vers moi, tenant un livre en forme de rouleau.

 Elle le déroula devant moi ; ce rouleau était écrit au-dedans et au-dehors, rempli de lamentations, plaintes et clameurs.

Le Seigneur me dit : « Fils d’homme, ce qui est devant toi, mange-le, mange ce rouleau ! Puis, va ! Parle à la maison d’Israël. »

J’ouvris la bouche, il me fit manger le rouleau

et il me dit : « Fils d’homme, remplis ton ventre, rassasie tes entrailles avec ce rouleau que je te donne. » Je le mangeai, et dans ma bouche il fut doux comme du miel.

(Ez 2,8-3,3)

 

Comme jadis pour le prophète exilé, amertume et douceur caractérisent les deux versants de la parole prophétique : elle est parole de jugement, difficile à entendre et assimiler, mais aussi parole de salut, qui apporte bonheur et réconfort. Le livre dont Jean doit se nourrir, n’est rien d’autre que le livre du mystère pascal, livre du passage de la mort à la vie. 

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