En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Comprendre l’Ecriture

Rembrandt, 1606-1669, Baptême de l’eunuque, 1626, coll part
Ce thème fut repris plusieurs fois par Rembrandt tant en peinture qu’en gravure.
C’était, en effet, un de thèmes religieux les plus populaires au début du 17ème siècle, avec la fuite en Egypte, les pèlerins d’Emmaüs, saint Jean prêchant, et Tobie et l’ange.
Il s’agit ici d’une œuvre du début de la carrière de Rembrandt. Ce tableau de petite taille, (63*78 cm) offre de très nombreux détails dans la richesse des costumes et des bijoux.
L’eunuque est bien caractérisé, il est vêtu d’un riche vêtement de fourrure posé sur un belle tunique de tissu rouge. Son serviteur agenouillé derrière lui porte lui aussi de beaux vêtements de couleurs plus douces ; dans le fond le magnifique char est gardé par de fiers serviteurs portant des coiffes « éthiopiennes », leurs regards sont tournés vers leur maître agenouillé. Des chevaux piaffent de vouloir repartir !!
Juste devant, un serviteur porte un gros livre, sans doute celui de l’Écriture, que l’eunuque a acheté à grand prix à Jérusalem, la ville représentée dans le lointain, et qu’il tentait de lire et de re-connaître (c’est même mot dans le grec biblique) quand Philippe vint le trouver.
Philippe est caractérisé par son vêtement de voyageur. Dans sa pauvreté il est grand et imposant et fait le geste du baptême. L’eau de la rivière est seulement représentée par quelques verdures qui évoquent l’humidité, (dans le désert c’est la marque extérieure de la présence d’eau).
La scène est empreinte de gravité et de recueillement, suggérant la merveille que l’Esprit opère par l’intermédiaire du disciple de Jésus envers un étranger, riche Éthiopien si éloigné du monde juif.
Le texte biblique
L’ange du Seigneur adressa la parole à Philippe en disant : « Mets-toi en marche en direction du sud, prends la route qui descend de Jérusalem à Gaza ; elle est déserte. »
Et Philippe se mit en marche. Or, un Éthiopien, un eunuque, haut fonctionnaire de Candace, la reine d’Éthiopie, et administrateur de tous ses trésors, était venu à Jérusalem pour adorer.
Il en revenait, assis sur son char, et lisait le prophète Isaïe.
L’Esprit dit à Philippe : « Approche, et rejoins ce char. »
Philippe se mit à courir, et il entendit l’homme qui lisait le prophète Isaïe ; alors il lui demanda : « Comprends-tu ce que tu lis ? »
L’autre lui répondit : « Et comment le pourrais-je s’il n’y a personne pour me guider ? » Il invita donc Philippe à monter et à s’asseoir à côté de lui.
Le passage de l’Écriture qu’il lisait était celui-ci : Comme une brebis, il fut conduit à l’abattoir ; comme un agneau muet devant le tondeur, il n’ouvre pas la bouche.
Dans son humiliation, il n’a pas obtenu justice. Sa descendance, qui en parlera ? Car sa vie est retranchée de la terre.
Prenant la parole, l’eunuque dit à Philippe : « Dis-moi, je te prie : de qui le prophète parle-t-il ? De lui-même, ou bien d’un autre ? »
Alors Philippe prit la parole et, à partir de ce passage de l’Écriture, il lui annonça la Bonne Nouvelle de Jésus.
Comme ils poursuivaient leur route, ils arrivèrent à un point d’eau, et l’eunuque dit : « Voici de l’eau : qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? »
Il fit arrêter le char, ils descendirent dans l’eau tous les deux, et Philippe baptisa l’eunuque.
Quand ils furent remontés de l’eau, l’Esprit du Seigneur emporta Philippe ; l’eunuque ne le voyait plus, mais il poursuivait sa route, tout joyeux.
Philippe se retrouva dans la ville d’Ashdod, il annonçait la Bonne Nouvelle dans toutes les villes où il passait jusqu’à son arrivée à Césarée.
Ac 8, 26-40
Commentaires
Philippe reçoit l’ordre de partir sur une route déserte, un ofcfd étonnant ! Et pourtant sans demander d’explication (cf Abraham), il se met en route. En fait Philippe rencontre sur cette route un étranger, un africain, qui retourne vers son pays, l’Éthiopie. Cet homme a subi une mutilation et les eunuques selon la loi juive ne devaient pas être admis dans l’assemblée d’Israël ni entrer dans le Temple (Dt 23,2). Or dans son pays c’est un homme important, peut-être ministre des finances de la reine. Il a les moyens d’acquérir un coûteux rouleau manuscrit d’Écritures juives.
Philippe rejoint le char de ce haut personnage ; l’évangéliste faisant intervenir l’ange du Seigneur ou l’Esprit, exprime sa conviction que cette rencontre a été préparée et conduite par Dieu.
Philippe entend que l’homme lit à haute voix, un texte du prophète Isaïe. Mais l’eunuque comprend-il vraiment ce qu’il lit ? Effectivement ce haut personnage avoue simplement l’obscurité de ce texte pour lui, il n’a personne pour « le conduire sur le chemin » de la compréhension. Il invite Philippe à monter sur son char dans une relation d’égalité, pressentant chez lui le guide fraternel dont il a besoin.
Le texte à commenter est un fragment du 4e poème du Serviteur (Is 53,7-8). Comment identifier le personnage dont il est question ? La question n’est pas innocente et beaucoup d’interprétations sont possibles, s’agit-il du prophète lui-même, ou un autre prophète comme Jérémie, ou même le peuple d’Israël ? Il s’agit d’un juste assassiné par son peuple, et donc privé d’avenir et de descendance. L’eunuque peut y retrouver quelque chose de sa propre condition d’homme mutilé.
Philippe va transmettre une interprétation chrétienne, le Serviteur souffrant, c’est Jésus crucifié. Ce texte est sans doute celui qui a le plus aidé les premières générations chrétiennes à surmonter le scandale de la croix. Et Philippe annonce la Bonne Nouvelle de Jésus.
La catéchèse improvisée de Philippe a du être assez persuasive pour que son interlocuteur, déjà nourri des Écritures, prend la décision de la foi et demande le baptême.
Les voyageurs s’arrêtent, « descendent » dans l’eau et en « remontent » (cf la liturgie baptismale) comme une participation à l’abaissement et à l’élévation du Christ, (à sa mort et à sa résurrection).
Le récit s’achève brusquement par la disparition de Philippe comme Jésus disparaissait aux yeux des disciples d’Emmaüs. L’eunuque ne le voyait plus, mais il poursuit sa route tout joyeux. Il n’a plus besoin de guide et il est rempli de la joie de la découverte de l’Evangile souvent soulignée par Luc.