En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Elie et Achab
Rudolf von Ems, Naboth lapidé devant sa vigne, chronique universelle, 1350-1375, auteur de la miniature inconnu, Hochschul- und Landesbibliothek Fulda, Fulda.
Rodolphe d’Ems (env 1200-1254) est un poète épique médiéval autrichien.
Il est l’un des auteurs les plus érudits du Moyen Age ; grâce et vivacité de la narration, esprit vertueux et perfection formelle sont les magnifiques caractéristiques de ses écrits.
Son œuvre « La Chronique universelle » est dédiée au roi Conrad IV, est son dernier écrit, et représente le premier ouvrage de ce genre en langue allemande. C’est l’un des ouvrages les plus lus au Moyen Age.
Sa chronique universelle couvre la période qui va de la Création à la mort de Salomon, car il n’a pas eu le temps de finir ! Ses sources sont la Vulgate et notamment l’histoire scolastique de Pierre le Mangeur.
Dès le 13e siècle, plusieurs manuscrits furent compilées avec des copies de l’histoire sacrée
Les envoyés d’Achab et Jézabel jettent des pierres sur Naboth, devant la porte qui mène à sa vigne. Celle-ci volent autour de la tête de Naboth, l’un des envoyés en faisant une provision dans sa tunique !!
Ils portent le chapeau juif, chapeau pointu en forme de cone, blanc ou jaune , tel qu’il était porté par les juifs en Europe médiévale. D’abord porté traditionnellement et volontairement, il fut imposé aux hommes juifs après le Concile de Latran, qui exigea en 1215 que les juifs soient reconnaissables par leurs vêtements afin de pouvoir les distinguer des chrétiens. Son origine pourrait être perse.
Achab est agenouillé devant la porte représenté comme une colonne étroite et haute au centre de l’image, elle semble délimiter la propriété du roi.
De l’autre côté, le champ de vigne, les plants étant représentés symboliquement par des sarments ondulés très décoratifs, sur une colline herbeuse.
Le texte biblique
La parole du Seigneur fut adressée au prophète Élie de Tishbé :
« Lève-toi, va trouver Acab, qui règne sur Israël à Samarie. Il est en ce moment dans la vigne de Naboth, où il s’est rendu pour en prendre possession.
Tu lui diras : “Ainsi parle le Seigneur : Tu as commis un meurtre, et maintenant tu prends possession. C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur : À l’endroit même où les chiens ont lapé le sang de Naboth, les chiens laperont ton sang à toi aussi.” »
Acab dit à Élie : « Tu m’as donc retrouvé, toi, mon ennemi ! » Élie répondit : « Oui, je t’ai retrouvé. Puisque tu t’es déshonoré en faisant ce qui est mal aux yeux du Seigneur,
je vais faire venir sur toi le malheur : je supprimerai ta descendance, j’exterminerai tous les mâles de ta maison, esclaves ou hommes libres en Israël.
Je ferai à ta maison ce que j’ai fait à celle de Jéroboam, fils de Nebath, et à celle de Baasa, fils d’Ahias, tes prédécesseurs, car tu as provoqué ma colère et fait pécher Israël.
Et le Seigneur a encore cette parole contre Jézabel : “Les chiens dévoreront Jézabel sous les murs de la ville de Yizréel !”
Celui de la maison d’Acab qui mourra dans la ville sera dévoré par les chiens ; celui qui mourra dans la campagne sera dévoré par les oiseaux du ciel. »
On n’a jamais vu personne se déshonorer comme Acab en faisant comme lui ce qui est mal aux yeux du Seigneur, sous l’influence de sa femme Jézabel.
Il s’est conduit d’une manière abominable en s’attachant aux idoles, comme faisaient les Amorites que le Seigneur avait chassés devant les Israélites.
