En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Prends ton grabat et marche
Bartolomeo MURILLO (1617-1682) Jésus guérissant le paralytique à la piscine de Bethesda; 1670 National Galery, Londres
Murillo est un peintre sévillan (comme Velázquez) de cette période appelée « le siècle d’or ». Il peint essentiellement des peintures religieuses pour des fondations religieuses. Son œuvre dut attendre les années 1900 pour être véritablement appréciées.
Ce tableau fait partie d’un ensemble que Murillo a réalisé pour la Confrérie de la Charité de Séville à la fin de sa vie. Ce couvent existait à Séville depuis le 15e. mais la chapelle fut réorganisée par Miguel de Manara qui convoqua les meilleurs artistes de Séville, dont Murillo qui , après la mort de sa femme, entra dans la confrérie. Murillo réalisa six tableaux pour illustrer six miracles de la charité évangélique : la multiplication des pains, le frappement du rocher par Moïse, le retour de l’enfant prodigue, Abraham et les trois anges, la guérison du paralytique, et saint Pierre délivré de prison. Deux tableaux sont encore en place et les autres dispersés dans différents musées.
La composition du tableau est faite de l'opposition d'espaces vides et d'espaces pleins, mais tout s’équilibre. Une grande diagonale part du ciel vers le paralytique, est-ce une manière de montrer la miséricorde qui descend sur lui.
La scène se passe au lieu de la piscine de Bézatha. Ce lieu était régulièrement visité par un ange, que Murillo a représenté dans le ciel, et ainsi le premier malade qui allait dans l’eau était guéri.
La scène se passe en plein air, il y a beaucoup de monde. Des malades, des estropiés, des paralytiques qui ne peuvent pas bouger seuls, et des bien portants. La place est magnifique, inondée de soleil, avec de belles colonnades parfaitement dessinées (comme décrit dans le texte de saint Jean). Murillo est au summum de son œuvre . Il met en scène les deux extrêmes que la religion approche, que la charité chrétienne réunit : le luxe et la misère, les haillons et les beaux vêtements des bien portants, la santé florissante et la douleur.
Les coloris utilisés par Murillo pour les vêtements de Jésus et des disciples sont riches, doux et complémentaires. Ils soulignent la bonne santé des hommes à coté des coloris gris et neutres des malades. Cela suscite la miséricorde soulignée par le Concile de Trente.
Au premier plan Jésus est entouré de ses apôtres, il tend la main vers un malade et lui parle. Il le regarde intensément, tout comme ses disciples, toute l’attention est tournée vers le malade, vieil homme pitoyable, couché sur son grabat et son écuelle à portée de main (magnifiquement et soigneusement peinte, véritable nature morte). Il tend les mains vers Jésus, et explique qu’il ne peut bouger seul pour prendre le bain purificateur.
Jésus parle et c’est sa parole qui accomplit le miracle. La parole est représentée par des gestes et un échange de regards.
Le texte biblique
A l'occasion d'une fête des Juifs, Jésus monta à Jérusalem.
Or, à Jérusalem, près de la Porte des Brebis, il existe une piscine qu'on appelle en hébreu Bézatha. Elle a cinq colonnades,
sous lesquelles étaient couchés une foule de malades : aveugles, boiteux et paralysés.
Il y en avait un qui était malade depuis trente-huit ans.
Jésus, le voyant couché là, et apprenant qu'il était dans cet état depuis longtemps, lui dit : « Est-ce que tu veux retrouver la santé ? »
Le malade lui répondit : « Seigneur, je n'ai personne pour me plonger dans la piscine au moment où l'eau bouillonne ; et pendant que j'y vais, un autre descend avant moi. »
Jésus lui dit : « Lève-toi, prends ton brancard, et marche. »
Et aussitôt l'homme retrouva la santé. Il prit son brancard : il marchait !
Or, ce jour-là était un jour de sabbat.
Les Juifs dirent à cet homme que Jésus avait guéri : « C'est le sabbat ! Tu n'as pas le droit de porter ton brancard. »
Il leur répliqua : « Celui qui m'a rendu la santé, c'est lui qui m'a dit : 'Prends ton brancard, et marche !' »
Ils l'interrogèrent : « Quel est l'homme qui t'a dit : 'Prends-le, et marche' ? »
Mais celui qui avait été guéri ne le savait pas ; en effet, Jésus s'était éloigné, car il y avait foule à cet endroit.
Plus tard, Jésus le retrouva dans le Temple et lui dit : « Te voilà en bonne santé. Ne pèche plus, il pourrait t'arriver pire encore. »
L'homme partit annoncer aux Juifs que c'était Jésus qui lui avait rendu la santé.
Et les Juifs se mirent à poursuivre Jésus parce qu'il avait fait cela le jour du sabbat.
Jn 5, 1-16
Commentaires
La fête des juifs qui a provoqué la présence de Jésus à Jérusalem (Pâque, Pentecôte ou fête des tentes), n’est pas précisée. Ce qui importe à l’auteur c’est qu’il s’agisse d’un jour de sabbat.
