En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Offrir des holocaustes ou faire le bien ?
Guiard des Moulins, bible historiale, Noé sacrifiant, début 15ème, manuscrit BNF
La Bible Historiale est une traduction de la bible rédigée en 1294, par Guiard des Moulins à partir de la traduction latine de la Vulgate, (bible traduite par saint Jérôme, entre la fin du IVème et le début du Vème siècle directement depuis le texte hébreu ).
Les représentations de sacrifice sont nombreuses dans cette Bible.
Cet exemple représente celui que Noé fit à Dieu après le déluge.
Noé apporte un mouton vers l’autel sur lequel est installé un feu d’où émanent des flammes rougeoyantes. Noé est pieusement agenouillé, la main tendue tenant un mouton, c’est son geste de prière. Rochers et herbe d’un tendre vert évoquent la nature renaissante. Il veut rendre grâce à Dieu. La scène du sacrifice est présentée un peu comme en dehors de la réalité : Le fond de l’image est d’ailleurs conventionnel. Noé à l’abri d’un rocher surgi de manière peu naturelle, et la plaine où il est installé fait penser à un nuage cotonneux, il tient l’agneau du sacrifice. Tandis que l’autel composé d’une table à colonnettes offre une perspective fuyante maladroite. Sur l’autel les flammes du feu s’élèvent droit vers le ciel où se teint Dieu
Loin et bien séparé, Dieu apparaît en haut à droite. Sur un fond bleu symbolisant le ciel, Il est représenté en maître de l’univers, auréolé d’or et tenant un globe à la main. Il tend ses trois doigts vers Noé, lui indiquant la conduite à suivre.
Le texte biblique
A quoi bon m’offrir tant de sacrifices ? dit le Seigneur. Les holocaustes de béliers, la graisse des veaux, j’en suis rassasié. Le sang des taureaux, des agneaux et des boucs, je n’en veux plus.
Quand vous venez vous présenter devant moi, qui donc vous a demandé d’encombrer mes parvis ?
Cessez de m’apporter de vaines offrandes : l’encens, j’en ai horreur. Nouvelles lunes, sabbats, assemblées,je ne supporte plus ces fêtes sacrilèges.
14 Vos nouvelles lunes et vos solennités,je les déteste. Elles me sont un fardeauet je suis las de le porter.
Quand vous étendez les mains,je me voile les yeux. Vous avez beau multiplier les prières,je n’écoute pas : vos mains sont pleines de sang.
Lavez-vous, purifiez-vous,ôtez de ma vue vos actions mauvaises,cessez de faire le mal.
Apprenez à faire le bien : recherchez la justice, mettez au pas l’oppresseur, faites droit à l’orphelin, prenez la défense de la veuve.
Isaïe 1,11-17
Commentaires
Isaïe donne à écouter la parole du Seigneur qui est exprimée dans une forme directe et impérative, parole de sagesse et aussi parole pratique à propos des sacrifices dans les temples.
La violence des déclarations divines alterne avec l’appel à la repentance et la proposition de pardon.
Dans le verset précédant notre passage, le Seigneur s’adresse au peuple d’Israël et à ses chefs en les nommant de noms infamants : chefs de Sodome, peuple de Gomorrhe, les deux cités légendaires incarnant la dépravation et le refus de Dieu !
Mais après les violentes accusations de Dieu contre son peuple, on lira : « Venez donc et discutons, dit le Seigneur. Si vos péchés sont comme l’écarlate,ils deviendront comme la neige. S’ils sont rouges comme le vermillon,ils deviendront blancs comme la laine. »
Le Seigneur est direct dans ses propos ; puisqu’ il y a une telle opposition ente l’attente de Dieu et l’attitude des fidèles: Dieu n’écoutera plus les prières. Il lance donc un appel : les neuf impératifs offrent au peuple rebelle un chemin tout différent, un chemin de conversion : quitter toute conduite mauvaise, adopter un comportement autre, celui que Dieu peut accepter, le peuple devra apprendre à faire le bien.
Dieu clame son dégoût du culte que lui rend son peuple, quel scandale ! Les mots utilisés sont forts. Dieu se détourne de ce culte. Qui donc a ordonné au peuple de venir ainsi se présenter à l’autel ? La réponse paraît évidente : n’est-ce pas la Loi même de Dieu ? Or par la bouche d’Isaïe, Dieu indique avec vigueur que la Loi ne peut conduire d’un côté à multiplier les sacrifices pour Dieu et de l’autre à commettre des injustices et des violences contre son prochain. Le respect inaliénable de l’autre est la condition nécessaire à tout culte. Sinon il ne s’agit plus que d’une idolâtrie et un non-sens que Dieu déteste (relisons à ce sujet le psaume 50 !).
Le peuple est appelé à se convertir en retournant son attitude : respect de l’autre, respect des droits du pauvre et de l’orphelin, dénonciation de toute violence envers le faible. Alors le péché sera pardonné comme l’indique le verset suivant.
Ainsi nous découvrons le vrai visage du Dieu d’Israël : impossible de le rencontrer en dehors de notre relation envers notre prochain ! Quelle actualité !