En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
CARÊME : LA VIOLENCE (6)
Dans le Nouveau Testament, aussi, la violence peut être présente. Elle doit être interprétée, il faut la comprendre dans sa relation avec la vraie douceur de Jésus.
Jésus a su parler avec violence : « malheur à toi Chorazin » (Mt 11,21), dans la finale de la parabole des talents (Lc 19,27), ou encore en évoquant le châtiment des vignerons homicides (Mt 21,41) pour ne citer que quelques exemples. Il faut aussi rappeler la colère de l’Agneau de l’Apocalypse (Ap 6,16s). Jésus se dresse contre tout ce qui défigure le visage de Dieu, tout ce qui lui substitue une idole, argent, intérêt personnel ou pouvoir.
Aujourd’hui nous rappelons l’épisode de Jésus face aux marchands du temple.
Le Greco, 1541-1614, Le Christ chassant les marchands du Temple , 1600, National Luseum de Londres
Le Greco a étudié ce thème, Jésus et les marchands du temple, pendant plus de quarante années, de 1570 à 1614, et en a réalisé quatre versions majeures réparties dans différents musées du monde. Nous regardons la version conservée au National Museum de Londres, elle date de 1600.
Le Greco y voyait l’occasion de travailler sa manière : reflets extraordinaires, palais et autres architectures vénitiennes ou romaines, rencontrées au cours de ses pérégrinations. De plus ce thème s’inscrit dans le contexte de la Contre-Réforme en réaction à l’étendue de la Réforme et aux excès de l’Église.
La scène est ici représentée dans un cadrage serré, l’action est centrée sur Jésus.
A l’arrière-plan, la loge dominant la place laisse voir un niveau inférieur formant une superposition de colonnades qui évoquent le Septizodium, monument romain dédié aux sept astres majeurs, que Greco a pu voir avant sa destruction en 1582.
Entre les colonnes qui entourent l’arcade du portique, on peut voir deux reliefs représentant successivement Adam et Eve chassés du paradis, et le sacrifice d’Isaac.
Au premier plan, un étal de bois renversé tel que décrit dans l’évangile de Jean, fait office de repoussoir.
À gauche, une figure d’homme porte un panier, un autre, courbé, ramasse une cage où sont renfermées les colombes. À droite une jeune fille arrive de la ville, portant un panier sur sa tête.
Le chaos des marchands reflète l’observation précise qui est celle du Greco des marchés du Rialto de Venise.
Les apôtres à droite, sans doute saint Pierre à genou, observent interrogatifs.
Les couleurs rouges et jaune entourent et isolent le Christ, vêtu de pourpre et drapé de bleu. Il est le centre du tableau, l’acteur principal, solide, imposant.
Les récits évangéliques n’attribuent aucun geste violent à Jésus, à part cette purification du temple, violence toute relative car il ne semble pas que, dans cette sainte colère, il ne s’en prenne pas aux personnes.
Jésus vient dénoncer par un geste prophétique le détournement de la signification du Temple. Dans les évangiles de Matthieu, Marc et Luc, l’invective reprend les mots des prophètes Isaïe et Jérémie ; changeurs et marchands ont fait de la « maison de prière » une « caverne de bandits ».
Le geste de Jésus contre tout ce qui sert aux sacrifices, rappelle que la vérité du Temple ne réside pas dans les sacrifices que l’on y offre, mais dans la relation avec Dieu qui s’y rend présent, auprès de son peuple en, prière.
Le texte biblique
Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs,
et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. »
Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment.
Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? »
Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. »
Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! »
Mais lui parlait du sanctuaire de son corps.
Jn 2, 13-21
Commentaires
“Mais pourquoi Nôtre-Seigneur manifeste-t-il un si grand courroux ? Il devait opérer des guérisons le jour du sabbat, et faire un grand nombre d’œuvres qui paraissaient aux Juifs une véritable transgression de la loi de Dieu.
C’est donc pour leur prouver qu’il n’est point en opposition avec Dieu, qu’il chasse, au péril de sa vie, les marchands hors du temple, et il donne à comprendre que celui qui s’expose ainsi au danger pour défendre l’honneur de la maison, ne peut être accusé de mépriser le maître de la maison ; aussi pour montrer la parfaite harmonie qui règne entre Dieu et lui, il ne dit pas : La maison sainte, mais : « La maison de mon Père. » C’est pour la même raison que l’Evangéliste ajoute : « Ses disciples se ressouvinrent alors qu’il est écrit : Le zèle de votre maison me dévore. »
Saint Jean Chrysostome, 344-407, Homélie 23 sur l’évangile selon saint Jean