En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Le martyre d’Eleazar
Giovanni Battista Lenardi (1656 – 1704), Martyrdom of the Jewish Chief Scribe, Eleazar, and the Seven Brothers and their mother, coll part
Giovanni Battista Lenardi est un dessinateur et peintre italien, élève de Pierre de Cortone (1596-1669 ). Il réalisa les fresques du cloître de l’église sainte Sabine de Rome et fut un éminent membre de l’académie saint Luc. Son œuvre la plus célèbre aujourd’hui est l’enterrement de saint André visible à la basilique Sant’Andrea delle Fratte, à Rome.
Dans cette peinture du martyre d’Eleazar, Giovanni Battista Lenardi représente en même temps les martyrs d’Eleazar et des sept frères.
Antiochus siège impérieux sur son trône, l’œil sévère et pointant énergiquement du doigt ceux qu’il veut faire mourir puisqu’ils refusent de se plier à sa volonté de manger de la viande interdite et donc de renoncer à leur foi en Dieu.
Un jeune enfant apporte un plat garni de viande de porc devant la mère des sept frères..
Eléazar est au centre le dos courbé, les mains liées, en pleine lumière. Le bourreau s’apprête à le frapper avec une torche en feu.
Le texte biblique
Éléazar était l’un des scribes les plus éminents. C’était un homme très âgé, et de très belle allure. On voulut l’obliger à manger du porc en lui ouvrant la bouche de force.
Préférant avoir une mort prestigieuse plutôt qu’une vie abjecte, il marchait de son plein gré vers l’instrument du supplice, après avoir recraché cette viande, comme on doit le faire quand on a le courage de rejeter ce qu’il n’est pas permis de manger, même par amour de la vie.
Ceux qui étaient chargés de ce repas sacrilège le connaissaient de longue date. Ils le prirent à part et lui conseillèrent de faire apporter des viandes dont l’usage était permis, et qu’il aurait préparées lui-même. Il n’aurait qu’à faire semblant de manger les chairs de la victime pour obéir au roi ;
en agissant ainsi, il échapperait à la mort et serait traité avec humanité grâce à la vieille amitié qu’il avait pour eux.
Mais il fit un beau raisonnement, bien digne de son âge, du rang que lui donnait sa vieillesse, du respect que lui valaient ses cheveux blancs, de sa conduite irréprochable depuis l’enfance, et surtout digne de la législation sainte établie par Dieu. Il s’exprima en conséquence, demandant qu’on l’envoyât sans tarder au séjour des morts :
« Une telle comédie est indigne de mon âge. Car beaucoup de jeunes gens croiraient qu’Éléazar, à quatre-vingt-dix ans, adopte la manière de vivre des étrangers.
À cause de cette comédie, par ma faute, ils se laisseraient égarer eux aussi ; et moi, pour un misérable reste de vie, j’attirerais sur ma vieillesse la honte et le déshonneur.
Même si j’évite, pour le moment, le châtiment qui vient des hommes, je n’échapperai pas, vivant ou mort, aux mains du Tout-Puissant.
C’est pourquoi, en quittant aujourd’hui la vie avec courage, je me montrerai digne de ma vieillesse et, en choisissant de mourir avec détermination et noblesse pour nos vénérables et saintes lois, j’aurai laissé aux jeunes gens le noble exemple d’une belle mort. » Sur ces mots, il alla tout droit au supplice.
Pour ceux qui le conduisaient, ces propos étaient de la folie ; c’est pourquoi ils passèrent subitement de la bienveillance à l’hostilité.
Quant à lui, au moment de mourir sous les coups, il dit en gémissant : « Le Seigneur, dans sa science sainte, le voit bien : alors que je pouvais échapper à la mort, j’endure sous le fouet des douleurs qui font souffrir mon corps ; mais dans mon âme je les supporte avec joie, parce que je crains Dieu. »
Telle fut la mort de cet homme. Il laissa ainsi, non seulement à la jeunesse mais à l’ensemble de son peuple, un exemple de noblesse et un mémorial de vertu.
2 Martyrs d’Israel 6, 18-31
Commentaires
Le livre des martyrs d’Israël ou livre des Maccabées, est le seul livre à nous renseigner sur l’histoire du peuple élu à l’époque hellénistique, alors que la Judée est vassale des souverains séleucides qui règnent à Antioche.
Il y est démontré que, grâce au secours de Dieu, Judas Maccabée et ses frères reconquirent l’autonomie nationale et la liberté de culte qu’avait tenté d’anéantir Antiochus Epiphane ((175-164).
Ce dernier avait en effet persécuté le peuple juif. Le temple de Jérusalem fut profané et dédié à Jupiter, le sabbat et les fêtes nationales avaient été supprimés, les juifs sommés de sacrifier aux idoles. Beaucoup cédèrent devant les menaces. Mais certains ont préféré la mort à l’apostasie.
Les plus illustres martyrs de cette persécution furent Eléazar et les sept frères d’Antioche.
Eléazar était un vieillard de 99 ans, et l’un des premiers parmi les docteurs juifs.
On voulait le forcer à manger de la viande de porc immolé aux idoles. Il refusa et se déclara prêt à mourir plutôt qu’à se souiller. D’anciens amis essayèrent de le sauver et l’exhortèrent à tromper le roi, en mangeant d’une viande qu’ils avaient apportée et qui n’était pas défendue par la loi de Moïse. Il refusa fermement, clamant que les jeunes diraient à son sujet qu’il s’était fait apostat à 99 ans. Bien mauvais témoignage pour les générations futures ! Il emporterait dans sa tombe, avec la malédiction de Dieu, une mémoire chargée de mépris. En fait il veut mourir fidèle à Dieu et léguer à ses jeunes concitoyens l’exemple d’une inviolable fidélité aux lois du Seigneur.
Il poursuit donc sa route vers le lieu du supplice.
Les soldats l’accablent de coups et prolongent à plaisir les tortures de son agonie.Et il meurt en chantant la gloire de Dieu.
L’idéalisation de ce vieillard martyr devait servir d’exemple et d’idéal aux jeunes Juifs refusant d’obéir à la politique d’hellénisation forcée d’Antiochus IV.
Le livre se poursuit avec les martyrs des sept frères encouragés par leur mère, pour qui Eléazar se voulait un exemple
(voir l’article art et méditation du 18 novembre 2015 )