En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Aimer c’est pardonner (7)
Pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font
Saint Jean de la croix, 1542-1591, dessin de la crucifixion, vers 1570, monastère de l’incarnation d’Avila
Ce dessin de saint Jean de la Croix a profondément inspiré Salvador Dali pour sa peinture le Christ en croix, montrant la vision extatique de Jean de la Croix du Christ crucifié surplombant l’humanité.
Le saint carmélite a exécuté cette esquisse pour une moniale, sœur Anna Marie du monastère des carmélites de l’incarnation à Avila, qui l’a longtemps portée sur elle.
Ce dessin est exécuté à l’encre de Chine sur un papier ovale, tout petit, la plus grande dimension ne dépasse pas 5 cm, et pourtant quelle force, quelle vibration est exprimée avec quelques traits de plume, il prolonge l’intense émotion de la vision mystique de Jean de la Croix.
Quelle expression dramatique, quelle habileté technique. Sur le plan artistique, on voit que le mystique connaissait les inventions déjà bien étonnantes de Michel Ange ou du Corrège par exemple : les tourbillons, les envols, les contorsions, les projections des volumes dans l’espace.
On y ressent l’arrachement du Christ sur sa croix horizontale, le don total de ce corps lourd, résigné, condamné au sacrifice, cette nuque attirée vers la terre comme par une pesanteur qui s’acharne et déchire. St Jean de la Croix exprime une gravitation mystique mystérieuse, l’attraction de l’âme de Jésus chargée de toute la miséricorde de la croix. Le regard invisible du Père tourné avec amour vers chacun de nous est suggéré.
Amour exprimé par ce corps émacié, tuméfié, qui donne tout, et en premier le pardon donné « pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». le pardon est toujours premier pour le Christ, devant sa mort, et aussi devant nos vies imprégnées de péché d’injustice.
Ô Flamme d’amour vive
Qui tendrement blesse
Mon âme au plus profond centre !
Puisque maintenant n’es plus tourment
Termine maintenant si tu veux,
Déchire la toile de cette douce rencontre !
Ô cautère suave !
Ô caressante plaie !
Ô main agréable ! ô touche délicate
Qui de vie éternelle a saveur
Et toute dette paye !
En tuant, mort en vie changeas.
O lampes de feu
Dans lesquels éclats
Les profondes cavernes du sens,
Qui étaient obscures et aveugles,
Avec d’étranges habiletés
Chaleur et lumière ensemble donnent à son ami !
Combien paisible et amoureux
T’éveilles-tu en mon sein
Où secrètement seul tu demeures,
Et en ton souffle savoureux
De bien et de gloire remplis,
Combien délicatement tu rends amoureux !
Saint Jean de la Croix, 1542-1591, vive flamme d’amour, 1585
Le texte biblique
Le peuple, en grande foule, le suivait, ainsi que des femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur Jésus.
Il se retourna et leur dit : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants !
Voici venir des jours où l’on dira : “Heureuses les femmes stériles, celles qui n’ont pas enfanté, celles qui n’ont pas allaité !”
Alors on dira aux montagnes : “Tombez sur nous”, et aux collines : “Cachez-nous.”
Car si l’on traite ainsi l’arbre vert, que deviendra l’arbre sec ? »
Ils emmenaient aussi avec Jésus deux autres, des malfaiteurs, pour les exécuter.
Lorsqu’ils furent arrivés au lieu dit : Le Crâne (ou Calvaire), là ils crucifièrent Jésus, avec les deux malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche.
Jésus disait : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » Puis, ils partagèrent ses vêtements et les tirèrent au sort.
Le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! »
Les soldats aussi se moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée,
en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »
Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. »
L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! »
Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi !
Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. »
Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. »
Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
Lc 23,27-43
Commentaires
O mon Dieu, vous m’avez blessé d’amour
Et la blessure est encore vibrante,
O mon Dieu, vous m’avez blessé d’amour.
Voici mon sang que je n’ai pas versé,
Voici ma chair indigne de souffrance,
Voici mon sang que je n’ai pas versé.
Voici mon cœur qui n’a battu qu’en vain
Pour palpiter aux ronces du Calvaire,
Voici mon cœur qui n’a battu qu’en vain.
Voici mes yeux, luminaires d’erreurs
Pour être éteints aux pleurs de la prière,
Voici mes yeux, luminaires d’erreurs.
Hélas ! Vous, Dieu d’offrande et de pardon,
Quel est le puits de mon ingratitude,
Hélas ! Vous, Dieu d’offrande et de pardon.
Vous, Dieu de paix, de joie et de bonheur,
Toutes mes peurs, toutes mes ignorances,
Vous, Dieu de paix, de joie et de bonheur.
Vous connaissez tout cela, tout cela
Et que je suis plus pauvre que personne,
Vous connaissez tout cela, tout cela.
Mais ce que j’ai, mon Dieu, je vous le donne.
Paul Verlaine (1844-1896), Sagesse, 1881