En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Le sabbat
Musée westreenianum Meemano, La Haye, MMW 10B23
Pierre le Mangeur (Petrus Comestor) est un théologien né à Troyes vers 1110. Son œuvre principale, l' Historia Scholastica est un abrégé de tous les livres de la Bible destiné à la formation du clergé et des prédicateurs. (voir la méditation de la semaine du 21 juillet 2010).
La « Bible historiale » est le seul ouvrage de la fin du Moyen Âge à comprendre l’ensemble des livres testamentaires, traduits en prose et en français, à partir de l’Histoire Scholastique de Pierre le Mangeur et de la Vulgate de Jérôme. Actuellement, en sont conservés à travers le monde 144 exemplaires, complets ou fragmentaires, écrits entre le début du xive siècle et le début du xive siècle.
La « Bible historiale », une des productions majeures de la littérature du Moyen , est pourtant négligée car, trop vite lue, elle a été peu étudiée en tant que telle, et souvent utilisée comme « illustration » des bibles richement enluminées au xive siècle
Nous avons ici une miniature représentant le Christ guérissant un homme hydropique. Le malade est allongé sur son lit, faible, les yeux rivés sur Jésus qui lui pose les mains sur le front.
Jésus le regarde avec intensité, l'œil grave. Il est auréolé, seule couleur brillante de la miniature, et il tient le livre à la main. Derrière lui un groupe de personnes, les pharisiens invités à festoyer pour la sabbat, observent gravement Jésus. Ils portent barbe et chapeau caractéristiques.
À côté, l'illustrateur a représenté la parabole racontée par Jésus : un homme en tenue de service, sans manteau ni chapeau, tente de tirer à l'aide d'un corde un bœuf qui était tombé dans un puits.
L'illustration s'intègre parfaitement dans le quadrilobe, le dos courbé du malade, le puits en épousent la forme. Les couleurs sont douces et caractérisent chaque personnage. Les manteaux des pharisiens sont ocre, de couleur neutre, le malade est couvert d’un drap vieux rose à peine plus sombre que son corps, Jésus et le sauveur du bœuf sont du même bleu qui reste sobre.
Le texte biblique
Un jour de sabbat, Jésus était entré chez un chef des pharisiens pour y prendre son repas, et on l'observait.
Justement, un homme atteint d'hydropisie était là devant lui.
Jésus s'adressa aux docteurs de la Loi et aux pharisiens pour leur demander : « Est-il permis, oui ou non, de faire une guérison le jour du sabbat ? »
Ils gardèrent le silence. Jésus saisit alors le malade, le guérit et le renvoya.
Puis il leur dit : « Si l'un de vous a son fils ou son boeuf qui tombe dans un puits, ne va-t-il pas l'en retirer aussitôt, le jour même du sabbat ? »
Et ils furent incapables de trouver une réponse.
Luc 14,1-6
Commentaires
Le chapitre 14 de l'évangile de Luc regroupe plusieurs paraboles autour du thème des invités au festin, elles renversent les habitudes du peuple d'Israel. Jésus invité par des pharisiens en profite pour leur parler et répondre aux questions des divers convives.
A la fin du chapitre précédent Jésus disait avoir encore des guérisons à accomplir.
Ici il en effectue une le jour du sabbat. Jésus est invité chez le chef des pharisiens, sans doute pour un repas de la confrérie, le vendredi soir, à l'ouverture du sabbat, au cours du quel les discussions religieuses sont nombreuses ! On sait que les scribes et les pharisiens étaient prêts à tendre des pièges à Jésus (Lc 11,53-54), cette invitation néanmoins montre qu’ils l’honoraient suffisamment.
Il y a là un homme souffrant d' hydropisie, un œdème, c'est à dire gonflement anormal de son corps
L'homme n'appartient pas à l'élite qui invite Jésus, il n'est qu'un convive puisqu'il sera renvoyé une fois guéri. Jésus prend le malade, le guérit et le renvoie.
L'enjeu de la question est de sauver une vie plutôt que de la perdre. C'était le jour du sabbat, et il est interdit de guérir durant le sabbat. Que faire? Peut-on faire ou non? Rappelons le rigorisme des Esséniens : « si une bête tombe dans une citerne ou dans une fosse, qu'on ne l'en retire pas le sabbat » (Document de Damas XI,13-14).
Mais de nombreux pharisiens discutaient de la nécessité de sauver un homme le jour du sabbat. Aussi, Jésus mêle-t-il habilement le sauvetage d'un animal et celui d'une vie humaine. Dans l'Evangile de Marc, la question est encore plus provocatrice : «Est-il permis le jour du sabbat de faire le bien, ou de faire le mal, pour sauver la vie ou de tuer?" (Mc 3, 4). Ne pas guérir devient l’équivalent de tuer !
Jésus montre ainsi l'incohérence des pharisiens. Si l'un d'eux n'a pas de problème, le sabbat, pour aider son fils ou même un animal, de même Jésus a aussi le droit d'aider l'homme hydropique.
Ainsi les adversaires sont incapables de répliquer : ils refusent d'avaliser la guérison litigieuse en avouant que, en cas de nécessité, ils se comporteraient comme Jésus vient de faire.
Jésus a fait une fois de plus preuve de sa grande liberté.