En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
LE CARÊME, TEMPS DE PRIÈRE 9, Jeudi saint
PRIER, C’EST RENDRE GRACE
Pierre-Paul Rubens (1577-1640), la Cène, 1631-32, Pinacothèque de Brera, Milan
Cette peinture de Rubens provient de la chapelle du Saint Sacrement de l’église Saint Romuald de Malines. Elle était complétée par deux prédelles avec des scènes de la Passion qui sont maintenant au musée de Dijon.
Il s’agit d’une œuvre tardive du peintre qui a fait appel à des assistants.
L’atmosphère est chaleureuse et intense, la composition est audacieuse, majestueuse.
Nous y voyons Jésus et les douze apôtres regroupés autour d’une table pendant la cène.
Au centre, Jésus, auréolé, est vêtu de rouge regarde le ciel. Il est entouré de ses disciples. Il tient une miche de pain et une tasse de vin est posée sur la table devant lui. Il apparaît en pleine lumière.
Ses disciples serrés autour de lui le regardent ou lèvent les yeux vers le ciel comme Jésus. Tous les sourcils sont froncés et les yeux grands ouverts manifestant un grand étonnement. Le jeune Jean, de blanc vêtu, est tout proche de lui, il fixe avec calme la miche de pain.
Judas est vêtu de bleu et de jaune, il se retourne vers le spectateur et s’éloigne visiblement de la table. Il évite tout contact avec les autres personnages, se mettant la main sur la bouche, il parait nerveux. Le chien à ses pieds a été diversement interprété, simple animal de compagnie, symbole de la foi, ou encore allusion à la cupidité en tant que compagnon de Judas ?
Un grand rideau noir occupe la partie gauche supérieure de la toile. On a l’impression qu’il est emporté par un souffle venant de l’extérieur : souffle de l’Esprit ? Sur le meuble à droite, entre deux bougeoirs, un livre est ouvert : le livre de la Parole ?
Le texte biblique
Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ?
J’élèverai la coupe du salut, j’invoquerai le nom du Seigneur.
Je tiendrai mes promesses au Seigneur, oui, devant tout son peuple !
Il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens !
Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur, ton serviteur, le fils de ta servante, * moi, dont tu brisas les chaînes ?
Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce, j’invoquerai le nom du Seigneur.
Je tiendrai mes promesses au Seigneur, oui, devant tout son peuple,
à l’entrée de la maison du Seigneur, au milieu de Jérusalem !
Ps 115 , 12-19
Commentaires
« Il m’a aimé jusqu’à l’extrême, l’extrême de moi, l’extrême de lui…
Il m’a aimé à sa façon qui n’est pas la mienne. Il m’a aimé gracieusement, gratuitement…
J’aurais peut-être aimé que ça soit plus discret, moins solennel.
Il m’a aimé comme je ne sais pas aimer : cette simplicité, cet oubli de soi, ce service humble et non gratifiant, sans aucun amour propre.
Il m’a aimé avec l’autorité bienveillante mais incontournable d’un père, et aussi avec la tendresse indulgente et pas très rassurée d’une mère.
J’étais blessé au talon par l’ennemi commun, et le voilà à mes pieds : ne crains rien, tout est pur. Comme Pierre, j’ai honte : il m’est arrivé, à moi aussi, de trébucher à sa suite, et même de lever le talon contre lui car il y a un peu de Judas en moi, et j’ai bien envie de chercher refuge dans la nuit, surtout quand la lumière est là, fouillant mes ténèbres. Par bonheur, il ne regarde que mes pieds, et mes yeux peuvent fuir. L’eau qu’il a versée va-t-elle réussir à me faire pleurer ?
Moi qui rêvais de l’amour comme d’une fusion de moi en Lui, c’est une transfusion qu’il me faut : son sang dans mon sang, sa chair dans ma chair, son Coeur dans le mien, présence réelle d’homme marchant en présence du Père.
Hélas ! L’amour se dévoilait, et déjà il m’échappe. Il était là, à mes pieds, tout à moi. Je n’ai pu le retenir. Le voilà qui passe aux pieds du voisin et de Judas lui-même, de tous ceux-là dont on ne sait s’ils sont disciples en vérité, et qu’il m’a fallu accepter ; c’était le prix à payer pour rester avec Lui, et pour avoir droit, ce soir, au pain et à la coupe.
Il a aimé les siens jusqu’à l’extrême, tous les siens, ils sont tous à lui, chacun comme unique, une multitude d’uniques.
Dieu a tant aimé les hommes qu’il leur a donné son Unique : et le Verbe s’est fait FRERE, frère d’Abel et aussi de Caïn, frère d’Isaac et d’Ismaël à la fois, frère de Joseph et des onze autres qui le vendirent, frère de la plaine et frère de la montagne, frère de Pierre, et de Judas et de l’un et l’autre en moi.
L’Heure est venue pour Dieu d’apprendre ce qu’il en coûte d’entrer en fraternité. Fils unique, il était venu (d’auprès de Dieu). Frère à l’infini des hommes, il s’en retourne auprès de Dieu, entraînant la multitude jusqu’à l’extrême de l’Unique.
C’est un exemple que je vous ai donné : la leçon de choses est là, sur la table, avec ce pain et cette coupe à partager, mais le livre du Maître, c’est ce geste de serviteur coeur et corps livrés, là, de pieds en pieds, de frère en frère, pour graver la mémoire.
« Mon frère et ma soeur, et ma mère, ce sont ceux-là qui feront, aux plus petits de mes frères, ce que j’ai fait là avec vous ». Rien de plus pur désormais qu’une assemblée de frères s’aimant de proche en proche jusqu’à l’extrême de la patience et de la compassion, afin qu’aucun ne se perde de ceux que Jésus, notre frère, offre ce soir à son Père, comme son propre Corps et son propre Sang. Amen. »