En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Prendre place au festin dans le royaume de Dieu.
Tympan du portail de l’abbatiale de Conques, 12e
Le tympan du jugement dernier de l’abbatiale de Conques est fort savamment organisé, mettant en scène un drame eschatologique. Tous les acteurs sont représentés, le Christ occupant le panneau central.
De part et d’autre, les domaines des élus et des damnés, avec le ciel, lieu de contemplation de Dieu, dominant l’ensemble.
Verticalement tous les personnages, anges, saints, élus, défunts, vivants, pécheurs et démons, sont répartis sur trois registres superposés correspondant aux trois ères du temps, passé, présent et futur et aux trois étages géographiques, mondes souterrains, terrestres et célestes.
Intéressons nous au côté des élus.
En bas, les mondes souterrains, les temps passés avec les prophètes et les patriarches de l’Ancien Testament, avec au centre Abraham ayant à ses genoux deux enfants, allégorie du sein d’Abraham.
Au centre, le monde terrestre, le temps présent, Les personnages avancent en procession, ils pérégrinent vers le Christ, c’est l’Eglise en marche. Ils sont guidés par Marie, Pierre et Dadon l’ermite à l’origine de la fondation du sanctuaire de Conques. Ils sont baignés par les ondes divines.
Les autres personnages avancent sous la conduite de l’Abbé de Conques reconnaissable à sa crosse pastorale. La dernière personne est Marie de Magdala, les genoux fléchis, les pieds tournés vers l’arrière et la tète tournée vers le Christ, symbole de sa conversion.
Ces personnages représentent l’histoire de la chrétienté : depuis Madeleine à l’abbé du 12e en passant par sainte Foy, martyre et saint Antoine (anachorète du 4 e siècle), saint Jérôme (père de l’Eglise vers 400) et Charlemagne (800). Viennent ensuite deux clercs qui symbolisent la présence de l’Eglise contemporaine.
Les élus ne sont pas tous irréprochables ! Plus de la moitié ne portent pas d’auréoles. Le paradis n’est pas réservé aux seuls saints : Marie Madeleine, Pierre, Dadon et même Charlemagne, qui, l’air contrit, est tiré par la main par l’abbé Dadon ; ils sont sauvés car ils ont cru.
Le texte biblique
Tandis qu’il faisait route vers Jérusalem, Jésus traversait villes et villages en enseignant.
Quelqu’un lui demanda : « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » Jésus leur dit :
« Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas.
Lorsque le maître de maison se sera levé pour fermer la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : “Seigneur, ouvre-nous”, il vous répondra : “Je ne sais pas d’où vous êtes.”
Alors vous vous mettrez à dire : “Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places.”
Il vous répondra : “Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice.”
Là, il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous-mêmes, vous serez jetés dehors.
Alors on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu.
Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. »
Commentaires
Nous abordons la deuxième étape du voyage de Jésus vers Jérusalem, et la suite des enseignements de Jésus appelant à l’urgence de la conversion. Un passant pose la question du salut.
La dureté de la réponse tient à son caractère prophétique, elle pousse de façon urgente à la conversion.
Il faut faire des efforts,il faut lutter pour passer par la porte étroite. Ce qui importe c’est le changement de comportement de chacun. Il ne s’agit pas de compter le nombre de ceux qui seront élus, mais de qualité de vie de chacun. Beaucoup se pressent au portillon sans parvenir à passer.
Deux facteurs : la porte étroite qui conduit à la joie du banquet, et aussi le temps qui presse car la porte va être fermée. Si tout le monde se presse en même temps, l’échec est à prévoir !
La fermeture de la porte est commandée par un personnage central, le maître de maison qui n’est autre que Jésus lui-même, (v 25-27)
Arrivés trop tard, ses interlocuteurs chercheront à se faire ouvrir invoquant qu’ils ont partagé tant de repas ensemble. Mais Jésus répond « je ne sais pas d’où vous êtes », ce qui en langage biblique signifie, je ne vous ai pas choisi, vous n’appartenez pas aux élus. Il n’y a là aucun jugement arbitraire de la part du maître, Jésus indique qu’ils seront rejetés parce qu’ils font le mal (cf Ps 6,9).
Avoir eu des liens avec Jésus, ne sert à rien, si la conversion n’est pas là ; il n’y pas d’automatisme en matière de salut. Ce qu’il faut c’est se convertir et accueillir l’annonce de la Bonne Nouvelle.
Si on est exclus du Royaume, cela va provoquer pleurs et grincements de dents. Les interlocuteurs de Jésus sont alors bien dépités, ils verront les vrais croyants d’Israël, représentés par les patriarches et tous les prophètes, jouir du bonheur et de la paix qui caractérisent le Royaume, tandis qu’eux mêmes resteront à l’extérieur. Et à leur place d’autres viendront du monde entier, de l’Orient et de l’Occident, ce sont les peuples païens qui participeront au salut.
La conclusion fait écho à la prophétie de Syméon qui présentait le ministère de Jésus comme provoquant le relèvement et la chute de beaucoup en Israël et rappelle que dans le Royaume les situations humaines pourront être renversées (cf les Béatitudes).