En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Le respect de la justice
Guiart des Moulins (1251-1322), Amos prophétisant, bible historiale, 15e siècle, Bibliothèque de l’Arsenal, Paris
Guiart des Moulins est l’auteur de la première Bible en prose rédigée en français et traduite du latin de la Vulgate de saint Jérôme , qu’on appelle la Bible historiale.
Il s’agit d’une Bible glosée, c’est à dire comprenant des commentaires.
C’est le seul ouvrage de la fin du Moyen Age à comprendre l’ensemble des livres testamentaires, c’est aussi le seul ouvrage biblique en français illustré des 14e et 15e siècles. Il en existe aujourd’hui 144 exemplaires, celui-ci étant conservé à la Bibliothèque Nationale.
On ne sait pas si l’ouvrage autographe de Guyart des Moulins avait été conçu avec des miniatures.
Les illustrations ne sont plus des lettres ornées, mais des miniatures autonomes, qui se multiplient au sein d’un même chapitre, pour des épisodes différents.
Pleines de verves et d’anecdotes, les images s’émancipent du texte biblique, et donnent lieu à des interprétations nouvelles du texte.
La représentation d’Amos devant la ville appartient au style du gothique international, qui se caractérise par un sens du volume des personnages et des drapés dynamiques. Cette recherche du mouvement s’accompagne d’un souci de naturalisme dans le rendu de la figure humaine.
Amos, immense, est posté fermement devant la porte de la ville. À l’extérieur c’est la montagne rocheuse et au loin quelques arbres évoquant les terres, objets de convoitise. La porte est étroite.
Ses bras sont levés, il regarde Dieu représenté dans le ciel, qui tend la main vers la ville. Comme prophète, Amos en appelle à Dieu et transmet sa Parole à son peuple.
Le texte biblique
Cherchez le bien et non le mal, afin de vivre. Ainsi le Seigneur, Dieu de l’univers, sera avec vous, comme vous le déclarez.
Détestez le mal, aimez le bien, faites régner le droit au tribunal ; peut-être alors le Seigneur, Dieu de l’univers, fera-t-il grâce à ce qui reste d’Israël.
Je déteste, je méprise vos fêtes, je n’ai aucun goût pour vos assemblées.
Quand vous me présentez des holocaustes et des offrandes, je ne les accueille pas ; vos sacrifices de bêtes grasses, je ne les regarde même pas.
Éloignez de moi le tapage de vos cantiques ; que je n’entende pas la musique de vos harpes.
Mais que le droit jaillisse comme une source ; la justice, comme un torrent qui ne tarit jamais !
Amos 5, 14-15,21-24
Commentaires
Ces exhortations que nous livre Amos se situent dans le contexte d’une annonce de la mort du peuple d’Israël, qui tout en restant attaché au culte, s’est peu à peu enfoncé dans l’injustice et s’y est perdu.
La prédication d’Amos retentit dans une période troublée politiquement, tandis qu’économiquement et socialement la situation est prospère, avec de larges zones de misère. Amos en perçoit le scandale.
L’injustice sociale est en train de déchirer la société. Amos la juge aussi grave que l’idolâtrie. Elle va à l’encontre de la vocation unique d’Israël qui est de manifester dans sa vie communautaire son Alliance avec le Seigneur qui l’a libéré.
Amos exhorte d’abord à « chercher le bien ». Il s’oppose aux manifestations cultuelles les plus voyantes et les plus bruyantes, sacrifices d’animaux, musique et cantiques.
Le Seigneur n’en veut pas, le seul culte qui compte à ses yeux consiste à chercher vraiment le bien, sans compromission, ce qui signifie avant tout de respecter le pauvre et de ne pas l’exploiter les pauvres.
Telle est la seconde exhortation : respecter la justice, faire régner le droit. Les tribunaux qui se tenaient à l’entrée des villes, du fait de la corruption, étaient un maillon important du processus d’accaparement des terres par les plus puissants.
Quand des gens qui tordent le droit pour en opprimer d’autres adressent un culte à Dieu, Dieu refuse ce culte qu’il juge blasphématoire.
Pour Amos les portes de la ville sont le lieu où les hommes se croisent ; elles sont donc devenues le passage obligé de la vraie religion, là où l’on pratique l’amour du prochain.
La méchanceté a atteint un comble. Et pourtant, avec prudence, Amos laisse espérer une éventuelle compassion du Seigneur pour « un reste d’Israël » : « peut-être alors le Seigneur fera-t-il grâce ». Un « peut-être » qui est l’espérance minimale dans la miséricorde infinie de Dieu !
Mais les responsables du peuple et les riches sont-ils capables de retrouver les sources du droit ?