En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Saint Jean Chrysostome. Aimez vos ennemis !
Fra Angelico, vers 1395-1455, l’arrestation de Jésus, vers 1450, fresque du musée Saint Marc à Florence
Cette fresque de la cellule 33 du couvent Saint Marc montre l’attitude de Jésus lors de son arrestation au jardin des Oliviers.
Le ciel est noir, mais les personnages se distinguent bien sur le fond ocre du sol dénudé. Jésus s’entretenait avec ses disciples lorsque Judas s’est approché de Jésus et le désigne aux soldats qui l’accompagne par un baiser. Ainsi les gardes se saisissent de Jésus. Pierre frappe alors un serviteur du grand prêtre de son épée. Mais Jésus se laisse faire. Il arrête même la résistance de Pierre et permet aux disciples de s’enfuir et d’avoir ainsi la vie sauve.
Ainsi le moine qui habitait la cellule peut contempler et méditer les paroles de Jésus lors du Sermon sur la montagne, les paroles les Béatitudes. Jésus consent à ne pas montrer de colère, à ne pas rendre coup pour coup. L’attitude de Jésus en sa dignité invite le moine à vivre les Béatitudes quoi qu’il lui en coute.
Le baiser de Judas est le centre de la scène, Judas, de dos, ayant une auréole noire se penche vers Jésus dont l’auréole est cruciforme. Le visage que l’on voit est celui, plein de douceur, de Jésus.
Sur la droite deux hommes s’affrontent, c’est la lutte de Pierre qui coupe l’oreille de Malchos, un serviteur du grand prêtre.
De l’autre côté la foule de soldats armés de glaives et de bâtons. Entouré de part et d’autre par ces attitudes de violence, Jésus reste immobile, paisible et confiant.
Le texte biblique
Je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent.
Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient.
A celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre. A celui qui te prend ton manteau, laisse prendre aussi ta tunique.
Donne à quiconque te demande, et ne réclame pas à celui qui te vole.
Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux.
Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment.
Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs en font autant.
Si vous prêtez quand vous êtes sûrs qu’on vous rendra, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent.
Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Dieu très-haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants.
Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux.
Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés.
Donnez, et vous recevrez : une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans votre tablier ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira aussi pour vous. »
Lc 6,27-38
Commentaires
Ce texte, qui suit le fameux passage des « béatitudes », correspondant chez Luc au chapitre 5 de Matthieu (Mt 5, 1-12), est centré sur l’amour et vise le renversement des valeurs humaines. Ce texte est bien dense, et peut paraître à la limite du supportable.
« Aimez vos ennemis et faites du bien à ceux qui vous haïssent » (à deux reprises : « Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien » v.35 ).
Jésus joue sur des oppositions extrêmes, en inversant tous les comportements habituels de la vie : aimez vos ennemis, faites du bien, souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient ; à celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre, etc..
Nous révolterons nous ?. Les conduites spontanées de réciprocité sont condamnées, tout est déstabilisé.
Puis Jésus affirme la supériorité de ces conduites en soulignant le surplus de gratuité qu’elles offrent. Aimer ceux qui nous aiment, tout le monde peut le faire, les pécheurs aussi le font. Quelle gratuité y a-t-il à faire du bien à ceux qui nous font du bien ? Tout le monde peut en faire autant.
Le comportement de réciprocité que la justice humaine tente toujours d’établir est rejeté par Jésus du côté des pécheurs, c’est à dire ceux qui ne reconnaissent pas le Dieu unique qui propose aux hommes son alliance. Alors la justice des hommes serait-elle pécheresse ?
Non, mais elle est insuffisante ; l’enseignement de Jésus va au-delà, il se situe dans l’ordre du surplus et de l’excès. Il s’agit de don gratuit, de don sans rien attendre en retour.
Jésus donne la clé de ces incohérences : Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Dieu très-haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants. Dieu donne sans compter, sans attendre de retour. Il donne à tous, aussi à ceux qui sont incapables de gratitude ou de reconnaissance Il donne la vie comme un Père. Et faire ce que Jésus suggère, c’est entrer dans l’amour même de Dieu, c’est le chemin à suivre pour devenir fils de Dieu.
Cela est certes impossible à suivre pour les hommes. Mais Jésus propose un chemin à partir des pratiques humaines : Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. ». Il reprend ici la règle d’or présente dans la majorité des sagesses antiques : « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse », mais il la transforme en lui donnant un tour positif ! Je désire le bonheur pour moi, et ce bonheur j’en suis responsable pour mon prochain. Jésus invite donc ses disciples à entrer dans une relation nouvelle. Soyez bons avec votre voisin, tout comme Dieu votre père est miséricordieux. La miséricorde de Dieu est la définition même de Dieu dans l’Ancien Testament : « Le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité, qui garde sa fidélité jusqu’à la millième génération, supporte faute, transgression et péché » ( Ex 34,6 ). Dieu ne tient pas rigueur mais pardonne et donne gratuitement. Il s’agit donc de devenir miséricordieux comme Dieu, en fils d’un Dieu qui est Père de tous !