La piscine de Bézatha, (« maison du bassin ») est située près de la porte des brebis, porte par laquelle les brebis entraient pour les sacrifices. Cette piscine a été localisée grâce aux fouilles archéologique au nord est du Temple à l’endroit où s’élève actuellement l’église sainte Anne. Auparavant on pensait que le lieu était considéré comme abritant une piscine à 5 colonnades comme il est dit dans notre texte. En fait sans doute à l’époque de Jésus il y avait un ensemble balnéaire dont les eaux curatives attiraient les malades pauvres. Cette piscine faisait partie d’une installation cultuelle dédiée à Sérapis, le dieu guérisseur. Le lieu devait être quelque peu suspect aux yeux des autorités officielles, rabbins, responsables du Temple.
Cependant Jésus n’hésite pas à venir dans ce lieu douteux. Il remarque un malade, un pauvre infirme, malade depuis 38 ans, une bien longue durée qui peut signifier qu’il est inguérissable. De plus il ne peut profiter de la vertu de l’eau réservée au seul premier descendu, il n’a personne pour le plonger. Cela souligne sa solitude et la résignation de ses proches qui en sont venus à se désintéresser de son cas.
Jésus prend la place de tous les autres guérisseurs, s’intéresse à son cas, et va intervenir en sa faveur. Jésus n’a pas besoin d’eau bouillonnante, sa parole suffit.
L’action de Jésus ne s’arrête pas à la guérison du corps, mais pénètre le cœur de l’homme :
« Te voilà en bonne santé. Ne pèche plus, il pourrait t'arriver pire encore », car le pire serait de perdre la confiance en Dieu et en sa Parole qui guérit.
Autre point, celui de la rupture du sabbat : Jésus a guéri le jour du sabbat et ordonné au paralytique de porter son grabat. Or il était interdit de porter un fardeau le jour du sabbat. Il y avait dans les premières communautés chrétiennes une polémique avec la Synagogue. L’argument invoqué par Jésus « mon père travaille sans cesse et moi aussi je travaille » répond exactement à l’argumentation biblique et juive : l’homme devait imiter le repos du créateur. Le scandale va venir du fait que Jésus s’estime seul juge de la véritable imitation du Père, « car le Père lui montre tout ce qu’il a fait ». Le sabbat est fait pour la vie et non pour la mort, il célèbre le Dieu qui a donné cette vie et ne cesse de la redonner.
POUR PROLONGER, PRIONS
Seigneur, nous aussi nous sommes des paralysés qui ne peuvent plus plonger dans la vie. Nous voudrions retrouver la santé, découvrir le salut. Pitié !
Seigneur, j’ose à peine le croire. Est-ce bien toi qui me dis de prendre mes béquilles, de laisser les faux appuis sur lesquels je croyais pouvoir compter, de prendre le risque de marcher ? C’est la santé, Seigneur.
Seigneur ta parole m’a remis debout. Je laisse les doutes qui m’empêchaient d’avancer dans la foi. C’est le salut, Seigneur.
Seigneur ils s’étonnent que tu m’aies dit de prendre mes béquilles sous le bras, le jour du repos du Dieu qui a créé un monde sans béquilles. N’est-ce pas de l’hypocrisie, Seigneur.
Seigneur, c’est toi que je continue à écouter. Mes jambes sont guéries et je peux courir annoncer la bonne nouvelle de la santé et du salut.
Jamais je ne perdrai mon espérance
Mon Dieu, je suis si persuadé que tu veilles sur ceux qui espèrent en toi
– et qu'on ne manque de rien quand
on attend de toi toutes choses –
que j'ai résolu de vivre à l'avenir sans aucun souci
et de me décharger sur toi de toutes mes inquiétudes.
Les hommes peuvent me dépouiller et de mes biens et de l'honneur;
les maladies peuvent m'ôter les forces et les moyens de te servir;
je puis même perdre ta grâce par le péché, mais jamais je ne perdrai mon espérance;
je la conserverai jusqu'au dernier moment de ma vie,
et tous les démons Cie l'enfer feront à ce moment
de vains efforts pour me l'arracher.
Les autres peuvent s'appuyer sur l'innocence
de leur vie ou sur la rigueur de leurs pénitences,
pour moi, Seigneur, tu es toute ma confiance, .'
tu es ma confIance même.
Je connais, hélas, je ne le connais que trop
que je suis fragile et changeant ;
je sais ce que peuvent les tentations
contre les vertus les plus affermies.
Mais cela ne peut m'effrayer tant que j'espérerai;
je me tiens à couvert de tous les malheurs
et je suis assuré d'espérer toujours,
parce que j'espère encore cette invariable espérance. 1
(Claude La Colombiere, 1641-1682, supérieur de la maison des Jésuites à Paray-le-Monial, et c'est là qu'il devint le directeur spirituel de sainte Marguerite-Marie, ce qui fit de lui un apôtre ardent de la dévotion au Sacré-Cœur.)