En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
La paix promise
Miniature de l’Adoration des Rois Mages dans le Missel de Jacques de Beaune, entre 1506 et 1511, BNF
Le somptueux missel de Jacques de Beaune (? 1511), un des chefs-d’œuvre de la Renaissance française, a été enluminé par Jean Bourdichon (1457-1521?) et le Maitre de Claude de France (14?-15?).
Jacques de Beaune était le trésorier d’Anne de Bretagne, évêque de Vannes et doyen du chapitre saint Gatien de Tours en 1506 et administrateur de l’archevêché de Tours en 1509.
Jean Bourdichon est un peintre français, successeur de Jean Fouquet auprès de Louis XI, puis peintre en titre de Charles VIII, Louis XII et François 1er. Son œuvre la plus connue est les grandes heures d’Anne de Bretagne.
Et le maitre de Claude de France est un enlumineur actif à Tours dans le premier 1/3 du 16e siècle. Il a notamment réalisé les encadrements à l’antique des miniatures.
Ce missel est très fragile donc peu exposé, donc peu connu ! D’importants travaux de restauration ont pu permettre sa numérisation achevée en 2020.
Le missel est à l’usage à Rome, mais quelques mentions le rattachent au diocèse de Tours. Il est de grand format ( 43,5 cm de Haut sur 31 cm de large et comprenant 438 feuillets). A cette époque Bourdichon est au sommet de son art, il utilise des rehauts d’or et la plasticité de son dessin est quasi sculpturale.
Les couleurs de cette miniature sont resplendissantes et fort riches, bleu de la robe de Marie, richesses des costumes des rois mages.
L’étoile qui a conduit les savants brille au-dessus de l’étable, déversant ses rayons d’or vers l’auréole de Marie et les riches présents.
Le premier roi est agenouillé devant Marie et l’enfant, il a posé sa couronne à terre, et offre à l’enfant un vase rempli d’or. Le second mage est encore debout derrière et s’apprête à lui aussi de s’incliner et se prépare à enlever sa couronne.
Derrière eux toute une armée les accompagne et s’attroupe curieux de voir la scène. Ils semblent participer à l’adoration !
« Dieu que nul œil ne peut voir, tu as dissipé les ténèbres du monde en lui envoyant ta lumière ; tourne vers nous ton visage de paix, et nos louanges proclameront l’incroyable largesse que tu nous fais dans la naissance de ton Fils unique. »
(Laudes du 29 décembre)
Le texte biblique
Alléluia. Alléluia.
Nous avons vu son étoile à l’orient,
et nous sommes venus adorer le Seigneur.
Alléluia.
Mt 2, 2)
Commentaires
Voici manifestées la bonté et l’humanité de Dieu notre Sauveur. Rendons grâce à Dieu qui fait ainsi abonder notre consolation dans cet état de pèlerins qui est le nôtre, dans cet exil, dans cette misère d’ici-bas. […]}
Voici que la paix n’est plus promise mais envoyée, non plus remise à plus tard mais donnée, non plus prophétisée mais proposée. C’est comme un couffin plein de sa miséricorde que Dieu le Père a envoyé sur la terre ; oui, dis-je, un couffin que la Passion devra déchirer pour laisser se répandre ce qu’il contient : notre paix ; un couffin, peut-être petit, mais rempli. Un petit enfant nous a été donné, mais en lui habite toute la plénitude de la divinité. Lorsqu’est venue la plénitude des temps est venue aussi la plénitude de la divinité. Elle est venue dans la chair, afin de se faire voir même de ceux qui sont charnels, et que son humanité ainsi manifestée permette de reconnaître sa bonté. En effet, dès que l’humanité de Dieu se fait connaître, sa bonté ne peut plus rester cachée. Et comment aurait-il pu davantage mettre en relief sa bonté qu’en revêtant ma chair ? — Ma chair, dis-je, non celle d’Adam, non celle qui était la sienne avant la chute.
Pourquoi déclare-t-il avec tant de soin sa miséricorde, au point de faire sienne notre misère elle-même ? Pourquoi est-il rempli d’une bonté telle que la parole de Dieu, pour nous, s’est faite herbe fanée ? Seigneur, qu’est-ce que l’homme, pour que tu penses à lui ? Qu’est- il pour que ton cœur en fasse tant de cas ? Voici où l’homme doit porter son attention pour découvrir quel souci Dieu prend de lui ; voici où l’homme doit apprendre quelle pensée et quel sentiment Dieu nourrit à son égard. N’interroge pas ce que tu souffres, toi, mais ce qu’il a souffert, lui. À ce qu’il est devenu pour toi, reconnais ta valeur à ses yeux, afin que sa bonté t’apparaisse à partir de son humanité. En effet, l’abaissement qu’il accomplit dans son humanité a été la grandeur même de sa bonté, et plus il s’est rendu méprisable en ma faveur, plus il me devient cher.
Voici manifestées la bonté et l’humanité de Dieu notre Sauveur, dit l’Apôtre. Oui, qu’elles sont grandes et évidentes, la bonté de Dieu et son humanité ! Quelle grande preuve de sa bonté il nous a donnée, en prenant tant de soin pour ajouter à l’humanité le nom de Dieu.
Saint Bernard (1090-1153) homélie pour l’épiphanie