En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Le lavement des pieds
Lavement des pieds, autel de la passion, 1475, Musée de Berlin (Hausbuchmeister)
La scène du lavement des pieds a beaucoup inspiré les artistes.
Peu ont mis en valeur l’attitude de Pierre de manière aussi réaliste et familière. Il ne donne pas ses pieds à Jésus pour qu’il les lui lave (il les rétracte même sous son siège), il retient la main de Jésus et le repousse. Il lui paraît inconcevable, que son Maître et Seigneur s’abaisse à ce geste, ce serait plutôt à lui de le faire, si l’on se situe au plan d’une hiérarchie sociale. Pierre ne peut pas comprendre les explications que Jésus lui donne.
Mais Jésus s’est abaissé, a noué un linge à sa ceinture, il est à genou dans l’attitude du serviteur ; le bassin et la cruche sont prêts, les autres disciples ont aussi les pieds nus, pour que Jésus leur lave les pieds.
Mais tout abaissé qu’il est, Jésus apparaît toujours comme le Seigneur, son visage est calme, le geste de la main droite levée en signe d’enseignement, l’autre prête à « servir », l’auréole le colore d’une lumière douce et dorée.
Les regards des disciples convergent vers lui, attentifs, sévères : que comprennent-ils ? En tout cas, Jésus sait qu’il doit faire ce geste, il sait que Pierre et les disciples plus tard comprendront.
Maintenant l’histoire de Jésus et de sa passion est commencée, l’histoire de l’amour de Dieu pour les hommes se réalise.
Le texte biblique
Avant la fête de la Pâque, sachant que l'heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout. Au cours du repas, alors que le démon a déjà inspiré à Judas Iscariote, fils de Simon, l'intention de le livrer, Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu'il est venu de Dieu et qu'il retourne à Dieu, se lève de table, quitte son vêtement, et prend un linge qu'il se noue à la ceinture ; puis il verse de l'eau dans un bassin, il se met à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu'il avait à la ceinture. Il arrive ainsi devant Simon-Pierre. Et Pierre lui dit : « Toi, Seigneur, tu veux me laver les pieds ! » Jésus lui déclara : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n'auras point de part avec moi. » Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » Jésus lui dit : « Quand on vient de prendre un bain, on n'a pas besoin de se laver : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, … mais non pas tous. » Il savait bien qui allait le livrer ; et c'est pourquoi il disait : « Vous n'êtes pas tous purs. » Après leur avoir lavé les pieds, il reprit son vêtement et se remit à table. Il leur dit alors : « Comprenez-vous ce que je viens de faire ? Vous m'appelez 'Maître' et 'Seigneur', et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C'est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j'ai fait pour vous.
Jn 13,1-15
Commentaires
Dès le début de ce passage, Jean souligne que Jésus maîtrise les événements, il sait que l’heure est venue pour lui, et c’est lui qui donne sens à ces événements : il manifeste l’amour « jusqu’au bout » pour les siens, en révélant que les enjeux de la Passion sont déjà là, que le combat entre Dieu et Satan va s’achever. Nous sommes donc amenés à lire ce passage si connu en dépassant l’aspect anecdotique du lavement des pieds.
Jean parle essentiellement de l’amour de Jésus pour les siens en désignant les frères dans la foi ; cependant, dans la première partie de son évangile il rappelle l’universalité de l’amour du Père.
L’insistance sur l’amour fraternel pourrait s’expliquer par les diverses crises internes traversées par la communauté johannique. Cet amour fraternel est chose essentielle, constitutif de la communauté. Il s’agit d’un amour théologal, l’amour qui s’enracine dans l’amour du Père pour son Fils. La communauté des croyants est appelée à vivre de cet amour théologal qui est en même temps foi et amour. L’amour théologal déborde et nourrit l’amour universel pour tous les hommes tel que les synoptiques décrivent ; . l’amour du prochain hors de la communauté ( le samaritain, par exemple) doit se ressourcer dans l’amour théologal de la communauté croyante et doit inspirer son action.
Ainsi la scène du lavement des pieds est-elle tout autre chose qu’un simple geste d’hospitalité ; il s’agit d’un geste symbolique manifestant l’amour qui va jusqu’à la mort. Ainsi le fait que Jésus dépose son vêtement et le reprend à la fin signifie la mort acceptée librement et la résurrection.
L’attitude de Pierre ne signifie-t-elle pas sa difficulté de croire ? Pour les synoptiques Pierre manifeste la même résistance à accepter l’idée d’un Messie souffrant. Le récit révèle un malentendu entre Jésus et Pierre. Ce dernier se comporte selon la chair. Jésus pour sa part veut lui faire comprendre qu’il doit accepter son geste d’humilité, même s’il ne le comprendra que plus tard, : être lavé signifie pour Pierre l’acceptation de la souffrance, pour Jésus laver les pieds est un geste unique accompli une seul fois dans une sorte de mime de sa mort ; et ses disciples sont amenés à y participer : « si je ne te lave pas, tu n'auras point de part avec moi. », mystère de mort et de résurrection. Ce mystère ne sera vraiment intelligible aux disciples que plus tard, après la résurrection et le don de l’Esprit.