En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
L’amour d’Israël
Pierre le Mangeur (1110-1179), Bible historiale, Osée et Gomer, la naissance d’Yizréel. 15e, abbaye saint Rémi, Reims.
Pierre le Mangeur est un théologien du 12e, dont l’oeuvre principale est l‘Historia Scholastica, qui est un abrégé destiné à la formation du clergé et des prédicateurs.
La Bible historiale composée par le clerc picard Guyart des Moulins, né en 1251, fait partie des plus célèbres traductions des Écritures. L’auteur élabore en français à partir de deux des ouvrages les plus lus de l’époque, l’Histoire scholastique de Pierre le Mangeur et la Vulgate de saint Jérôme. Son livre a été largement diffusé et lu. Il constitue le versant officiel de l’histoire de la Bible en français au Moyen Age.
Cette illustration illustre l’amour d’ Osée pour Gomer, sa femme bien-aimée, en deux scènes distinctes : Osée embrassant Gomer, et Gomer allongée dans un lit à baldaquin et les deux femmes prennent l’enfant après l’accouchement.
Gomer est « une femme de prostitution », elle symbolise l’infidèle Israël qui trahit l’Alliance de son Dieu pour se « prostituer » dans le culte des idoles.
L’enfant Yizréel porte le nom de la ville où Jéhu, fondateur de la dynastie qui règne sur le royaume du Nord, commit pour s’emparer du trône une série de crimes sanglants.
L’histoire relate l’infidélité de Gomer, les maltraitances qu’elle subit après avoir été vendue sur le marché. Osée va venir à son secours car il aime sa femme comme au premier jour. Il est captif d’un amour qui ne peut être détruit; c’est cet amour qui est décrit dans cette illustration.
Le texte biblique
J’ai aimé Israël dès son enfance, et, pour le faire sortir d’Égypte, j’ai appelé mon fils.
C’est moi qui lui apprenais à marcher, en le soutenant de mes bras, et il n’a pas compris que je venais à son secours.
Je le guidais avec humanité, par des liens de tendresse ; je le traitais comme un nourrisson qu’on soulève tout contre sa joue ; je me penchais vers lui pour le faire manger. Mais ils ont refusé de revenir à moi : vais-je les livrer au châtiment ?
Non ! Mon cœur se retourne contre moi, et le regret me consume.
Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint,et je ne viens pas pour exterminer.
Osée 11,1…9
Commentaires
Osée est souvent connu comme « le prophète de l’amour », il a en effet été le premier à utiliser un langage amoureux pour parler des rapports entre Israël et son Dieu. Son message se veut plein de tendresse et de miséricorde de Dieu envers son peuple infidèle qui ne cesse de le trahir.
Ce passage du livre d’Osée montre une image de Dieu, comme père de son peuple, ayant des traits à la fois paternels et maternels
Osée rappelle les bienfaits de Dieu envers son peuple à travers son histoire.
Le premier mot est le verbe « aimer » qui désigne l’affection aussi bien entre amis qu’entre époux ou qu’entre parents et enfants. Osée est le premier à employer ce mot pour Dieu. Dieu est un père plein d’attention pour Israël, mais Il a aussi des gestes de mère.
Dieu appelle Israël, son fils (terme utilisé lors de la sortie d’Égypte : « Israël est mon fils premier-né, laisse partir mon fils », Ex 4, 22-23) ; la sortie d’Égypte est pour Osée le commencement de l’histoire d’Israël : l’apprentissage de la marche et de la nourriture renvoie au temps du désert. Dieu vient au secours de son peuple par les différents miracles, les eaux assainies par Moïse, la manne envoyée du ciel..
Les bienfaits énumérés sont le fondement de la relation entre Dieu et son peuple : ils ont valeur d’appel qui sollicite une libre réponse de la part du peuple. Mais la réponse va se révéler décevante, le peuple ne reconnaît pas Dieu et même le refuse.
Ainsi le cœur de Dieu est troublé, il souffre de l’indifférence de l’homme, le regret le consume, littéralement « mes entrailles sont émues ».
Et pourtant c’est le non-châtiment qui va prévaloir. Puisque le peuple ne revient pas de ses errements, c’est le Seigneur, lui, qui « bouleverse » son cœur et refuse de châtier le peuple coupable. Seule la sainteté divine peut donner raison à cette attitude : Dieu ne se conduit pas comme un homme, et répond par le pardon à la conduite impardonnable des hommes.