27 Quand Acab entendit les paroles prononcées par Élie, il déchira ses habits, se couvrit le corps d’une toile à sac – un vêtement de pénitence – ; et il jeûnait, il gardait la toile à sac pour dormir, et il marchait lentement.
Alors la parole du Seigneur fut adressée à Élie :
« Tu vois comment Acab s’est humilié devant moi ! Puisqu’il s’est humilié devant moi, je ne ferai pas venir le malheur de son vivant ; c’est sous le règne de son fils que je ferai venir le malheur sur sa maison.
1 R 21, 17-29
Commentaires
Notre passage est tiré du premier livre des Rois, qui révèle le personnage d’Elie. Elie exerce son ministère dans le Royaume d’Israël, au temps du règne d’Achab (874-853). Il est présenté comme le serviteur passionné de Dieu. Le roi Achab est connu surtout en raison de ses démêlés avec Elie : il est en effet présenté comme un roi impie ; son alliance avec la Phénicie lui fit épouser Jézabel, une princesse phénicienne, qui l’entraîna à honorer son dieu Baal, auquel il éleva un temple. Ainsi est-il violemment critiqué par Elie.
Acab règne depuis une quinzaine d’années. Il est à l’apogée de sa puissance, mais rien ne semble le satisfaire. Voici qu’il convoite l’héritage de Naboth, pour agrandir le domaine royal autour de son palais à Yizréel.
A sa grande surprise, Naboth refuse toutes les offres avantageuses qu’il lui propose en compensation.
Naboth lui oppose un droit sacré, celui de la Terre promise donnée par Dieu à son peuple (cf. Ex 3,7s) et dont nul ne peut disposer à sa guise : Naboth a reçu cette vigne de ses pères, mais en fait, c’est de Dieu qu’il la reçoit en héritage à travers la longue succession des générations.
Achab est israélite et comprend bien que cet argument est imparable. Il n’insiste pas et rentre chez lui.
Achab respecte la Loi, mais il cède pourtant à la convoitise ; poussé par sa femme, Jézabel, il finit par envoyer des émissaires pour lapider Naboth et le mettre à mort. Cela donna au prophète Elie l’occasion de condamner les époux royaux, déclarant qu’Achab le corrompu s’est « vendu », comme s’il arrêtait d’être une personne et devenait une marchandise ».
Par ce crime Achab illustre la tendance à toujours vouloir ce qu’on n’a pas. Le roi était comblé de richesses, mais tout ce qui l’intéressait, c’était la vigne de son voisin.
Le mensonge et le meurtre l’ont donc mis en possession de l’objet de sa convoitise. Il se lève, tout content, pour connaître sa nouvelle propriété. Mais Elie se trouve sur son chemin. Dieu a chargé Elie d’annoncer à Achab l’affreux jugement qui l’attend, et Élie prédit à Acab une mort violente. L’oracle est ici encore une application rigoureuse de la vieille loi du talion.
Alors pour la première fois apparaît chez Achab un signe d’humiliation, il reconnait ses torts et fait pénitence. Il sait que la parole de Dieu s’accomplit toujours. Il se repent, jeûne, s’habille de vêtements de pénitence et veut se convertir.
Dieu est attentif à cette attitude d’Achab, et diffère son jugement. Le malheur ne viendra pas du vivant d’Achab, mais c’est sous le règne de son fils que le malheur arrivera !
Ce « report » du châtiment nous heurte violemment ; mais le texte biblique montre comment progressivement l’idée d’un pardon de Dieu avance dans l’histoire d’Israël. La théologie de la rétribution reste à l’oeuvre comme stricte justice : le crime doit être puni. Mais un retour vers Dieu est possible, éloignant le châtiment.
Le rédacteur du texte, qui sait la fin funeste de la dynastie d’Achab et du Royaume d’Israë,l y voit encore un châtiment de Dieu. Mais il sait aussi que Dieu est un Dieu miséricordieux qui n’attend de l’homme que le repentir et l’action juste, pour lui ouvrir les bras.