En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Seigneur, vers qui irions-nous ?
Nicolas Poussin, 1594-1665, Moïse sauvé des eaux, 1638, Louvre
Nous avons ici la première version de cet épisode de la vie de Moïse que Poussin traitera à trois, (peut-être quatre) reprises. C’était pour Poussin un prétexte pour aborder un thème qui lui a de tout temps tenu à cœur : les hasards de la Destinée et les desseins de la Providence.
Le rythme du tableau montre une sérénité toute antique ; la composition est équilibrée, les personnages forment une pyramide devant un paysage calme et serein. Dominant ce groupe la fille de Pharaon est imposante dans son ample manteau jaune doré. Elle s’appuie sur sa compagne qui est curieusement petite. Le modèle est repris des sculptures romaines. L’autre compagne montre aussi le bébé « sauvé des eaux ». Elles sont toutes trois comme des sculptures disposées le long du fleuve avec une digne simplicité et une majestueuse noblesse. La fille de Pharaon esquisse un sourire grave, elle n’ignore rien de l’importance de sa découverte et de la signification de sa décision. A leurs pieds un homme et une femme s’affairent pour prendre le bébé et sortir de l’eau. De l’autre côté un homme, dénudé, portant une corne d’abondance remplie de fruits représente le dieu du fleuve Nil.
Le paysage est traité dans des coloris où domine le gris, donnant une impression de sérénité mais aussi de froideur. Il occupe une part importante du tableau. Beau morceau de peinture : les reflets dans l’eau du fleuve, des promeneurs, de la pyramide qui évoque l’Égypte, du passeur et de sa barque.
Le texte biblique
Un homme de la tribu de Lévi avait épousé une femme de la même tribu.
Elle conçut, et elle donna naissance à un fils. Voyant qu’il était beau, elle le cacha durant trois mois.
Lorsqu’il lui fut impossible de le tenir caché plus longtemps, elle prit une corbeille de jonc, qu’elle enduisit de bitume et de résine. Elle y plaça le bébé, et déposa la corbeille au bord du Nil, au milieu des roseaux.
La soeur de l’enfant se tenait à distance pour voir ce qui allait arriver.
La fille de Pharaon descendit au fleuve pour s’y baigner, tandis que ses suivantes se promenaient sur la rive. Elle aperçut la corbeille parmi les roseaux et envoya sa servante pour la prendre.
Elle l’ouvrit et elle vit le bébé. C’était un petit garçon, il pleurait. Elle en eut pitié et dit : « C’est un petit Hébreu. »
La soeur de l’enfant dit alors à la fille de Pharaon : « Veux-tu que j’aille te chercher, parmi les femmes des Hébreux, une nourrice pour allaiter le bébé ? »
La fille de Pharaon lui répondit : « Va. » La jeune fille alla donc chercher la mère de l’enfant.
La fille de Pharaon dit à celle-ci : « Emmène ce bébé et nourris-le. C’est moi qui te donnerai ton salaire. » Alors la femme emporta l’enfant et le nourrit.
Lorsqu’il eut grandi, elle le ramena à la fille de Pharaon qui le traita comme son propre fils ; elle lui donna le nom de Moïse, en disant : « Je l’ai tiré des eaux. »
Arrivé à l’âge d’homme, Moïse se rendit auprès de ses compatriotes et fut témoin de l’oppression qu’ils subissaient. Il vit un Égyptien qui frappait un Hébreu.
Regardant autour de lui et ne voyant personne, il tua l’Égyptien et l’enfouit dans le sable.
Revenu le lendemain, il vit deux Hébreux qui se battaient et il dit à l’agresseur : « Pourquoi frappes-tu ton compagnon ? »
L’homme lui répliqua : « Qui t’a institué chef et juge sur nous ? Veux-tu me tuer comme tu as tué l’Égyptien ? » Moïse eut peur et se dit : « Pas de doute, la chose est connue. »
Pharaon en fut informé et chercha à faire périr Moïse. Celui-ci prit la fuiter et se retira dans le pays de Madiane
Exode 2,1-15
Commentaires
Ce long texte qui nous est proposé aujourd’hui comprend deux étapes de le vie de Moïse, sa naissance et son enfance puis son échec auprès des Égyptiens et de son propre peuple et enfin sa fuite.
Ce récit, complété par le passage suivant, jusqu’au verset 22 de ce chapitre 2 de l’Exode, montre comment Moïse en tant que membre du peuple hébreu, est voué à la mort, mais il est sauvé par un personnage princier de la cour d’Egypte. Mais le statut que lui confère cette adoption n’est que provisoire : l’échec de Moïse auprès de Hébreux et son intervention auprès des Égyptiens le contraignent à la fuite. Et à la fin du récit, Moïse a perdu tous ses privilèges, il est devenu « émigré en terre étrangère » (2,22)
Ainsi c’est la question du salut qui se trouve posée.
Le récit de la naissance de Moïse reprend une légende de Sargon d’Agadé, roi mésopotamien de 25e s av JC. Et la beauté de l’enfant est un trait courant des récits ayant rait aux personnages royaux.
Le salut donné à Moïse par une Egyptienne de haut rang, n’est que provisoire. On notera tout de même que le salut vient par la partie la plus faible de la société : des femmes, qui dépassent les différences de race et de statut social et s’unissent pour sauver un bébé. Pourtant, l’initiative de Moïse en faveur de son peuple se termine par un échec. Le peuple est écrasé par l’esclavage, la peur et les jalousies. Seul Dieu est capable d’apporter le salut à son peuple. Moïse ne peut participer au salut d’Israël qu’en coopérant au projet de Dieu.
Moïse ainsi présenté comme un personnage royal connaîtra l’échec et la fuite ; il sera d’abord un émigré, sans terre et sans attache. C’est Dieu lui-même qui prendra Moïse sous sa protection et lui confiera une mission.
Le roi choisi par Dieu ne peut réussir sa mission qu’en s’appuyant sur le Seigneur. Il devient médiateur entre Dieu et son peuple et ne peut pas compter sur ses propres forces. Mais le roi comme le peuple d’Israël devront toujours garder le souvenir de la servitude passée : « toi aussi accueille l’immigré, car tu as été immigré en terre étrangère ! ».