En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
le silence
Fra Angelico, (1400-1455), saint Pierre demandant le silence, couvent saint Marc Florence, 1441.
Les fresques de Fra Angelico au couvent saint Marc ont été souvent évoquées, l'ensemble de fresques dans les couloirs et les cellules sont en effet proches de toute étude de sujets bibliques.
Quand les Dominicains ont pris possession du couvent, il était en ruine. La reconstruction ne commença qu'en 1438, les moines étant logés dans des cellules humides et dans des cabanes en bois. Les travaux de restauration furent confiés au sculpteur et architecte Michelozzo sur la commande de Cosme de Medicis. Dès 1442 l'église est prête à être consacrée. Dans le même temps la reconstruction du couvent est réalisée, et les travaux se sont poursuivis jusqu'en 1452.
La succession des fresques n'obéit à aucun ordre précis : sans doute des représentations des visions du moine Fra Angelico souvent montré en prière ou en méditation.
L'ensemble constitue une invitation adressée aux religieux occupant les cellules ou déambulant dans le cloitre, à méditer sur la vie de Jésus de la même manière que le feraient les saints Dominique, Pierre de Verone et Thomas d'Aquin.
Le rôle didactique des lunettes situées au-dessus des portes s'ouvrant sur le cloitre est manifeste : la représentation de saint Thomas surmonte la porte de l'école de théologie et la représentation de saint Pierre de Vérone fait allusion à l'étude des préceptes dominicains comme l'étude et le silence.
Pierre de Vérone (vers 1203 – 1252 ) fut un prédicateur appartenant à l'ordre des Dominicains et un inquisiteur vénéré comme saint dans l'église catholique romaine (il était d'origine cathare). Dans la bulle de sa canonisation lui étaient reconnues « dévotion, humilité, obéissance, piété, patience, charité » et il était présenté comme un « amant fervent de la foi, son éminent connaisseur et encore plus ardent défenseur ».
Dans la représentation que nous voyons dans le couvent saint Marc, le saint met le doigt devant la bouche pour inviter au silence : appel au silence dans le couvent, appel au silence pour la vie intérieure : taisez-vous et je me tais. Est symbolisée ici une disposition du cœur tout autant qu'une disposition du corps.
Ainsi Fra Angelico lance une invitation au renoncement évangélique, un appel à la confiance totale en Dieu de qui vient toute grâce et tout bien, afin d'arriver à l'union avec Dieu.
Le fruit du vœu d'obéissance est d'être rempli de cette vertu théologale qu'est la charité qui est aussi un don de Dieu.
En apprenant l'obéissance, le dominicain devient prêcheur et le prêcheur se remplit de charité.
Le saint est représenté tenant le Livre et une palme à la main, signe de son martyr. L'action de Pierre de Verone suscita, on s'en doute, beaucoup de haine : le 6 avril 1252, le samedi de Pâques, il fut attaqué sur la route de Côme à Milan blessé à coup de serpe et poignardé par un certain Pietro da Balsamo dit Carino, qui plus tard eut des remords de cet acte, entra à son tour chez les Dominicains, et mourut en odeur de sainteté.
Le texte biblique
Frères bien-aimés, chacun devrait être toujours prêt à écouter, lent à parler, lent à se mettre en colère,
car la colère de l'homme n'accomplit pas ce que Dieu attend du juste.
C'est pourquoi vous devez rejeter tout ce qui salit, tout ce qu'il vous reste de méchanceté, pour accueillir humblement la parole de Dieu semée en vous ; elle est capable de vous sauver.
Mettez la Parole en application, ne vous contentez pas de l'écouter : ce serait vous faire illusion.
Car écouter la Parole sans la mettre en application, c'est ressembler à un homme qui se regarde dans une glace,
et qui, aussitôt après, s'en va en oubliant de quoi il avait l'air.
Au contraire, l'homme qui se penche sur la loi parfaite, celle de la liberté, et qui s'y tient, celui qui ne l'écoute pas pour l'oublier, mais l'applique dans ses actes, heureux sera-t-il d'agir ainsi.
Si quelqu'un croit être un homme religieux, alors qu'il ne sait pas mettre un frein à sa langue, il se trompe lui-même, sa religion ne mène à rien.
Devant Dieu notre Père, la manière pure et irréprochable de pratiquer la religion, c'est de venir en aide aux orphelins et aux veuves dans leur malheur, et de se garder propre au milieu du monde.
JC 1, 19-27
Commentaires
La lettre de Jacques n'a pas la célébrité de celles de Paul et pourtant son enseignement, proche du Sermon sur la Montagne, ne manque ni de vigueur ni d'actualité. Elle s'adresse à des chrétiens divisés, oublieux des pauvres et assoiffés de richesse.. dont la foi resterait inefficace sans ses œuvres concrètes qui seules réalisent la loi d'amour.
L'auteur dans notre passage valorise la stabilité dans une société qui bouge : l'homme ne doit pas partir en oubliant qui il était. Il trouve son modèle en Dieu lui-même et dans la Parole qui est enracinée en Lui. L'homme est invité lui-même à demeurer dans la loi de la liberté.
Le modèle de religion que Jacques propose n'est pas étranger à la stabilité. Il s'agit d'une religion active et sans souillure. L'homme est appelé à s'occuper des pauvres de leur communauté plutôt que de courir le vaste monde.
Rejeter tout ce qui salit et et se garder propre, en fait sont deux expressions synonymes qui consistent, dans un premier temps à parler au lieu d'écouter et dans un deuxième temps de se contenter d’écouter au lieu d'agir… : est malpropre celui qui laisse le pauvre dans la saleté en se contentant de vaines paroles.
Il s'agit donc ici de prôner un type de comportement religieux dans le monde grec où vivent les lecteurs de Jacques.
Jacques insiste beaucoup sur l'écoute de la Parole. Mais écouter la Parole ne suffit pas, il faut l'appliquer dans des actes, le bonheur est au bout, si l’action réalise la Parole donnée. Cela correspond à la façon de concevoir l'activité humaine, en particulier le travail dans la société hellénistique, le faire et l'agir. Le bonheur promis sera obtenu grâce à la réalisation, dans le temps, de cette parole qui engendre à une existence nouvelle de fils.
Ainsi Jacques encourage les lecteurs à passer aux actes, à vivre leur religion de façon nouvelle. Certains avaient tendance à vivre la comme une simple écoute de la Parole. Il s'agit d'articuler la foi et les œuvres. Sa préoccupation majeure est d'éviter que les belles paroles ne remplacent les actes de solidarité.