En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
multiplication des pains : le don de Dieu est sans limites
Lambert Lombard (1506 – 1566), Le Miracle des pains et des poissons, Maison Rockox, Anvers
Le peintre liégeois Lambert Lombard est l’une des personnalités les plus riches de la vie
culturelle belge de son temps. Peintre, architecte, graveur, archéologue, collectionneur,
numismate, mythographe, homme de lettres, historien de l’art et maître d’une académie de
grande réputation, il illustre à la perfection la définition de l’artiste idéal de la Renaissance.
Il séjourne à Rome en 1538, et entre ainsi en contact avec la sculpture antique et la peinture italienne, Raphaël, Michel Ange etc.. Lombard rentrera à Liège avec le désir d’introduire des formes modernes en peinture et de faire connaître celle-ci comme un « art libéral ». Son œuvre est abondante, notamment dans les domaines de la gravure et du dessin qui montrent sa volonté
d’illustrer le message chrétien en s’inspirant directement du texte évangélique.
Sa production reflète, par les sujets religieux qu’elle illustre, le mouvement de la Réforme qui s’impose partout en Europe et qui remet en cause l’approche traditionnelle du texte biblique.
Le tableau de la multiplication des pains est une œuvre particulièrement réussie, généreuse en détails précis et réalistes tant pour les paysages, que pour les gestes de Jésus, le regroupement de la foule, jusqu'aux paniers prêts à recevoir le surplus de pains et de poissons.
La foule est nombreuse, installée par groupes à la fois sur la sèche montagne et sur les prés d'herbe fraiche ! Au centre Jésus prie les yeux levés au ciel bénissant les pains présentés par un disciple. Dans le lointain bleuté, le lac que Jésus avait traversé pour fuir la foule, et les barques. Le paysage est traité dans une pure tradition flamande. Quant aux personnages ils reflètent la modernité de la Renaissance. Les costumes sont riches en formes et en couleurs, comme le style de l'antiquité classique qui a inspiré les artistes de la Renaissance ; on y ressent les copies que le peintre a faites des statues antiques, et aussi sa capacité de faire parler sa liberté d'interprétation.
L’ensemble donne l’impression d’une surabondance, d’une profusion de vie, qui célèbre la richesse des dons de Dieu.
Le texte biblique
En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de pitié envers eux, par
ce qu'ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les instruire longuement.
Déjà l'heure était avancée ; ses disciples s'étaient approchés et lui disaient : « L'endroit est désert et il est déjà tard.
Renvoie-les, qu'ils aillent dans les fermes et les villages des environs s'acheter de quoi manger. » Il leur répondit :
« Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Ils répliquent : « Allons-nous dépenser le salaire de deux cents journées pour acheter du pain et leur donner à manger ? »
Jésus leur demande : « Combien avez-vous de pains ? Allez voir. » S'étant informés, ils lui disent : « Cinq, et deux poissons. »
Il leur ordonna de les faire tous asseoir par groupes sur l'herbe verte.
Ils s'assirent en rond par groupes de cent et de cinquante.
Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction, rompit les pains, et il les donnait aux disciples pour qu'ils les distribuent. Il partagea aussi les deux poissons entre eux tous.
Tous mangèrent à leur faim.
Et l'on ramassa douze paniers pleins de morceaux de pain et de poisson.
Ceux qui avaient mangé les pains étaient au nombre de cinq mille hommes.
Mc 6,34-44
Commentaires
Alors que Jésus et les apôtres cherchent à aller à l'écart dans un endroit désert de l'autre côté du lac, la foule les devance ; lorsqu’ils mettent pied à terre, ils trouvent une foule considérable. Jésus ne peut ni, ne veut la fuir, et même il marque une sollicitude particulière à son égard : il est saisi de pitié (en grec, « ses entrailles s'émurent »!), comme Dieu à l'égard de son peuple (Os 11,8), comme un berger vis à vis de ses brebis. Ce thème est essentiel dans l'Ancien Testament où Israël est présenté comme un troupeau conduit par Dieu et les pasteurs que Dieu lui donne : le Messie attendu sera le Bon Berger.
Le Maître commence par instruire longuement la foule. Avant de donner du pain, c'est d'abord par sa parole que Jésus rassasie les hommes. C'est par sa parole que Jésus s'efforce de rassembler la foule en un nouveau peuple de Dieu.
L'histoire utilise des remarques pleines de réminiscences bibliques. L'heure est tardive et le lieu désert rappelle les conditions dans lesquelles le peuple d'Israël s'est trouvé jadis, au désert de l'Exode, tenaillé par la faim (Ex 16,3ss).
Les disciples proposent de renvoyer la foule gênante, mais Jésus demande de leur donner à manger… Or, il ne reste que cinq pains et deux poissons. Rappelant le prophète Elisée qui avait accompli neuf siècles auparavant un miracle d'abondance (2R 4,42-44), Jésus invite ses disciples à la préparation du banquet messianique.
La foule doit s'asseoir sur l'herbe verte… alors que nous sommes censés être au désert ! Jésus se comporte comme le berger du psaume (Ps 23,2.5).
Les gens s'assoient par groupes de cent et de cinquante : ces chiffres évoquent l'organisation des fils d'Israël au désert pour former le peuple de Dieu (Ex 18,21-25).
Puis Jésus fait les quatre gestes qu'il fera à l'instant solennel où il instituera le mémorial de son dernier repas : il prend le pain, lève les yeux au ciel en prière de louange et d'action de grâce, prononce la bénédiction, rompt le pain et le donne aux disciples pour qu'ils en fassent la distribution. C’est ainsi que les chrétiens à chaque génération revivront le mémorial eucharistique.
Tout le monde est rassasié, et, comme dans le récit du prophète Élisée (2 R 4, 43), il y a du reste. Dans sa générosité sans borne, Dieu comble les hommes au-delà de leurs besoins. Les douze corbeilles restantes font écho aux douze tribus d'Israël. D'autres peuvent encore être rassasiés avec le surplus du repas messianique.
Le don de Dieu est sans limite.