En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Une vie bien ordonnée
Scène de banquet en plein air, Fresque romaine provenant de la maison du Triclinium, Pompei ,40-60 apres JC, musée national d’archéologie de Naples
A Rome, et dans tout l’Empire, les citoyens romains consacraient beaucoup de leur temps à pratiquer l’otium, que l’on peut traduire par oisiveté, loisirs, détente, paix et vie privée. Pour les Romains les loisirs sont déjà pluriels (théâtre, courses de char, combats de gladiateurs, thermes, nourriture comprise comme un moment de détente et non une simple alimentation).
Dans la journée, il y a trois « repas » : le jentaculum, le prandium et la cena, mais les Romains grignotaient aussi tout au long de la journée des dattes, olives, graines de pastèques rissolées,…
Chez les riches Romains, la cena est codifiée et dure plusieurs heures.
Sur cette fresque on voit le « nomenclator » conduire chaque convive à sa place, lui donner à boire tandis qu’un autre serviteur lui lave les pieds.
Les participants sont installés autour d’une banquette recouverte d’un luxueux tissu.
Les conversations vont bon train, elles mènent souvent à des querelles.
Les cena se transformaient souvent en fêtes très arrosées et ici le peintre montre un convive en triste état en bas à droite soutenu par un serviteur.
Ces habitudes « désordonnées » avaient dû gagner certains groupes chrétiens, puisque le passage au christianisme a surtout concerné des maisonnées gréco-romaines, et que les repas pouvaient être le moment de réunion de toute la communauté. Le successeur de Paul, auteur de la seconde lettre aux Corinthiens vers la fin du premier siècle, dénonce et proscrit ces comportements. Au contraire, il attire l’attention sur la modération et la nécessité du travail pour gagner sa nourriture.
Le texte biblique
Frères, au nom du Seigneur Jésus Christ, nous vous ordonnons d’éviter tout frère qui mène une vie désordonnée et ne suit pas la tradition que vous avez reçue de nous.
Vous savez bien, vous, ce qu’il faut faire pour nous imiter. Nous n’avons pas vécu parmi vous de façon désordonnée ;
et le pain que nous avons mangé, nous ne l’avons pas reçu gratuitement. Au contraire, dans la peine et la fatigue, nuit et jour, nous avons travaillé pour n’être à la charge d’aucun d’entre vous.
Bien sûr, nous avons le droit d’être à charge, mais nous avons voulu être pour vous un modèle à imiter.
Et quand nous étions chez vous, nous vous donnions cet ordre : si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus.
[Or, nous apprenons que certains d’entre vous mènent une vie déréglée, affairés sans rien faire.
À ceux-là, nous adressons dans le Seigneur Jésus Christ cet ordre et cet appel : qu’ils travaillent dans le calme pour manger le pain qu’ils auront gagné.
Vous, frères, ne vous lassez pas de faire le bien.
Si quelqu’un n’obéit pas à ce que nous disons dans cette lettre, signalez-le ; ne le fréquentez pas, pour qu’il soit couvert de confusion ;
mais ne le considérez pas comme un ennemi, réprimandez-le plutôt comme un frère.]
Que le Seigneur de la paix vous donne lui-même la paix, en tout temps et de toute manière. Que le Seigneur soit avec vous tous.
La salutation est de ma main à moi, Paul. Je signe de cette façon toutes mes lettres, c’est mon écriture.
Que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec vous tous.
2 Th 3,6-10,16-18
Commentaires
Dans le dernier chapitre de la 2e lettre aux Thessaloniciens, l’auteur, un disciple et imitateur de Paul, exhorte ses fidèles a mener une vie exemplaire, et à intervenir auprès de ceux qui refusent de travailler pour subvenir à leurs besoins.
Il commence par invoquer le nom du Seigneur Jésus Christ, et la critique prend l’allure d’un commandement, ce qui est une preuve de l’importance du sujet traité. Déjà, dans ses lettres Paul était revenu sur cette question.
L’ordre est précis : les Thessaloniciens doivent éviter ceux qui vivent dans l’oisiveté. Cela dépasse les enseignements sur la transmission de la foi.
Il faut identifier les personnes au comportement désordonné. L’auteur vise ici ceux qui ne travaillent pas, ou bien ceux qui vivent dans l’agitation en pensant que la venue du Seigneur est imminente. Il exhorte par ailleurs de vivre en paix avec eux.
Il conseille de mener une vie droite, telle que l’apôtre lui-même la menait, à savoir gagner son pain par son travail et ne pas être à la charge d’un autre en refusant de travailler pour manger, ou en s’agitant au lieu de travailler dans le calme. Paul dans ses lettres, avait rappelé avec fierté aux Thessaloniciens et aux Corinthiens qu’il ne voulait pas dépendre matériellement des communautés qu’il avait fondées.
L’homme désordonné est celui dont le comportement ne se conforme pas à la tradition reçue de Paul. La tradition n’est d’ailleurs pas seulement un enseignement oral ou écrit à maintenir, elle est aussi un exemple vivant à suivre, comme l’auteur le souligne avec un rappel sur la vie de Paul. Le comportement des disciples devient le fondement d’une discipline communautaire.
L’expression « si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » est l’écho d’une mentalité courante à l’époque. Souvent citée par les Pères, elle a eu une forte influence sur l’éthique chrétienne du travail.
La lettre se termine par une bénédiction de paix, et par une salutation exprimant que cette lettre est bien de Paul, qui signe de sa propre écriture. Cela ne signifie pas grand-chose sur l’authenticité historique de la lettre, mais souligne plutôt que l’auteur s’inscrit fermement dans la tradition apostolique qui vient de Paul.