En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Le roi de la forêt
Gustave Courbet, 1819-1877, Le chêne de Flagey, 1864, musée Courbet, Ornans
Chef de file du courant de peinture réaliste au 19e siècle, Courbet propose dès 1848-49 des peintures qui s’opposent aux critères de l’académisme, à l’idéalisme, et aux outrance romantiques. Individualiste, et revendiquant sa formation autodidacte et son terroir, Courbet a toujours été un amoureux des forces de la nature. Après un séjour à Paris où il acquit sa notoriété, il revient en France Comté et change sa manière de peindre s’inspirant de son terroir bien-aimé.
Il peint des paysages comme on entre en religion, avec passion et révérence.
Ce « chêne de Flagey » appelé aussi « le chêne de Vercingétorix » est une œuvre tout à fait originale. Sa composition est unique : le chêne remplit la totalité de l’espace de la toile, jusqu »à donner l’impression qu’il en repousse les bords.
Courbet a observé longuement cet arbre de Flagey, petite ville de Franche Comté où sa famille possédait une maison. Et pourtant le peintre propose une traduction subjective du chêne. On a pu comparer la peinture avec une photo de 1905 de cet arbre ! On mesure à quel point Courbet a réinterprété la réalité pour donner à l’arbre encore plus de majesté et de puissance.
L’arbre est éclairé par la droite, dans le bas de la composition Courbet a représenté le tronc torturé et large dont les dimensions sont données par la taille du chien coursant un lapin. La ligne d’horizon est basse, laissant voir un village à peine esquissé à gauche. d’autres arbres complètent le tableau en second plan avec des collines bleuies en arrière-plan
Ce tableau possède une symbolique politique forte. Lors de son exposition de 1867, Courbet y avait ajouté une sous-titre : « appelé chêne de Vercingétorix, camp de César près d’Alésia, Franche Comté », conférant ainsi une dimension politique à sa peinture. En effet au milieu du 19e une querelle virulente divisait l’opinion publique sur l’emplacement du site de la bataille historique d’Alésia. Deux camps, formés d’érudits et d’archéologues, se disputaient entre Alaise, dans le Doubs et Alise-Sainte-Reine, en Côte d’Or (Bourgogne). Napoléon III avait participé au débat en soutenant officiellement la position bourguignonne dans son Histoire de Jules César (1866). À cette époque, Vercingétorix personnifiait les origines de la démocratie française. De cette manière, le duel Alaise / Alise-Sainte-Reine se répercutait en autant de confrontations idéologiques : Vercingétorix contre Jules César, démocratie contre impérialisme, indépendance régionale contre pouvoir centralisateur, Courbet contre Napoléon III.
Le texte biblique
Tous les notables de Sichem et ceux de la maison du Terre-Plein se réunirent et vinrent proclamer roi Abimélek, près du chêne de la Pierre-Dressée qui est à Sichem.
On l’annonça à Yotam. Celui-ci vint se poster sur le sommet du mont Garizim et il cria de toutes ses forces : « Écoutez-moi, notables de Sichem, et Dieu vous écoutera !
Un jour, les arbres se mirent en campagne pour se donner un roi et le consacrer par l’onction. Ils dirent à l’olivier : “Sois notre roi !”
L’olivier leur répondit : “Faudra-t-il que je renonce à mon huile, qui sert à honorer Dieu et les hommes, pour aller me balancer au-dessus des autres arbres ?”
Alors les arbres dirent au figuier : “Viens, toi, sois notre roi !”
Le figuier leur répondit : “Faudra-t-il que je renonce à la douceur et à la saveur de mes fruits, pour aller me balancer au-dessus des autres arbres ?”
Les arbres dirent alors à la vigne : “Viens, toi, sois notre roi !”
13 La vigne leur répondit : “Faudra-t-il que je renonce à mon vin, qui réjouit Dieu et les hommes, pour aller me balancer au-dessus des autres arbres ?”
Alors tous les arbres dirent au buisson d’épines : “Viens, toi, sois notre roi !”
Et le buisson d’épines répondit aux arbres : “Si c’est de bonne foi que vous me consacrez par l’onction pour être votre roi, venez vous abriter sous mon ombre ; sinon, qu’un feu sorte du buisson d’épines et dévore jusqu’aux cèdres du Liban !” »
Jg 9, 6-15
Commentaires
La liturgie nous offre de lire aujourd’hui un extrait du Livre des Juges. Étrange, ce livre avec ses héros ambigus comme Gédéon, Jephté ou Samson, avec des pages truculentes, brutales parfois sanglantes, difficiles à lire. Et pourtant il fait le lien entre l’Exode et l’apparition de la royauté avec Saül et David. Les Juges issus de différentes tribus d’Israel, ont fait l’objet de récits populaires, souvent légendaires. A nous de les lire en vue de combattre le mal et de vivre notre foi.
Les Israélites viennent de connaître un coup d’état anti-démocratique : 70 personnes susceptibles de gouverner viennent d’être assassinées, permettant au commanditaire Abimelek d’être intronisé.
Un rescapé du massacre, Yotam se rend sur le mont Garizim, montagne sainte de Samarie. Il prend la parole pour s’adresser aux notables de Sichem. Au lieu d’un réquisitoire contre le coup de force, et de demander justice, il raconte une histoire, une fable.
A travers la fable des arbres de la forêt, l’auteur vise ceux qui ont accédé au pouvoir par défaut, et de ceux qui l’ont permis.
Les notables de Sichem sont bien les destinataires de la fable. Ce sont eux l’olivier, le figuier, la vigne qui ont mieux à faire que de s’intéresser au bien commun. Leur prestige personnel l’emporte sur le bien de la société. Leur narcissisme les empêche de se mettre au service de la communauté.
Yotam va les amener à réfléchir et à répondre de leurs actes ou de leur non-actes.
Yotam en racontant une fable donne un critère pour évaluer le choix de celui qui règne. Il se pourrait que les notables aient accepté l’intronisation d’Abimelek pour avoir la paix dans leurs affaires personnelles. Yotam dénonce l’idée de mettre quelqu’un au pouvoir pour une autre raison que la conduite des affaires publiques et la recherche du bien du peuple.