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Centre d'enseignement de théologie à distance

Jonas a l’ombre du ricin

Jonas à l’ombre du ricin, bible, initiale E du livre de Jonas, manuscrit début 13e, Dijon, BM – ms 0003, fol 189, Cîteaux, abbaye Notre Dame

 

La bibliothèque de l’abbaye de Cluny s’est enrichie à partir de manuscrits du Scriptorium : il y en avait 1200 à la fin du Moyen Age. A la Révolution survint la suppression de l’abbaye et la bibliothèque confisquée fut transportée à Dijon.

 

Le 13e siècle est la grande époque de l’enluminure, les manuscrits deviennent de véritables objets de luxe (époque des Très Riches Heures du Duc de Berry). Les bibles sont des ouvrages très illustrés. L’art du vitrail inspire aux enlumineurs la composition en médaillon. On trouve des « marges à drôleries » souvent sans aucun rapport avec le texte, des grisailles, et des initiales décorées.

 

Ici c’est une initiale E provenant du livre de Jonas qui est illustrée. Il est plus fréquent de trouver une illustration de Jonas sortant de la gueule du monstre marin ! Jonas dans cette initiale est représenté à l’ombre du ricin. Il est représenté de façon stylisée ; les feuilles du ricin ont des formes de palmes à 5 ou 12 lobes, de couleur verte ou rouge, sont portées par de longues tiges. Cette plante peut avoir de 2 à 10 m de hauteur selon les pays. Son développement est rapide.

 

Autour de la tige du ricin un serpent est enroulé… évocation des tentations de Jonas de se rebeller contre Dieu ?

Jonas lui-même est assis sur son fauteuil rêvant au sort que Dieu va réserver à la ville de Ninive représentée en face de lui.

 

La lettre E peinte en or donne le cadre de l’image, on a l’impression que Jonas s’appuie comme à un balcon sur la barre transversale de la lettre.

Les couleurs rouge et bleu donnent une belle harmonie à l’ensemble et rappellent les couleurs des vitraux de l’époque.

Le texte biblique

Jonas trouva la chose très mauvaise et se mit en colère.

Il fit cette prière au Seigneur : « Ah ! Seigneur, je l’avais bien dit lorsque j’étais encore dans mon pays ! C’est pour cela que je m’étais d’abord enfui à Tarsis. Je savais bien que tu es un Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment.

Eh bien, Seigneur, prends ma vie ; mieux vaut pour moi mourir que vivre. »

Le Seigneur lui dit : « As-tu vraiment raison de te mettre en colère ? »

 Jonas sortit de Ninive et s’assit à l’est de la ville. Là, il fit une hutte de branchages et s’assit dessous, à l’ombre, pour voir ce qui allait arriver dans la ville.

 Le Seigneur Dieu donna l’ordre à un arbuste, un ricin, de pousser au-dessus de Jonas pour donner de l’ombre à sa tête et le délivrer ainsi de sa mauvaise humeur. Jonas fut très content à cause du ricin.

Mais le lendemain, à l’aube, Dieu donna l’ordre à un ver de piquer le ricin, et celui-ci se dessécha.

Au lever du soleil, Dieu fit souffler un vent d’est brûlant ; Jonas fut frappé d’insolation. Se sentant défaillir, il demanda la mort et ajouta : « Mieux vaut pour moi mourir que vivre. »

Dieu dit à Jonas : « As-tu vraiment raison de te mettre en colère au sujet de ce ricin ? » Il répondit : « Oui, j’ai bien raison de me mettre en colère jusqu’à souhaiter la mort. »

Le Seigneur répliqua : « Toi, tu as pitié de ce ricin, qui ne t’a coûté aucun travail et que tu n’as pas fait grandir, qui a poussé en une nuit et en une nuit a disparu.

Et moi, comment n’aurais-je pas pitié de Ninive, la grande ville, où, sans compter une foule d’animaux, il y a plus de cent vingt mille petits enfants qui ne distinguent pas leur droite de leur gauche ? »

 

Jonas 4,1-11

Commentaires

Nous sommes arrivés à la fin du livre de Jonas, un conte relatant l’histoire du prophète. Le livre est jalonné d’éléments fantastiques comme le poisson qui engloutit Jonas pendant trois jours avant de le déposer à Ninive qu’il était venu sauver, ou comme ici le ricin qui pousse miraculeusement pour permettre à Dieu de donner une bonne leçon à Jonas !

Notre passage est composé de trois temps : la grande colère de Jonas, la parabole du ricin et la réponse de Dieu à Jonas

 

Pourquoi la compassion de Dieu pour les Ninivites déchaîne-t-elle une nouvelle colère chez Jonas ?

Le texte nous révèle la véritable raison de la fuite de Jonas lors de son premier envoi en mission il avait reçu l’ordre de se rendre à Ninive et avait pris la direction opposée ! Maintenant il en veut à Dieu d’avoir sauvé Ninive, d’être revenu sur le châtiment promis aux nations qui ont opprimé Israël.

Ninive est pour les Israélites le pire des ennemis. En 722 l’Assyrie a mis fin au royaume du Nord en prenant Samarie et en déportant ses élites. En 701 le siège est mis devant Jérusalem qui échappe de peu à la catastrophe. Le royaume de Juda doit un gros tribut à l’Assyrie et devient son vassal. L’Assyrie reste pour les Israélites le symbole de la cruauté et de l’injustice… et c’est à cette ville que Jonas doit porter une Parole de Dieu.

Jonas connaît son Dieu, il sait qu’Il est un Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment (cf Ex 34,6-7). Jonas ne peut admettre que le monde soit régi par Dieu de miséricorde et non par des principes de justice inflexibles… Lorsque Dieu redemande à Jonas « as tu vraiment raison de te mettre en colère ? », Jonas s’en va sans répondre.

 

Et Dieu ne discute pas avec un Jonas en colère, cela ne servirait à rien. Il préfère se servir d’une parabole. Jonas à l’ombre sous son ricin, puis défaillant en plein soleil, content puis furieux. C’est Dieu qui prend l’initiative : il ordonne au ricin de pousser, à un ver de le piquer, au vent brûlant de souffler. Jonas lui, est passif. Et cette scène se termine comma la précédente : Jonas aspire à la mort ; et il va jusqu’à justifier son choix.

 

Devant l’entêtement de Jonas, Dieu reprend la parole, avec ironie ! Si Jonas est en colère pour la mort du ricin, c’est qu’il souhaite la vie de cette plante. Alors comment Dieu n’aurait-il pas pitié d’une ville immense ? Dieu révèle maintenant le ressort de sa conduite : le salut des Ninivites n’est pas lié à leur pénitence. Dieu mène tout selon son ordre : Jonas, les marins, la mer, les poissons, le ver, le ricin… tous dépendent de sa parole. Le motif réel du salut des habitants de Ninive est la tendresse de Dieu pour sa création.

Les points de vue de Jonas et de Dieu sont bien différents : Jonas est en colère de voir le peuple de Ninive rester en vie en raison de la miséricorde de Dieu.

 

Le livre se termine par une conclusion ouverte « Comment n’aurais-je pas pitié de Ninive ? » Jonas ne répond pas, c’est au lecteur de trouver sa propre réponse !

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