En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Bénédictions et malédictions
Lubin Baugin, 1612-1663, la nature morte à l’échiquier ou les cinq sens, 17e, Louvre
Cette nature morte a fait connaître ce peintre français qui a fait de ce genre de peinture sa spécialité.
Ce genre de tableau appelé « vanité » est une catégorie particulière de nature morte dont la composition est allégorique et suggère que l’existence terrestre est vide, vaine et de peu d’importance. Cela rappelle un passage de l’Ecclesisate « vanité des vanités, tout est vanité »(1,2). Il s’agit de rappeler la nature passagère et vaine de la vie humaine, l’inutilité des plaisirs du monde face à la mort qui guette. Tous les objets représentés sont symboliques de la brièveté et de la fragilité de la vie, et évoquent le caractère illusoire des plaisirs humains.
Le crâne est l’objet le plus souvent représenté pour rappeler la mort. Les activités humaines, le savoir la science, la richesse, pièces de monnaie, les plaisirs, la beauté.. tout est relatif face à la mort.
Lubin Baugin a ici présenté un luth, une partition, un jeu de cartes, une bourse, une perle ovale (très beau bijou), du pain et du vin, trois œillets, un échiquier et un miroir, symboles même de la vanité.
L’image est bien structurée autour de verticales, horizontales et obliques qui entraînent le regard à l’intérieur du tableau. Les couleurs sont chaudes, ocre, jaune et rouge à gauche tandis qu’elles sont froides à droite. Il y a aussi opposition entre ombre et lumière. Cette nature morte sollicite nos cinq sens : la vue par le miroir, l’ouïe par le luth, l’odorat par les œillets, le goût par le pain et le vin et le toucher par l’échiquier, les cartes et la bourse. Le monde de l’oisiveté est représenté. Le peintre condamne tous ces objets qui entraînent sur le chemin de la futilité.
Et pourtant le regard est attiré vers le pain et le vin qui sont des objets chargés de connotations sacrées renvoyant au repas eucharistique et les œillets qui, au 17e siècle, symbolisaient l’amour sacré. Le peintre veut nous tourner vers les vraies valeurs, celles du sacré.
Le texte biblique
Regardant alors ses disciples, Jésus dit : « Heureux, vous les pauvres :le royaume de Dieu est à vous !
Heureux, vous qui avez faim maintenant :vous serez rassasiés !Heureux, vous qui pleurez maintenant :vous rirez !
Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous repoussent,quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable,à cause du Fils de l’homme.
Ce jour-là, soyez heureux et sautez de joie,car votre récompense est grande dans le ciel :c’est ainsi que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais malheureux, vous les riches :vous avez votre consolation !
Malheureux, vous qui êtes repus maintenant :vous aurez faim ! Malheureux, vous qui riez maintenant :vous serez dans le deuil et vous pleurerez
Malheureux êtes-vous quand tous les hommes disent du bien de vous : c’est ainsi que leurs pères traitaient les faux prophètes !
Lc 6,20-26
Commentaires
Ce passage fait partie du sermon dans la plaine de Luc, long discours d’enseignement faisant suite aux différents récits de guérisons de Jésus. Ce discours est plus court que le sermon sur la montagne rapporté par Matthieu, celui de Luc se situe explicitement dans la plaine. Il s’adresse aux seuls disciples et se concentre sur les Béatitudes et le commandement d’amour des ennemis (que nous lirons demain 12 septembre). Luc présente Jésus comme le prophète de la fin des temps : il dénonce la puissance de l’argent , dernier ennemi du Royaume et annonce la miséricorde infinie de Dieu.
L’accent donné à cette présentation des Béatitudes est différentes de celle de Matthieu qu’on lit le jour de la Toussaint. Au lieu des huit béatitudes de Matthieu, Luc en présente quatre et il les fait suivre de quatre malédictions symétriques. La tonalité du texte est nettement sociale et matérielle. Ceux qui ont faim, ceux qui pleurent, ceux qui sont exclus. Aucune attitude spirituelle ou morale n’est requise. Les situations inverses sont l’objet d’une malédiction : ceux qui sont riches, ceux qui sont rassasiés, ceux qui rient, ceux qui ont bonne réputation. Le bonheur ou le malheur semblent caractériser la situation de fait des disciples et des communautés sans aucun mérite de leur part.
Le jeu des oppositions fait penser au renversement du Magnificat, mais la visée est plus concrète. Les communautés pour lesquelles Luc écrit semblent avoir souffert de graves factures entre pauvres et riches. Luc dénoncera souvent le scandale de ces différences et condamnera la puissance de l’argent.
Les deux béatitudes centrales opposent une situation de détresse actuelle à des bénédictions concrètes mais futures, une récompense qui sera grande dans les cieux. Opposition entre détresse terrestre et bonheur dans les cieux ? Mais les bénédictions promises sont-elles vraiment pour plus tard dans un autre monde ? Cette opposition bénédictions / malédictions s’inscrit dans la ligne des oracles des grands prophètes d’Israël : l’annonce d’un châtiment divin avait pour but de dénoncer les injustices présentes et les iniquités du peuple qui se détournait de la Loi de Dieu. Elle invitait à la conversion.
Luc présente Jésus comme le prophète du Royaume de Dieu, et ainsi prononce les bénédictions et les malédictions. Les hommes sont appelés à la conversion, à changer de vie pour accueillir celui qui vient.