En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
La curiosité d’Hérode
Jésus et Hérode, Nohant sur Vicq, Indre, fresque, 12e
L’église romane de Vicq, village réuni en 1822 au village de Nohant, abrite un exceptionnel ensemble de fresques du début du 12e siècle. Jusqu’au 19e les fresques étaient recouvertes d’un badigeon de chaux. Prosper Mérimée, averti par George Sand, châtelaine du village, commença la restauration de ces fresques. L’édifice dans sa totalité avait été recouvert de fresques ; elle montrent le raffinement de la culture savante des moines de Déols (2 km de Châteauroux) dont cet édifice dépendait, une culture rendue accessible aux paysans de ce village berrichon.
On retrouve les principales scènes de la vie du Christ, enfance, mages, scènes de la Passion, différentes scènes de l’Ancien Testament et des épisodes de la vie de saint Martin. Ce décor exceptionnel insiste sur la correspondance entre le Nouveau et l’Ancien Testament, le salut réalisé en la personne du Christ et sa continuité à travers l’Église identifiée à ses saints. Cependant la répartition des scènes donne l’impression d’un grand désordre !
On pense que l’ensemble est l’œuvre d’un seul artiste dont le dessin est parfaitement maîtrisé, et la science de la fresque catalane est connue.
La palette des couleurs est relativement sobre, quatre pigment minéraux, noir de charbon, blanc de chaux, ocre-rouge et ocre-jaune. Mais l’artiste a su combiner ces pigments en les mélangeant, en les juxtaposant, ainsi les effets sont diversifiés, les volumes sont suggérés et les jeux des ombres et lumières affirment la composition.
La confrontation de Jésus et Hérode est située dans l’abside qui est dominée par un Christ en majesté, à gauche la crucifixion de saint Pierre et à droite Hérode.
Hérode est reconnaissable à ses vêtements royaux et sa couronne carrée et l’inscription qui identifie. Ses yeux grands ouverts sont fixés sur Jésus, ses mains le désignent.
En face de lui, Jésus paraît plus grand, son auréole cruciforme dépasse le cadre de la fresque. Ses yeux sont humblement tournés vers le sol et ses bras sont grand ouverts.
Le texte biblique
Hérode, prince de Galilée, apprit tout ce qui se passait, et il ne savait que penser, parce que certains disaient que Jean le Baptiste était ressuscité d’entre les morts.
D’autres disaient : « C’est le prophète Élie qui est apparu. » D’autres encore : « C’est un prophète d’autrefois qui est ressuscité. »
Quant à Hérode, il disait : « Jean, je l’ai fait décapiter ; mais qui est cet homme dont j’entends tellement parler ? » Et il cherchait à le voir.
Lc 9,7-9
Commentaires
Après tous les gestes et paroles de Jésus, les foules sont divisées, la même division qui était apparue lors de la prédication de Jean Baptiste. Jésus est dans la lignée de Jean Baptiste. Mais Jean Baptiste était rejeté pour son ascétisme et sa rigueur, Jésus est rejeté pour la joie partagée, la vie donnée à profusion et le pardon accordé (cf la suite du chapitre de Luc 7, 31-35). C’est pourtant la même justice et la même sagesse de Dieu dont il poursuit le dessein. Hérode le Tétrarque (4 av JC à 39) ne s’y trompait pas, lui qui, doutant si « Jean n’ était pas ressuscité des morts » se demandait « quel est donc celui-ci dont j’entends dire de telles choses ».
La question qui tourmente Hérode, alimentée par les rumeurs les plus folles, reste en partie de l’ordre du souci politique. C’est lui qui gouverne la province , il est le premier personnage de Galilée, il en vient à se demander la question cruciale de l’identité de Jésus. Toute la cour princière est touchée par le doute. (cf 8,3). Hérode reste perplexe. Tous s’accordent à reconnaître le rôle prophétique de Jésus. En Jésus voir le baptiste ressuscité, lui qui était déjà considéré comme « bien plus qu’un prophète » (7,26), c’était flatteur. Jésus est peut-être Élie revenant à la fin des temps ?
Mais voir en Jésus un personnage d’autrefois ressuscité est erroné… sa mort et sa résurrection est encore à venir (9,22).
Hérode a du bon sens, mais il est cynique. Au lieu d’aboutir à la conclusion la plus fausse, il débouche sur la question clé. Pour y répondre il n’envisage qu’un seul moyen, celui de voir lui-même Jésus. Comme voulait le faire la famille (8,20). Mais le sort qu’il a réservé à Jean Baptiste montre que ce n’est pas la foi qui le guide. Ce sont les prodiges réalisés par Jésus qui l’intéressent, et non la personne même qui l’intéresse.