En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Pierre et Paul
Thomas von Villach, Pierre et Paul, fresque de l’abbaye saint Paul du Lavantall, 16e siècle
L’abbaye saint Paul du Lavantall est une abbaye bénédictine autrichienne, en Carinthie.
Thomas von Villach (env1435/1440, env 1523-1529, est considéré comme le plus important peintre de fresques en Carinthie de son époque.
Il est influencé par les fresques italiennes gothiques.
Il présente ici Pierre et Paul, munis de leurs attributs traditionnels : la clé pour Pierre et l’épée pour Paul.
Ils sont tous deux auréolés, Pierre porte un chapeau pointu en référence avec les coutumes juives, Paul est tête nue. Pierre tient de la main gauche une grande croix, et Paul lit le livre de la Parole.
Les vêtements sont différents mais les couleurs se répondent très élégamment.
Ensemble ils entourent le même pilier qui monte vers le ciel….
Le texte biblique
Puis, au bout de quatorze ans, je suis de nouveau monté à Jérusalem ; j’étais avec Barnabé, et j’avais aussi emmené Tite.
J’y montais à la suite d’une révélation, et j’y ai exposé l’Évangile que je proclame parmi les nations ; je l’ai exposé en privé, aux personnages les plus importants, car je ne voulais pas risquer de courir ou d’avoir couru pour rien.
Eh bien ! Tite, mon compagnon, qui est grec, n’a même pas été obligé de se faire circoncire.
Il y avait pourtant les faux frères, ces intrus, qui s’étaient infiltrés comme des espions pour voir quelle liberté nous avons dans le Christ Jésus, leur but étant de nous réduire en esclavage ;
mais, pas un seul instant, nous n’avons accepté de nous soumettre à eux, afin de maintenir pour vous la vérité de l’Évangile.
Quant à ceux qui étaient tenus pour importants – mais ce qu’ils étaient alors ne compte guère pour moi, car Dieu est impartial envers les personnes –, ces gens importants ne m’ont imposé aucune obligation supplémentaire,
mais au contraire, ils ont constaté que l’annonce de l’Évangile m’a été confiée pour les incirconcis (c’est-à-dire les païens), comme elle l’a été à Pierre pour les circoncis (c’est-à-dire les Juifs).
En effet, si l’action de Dieu a fait de Pierre l’Apôtre des circoncis, elle a fait de moi l’Apôtre des nations païennes.
Ayant reconnu la grâce qui m’a été donnée, Jacques, Pierre et Jean, qui sont considérés comme les colonnes de l’Église, nous ont tendu la main, à moi et à Barnabé, en signe de communion, montrant par là que nous sommes, nous, envoyés aux nations, et eux, aux circoncis.
Ils nous ont seulement demandé de nous souvenir des pauvres, ce que j’ai pris grand soin de faire.
Mais quand Pierre est venu à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, parce qu’il était dans son tort.
En effet, avant l’arrivée de quelques personnes de l’entourage de Jacques, Pierre prenait ses repas avec les fidèles d’origine païenne. Mais après leur arrivée, il prit l’habitude de se retirer et de se tenir à l’écart, par crainte de ceux qui étaient d’origine juive.
Tous les autres fidèles d’origine juive jouèrent la même comédie que lui, si bien que Barnabé lui-même se laissa entraîner dans ce jeu.
Mais quand je vis que ceux-ci ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Pierre devant tout le monde : « Si toi qui es juif, tu vis à la manière des païens et non des Juifs, pourquoi obliges-tu les païens à suivre les coutumes juives ? »
Gal 2,1-14
Commentaires
Paul et ses compagnons montent à Jérusalem. Paul annonce en privé, aux responsables de l’Eglise de Jérusalem, l’Evangile qu’il a prêché chez les païens, en Galatie et en Grèce. Il craint d’avoir « couru en vain » si ses choix sont contestés : le refus de circoncire Tite et les païens qui se convertissent à Jésus Christ..
La décision de son voyage n’est pas une décision personnelle mais il s’agit d’une « révélation » : si l’annonce de l’Evangile est au centre de son action, il ne peut continuer à le faire sans un lien de reconnaissance étroit avec les premiers disicples de Jésus.
Paul ne vient accomplir ce geste de reconnaissance que 14 ans après sa première venue à Jérusalem, car ce qu’il veut montrer, c’est la vitalité des jeunes Eglises païennes qu’il a fondées.
Elles ne connaissent rien de la loi de Moïse, ni des prescriptions du judaïsme, mais elles vivent de Jésus Christ, mort et ressucité et de l’amour-agapè entre frères. Telle est la vérité de l’Evangile qui doit unir tous les disciples du Christ : seule la foi en ce que Dieu a fait pour les êtres humains en son Fils Jésus sauve. Aucune autre exigence, aucune autre condition ne peut entrer enn ligne de compte.
Alors, Jacques, Pierre et Jean, qui sont considérés comme les colonnes de l’Église, tendent la main, reconnaissant le travail accompli par Paul et ses compagnons, mais, plus encore, reconnaissant le travail de l’Esprit de Dieu en lui et chez les païens. Ensemble, ils tendent « une main offerte en signe de communion », c’est dire que leur accord n’est ni sentimental ni politique, mais il est fondé sur leur participation commune à la vie, la mort et la résurrection de Jésus Christ en qui ils ont mis leur foi..
Ainsi Paul peut-il repartir vers les païens avec le souci des pauvres. Tandis que Tite n’est pas contraint à la circoncision, et que les chrétiens originaires du judaïsme gardent toute leur place dans l’histoire de l’évangile puisqu’ils ont Pierre avec eux.
Ce sont les choix de Dieu qui mènent l’annonce de la Bonne Nouvelle. Ni Pierre, ni Paul se sont donnés leur mission, elle leur a été donnée.
A chaque étape de son passé, Paul décèle l’intervention de Dieu. l’Évangile n’est pas d’inspiration humaine.
Mais pourquoi alors ce conflit à Antioche entre Pierre et Paul ?
Pierre est bien convaincu que les chrétiens peuvent manger sans souci à la table des païens : il n’y a plus de restrictions alimentaires rituelles. Mais pour éviter une rupture brutale avec les chrétiens qui viennent d’auprès de Jacques de Jérusalem, très attachés à leurs pratiques juives, il accepte un moment une « séparation » des tables, et renonce pendant qu’ils sont là à manger avec ceux qui viennent du paganisme.
Au contraire, Paul considère qu’encourager les croyants à suivre les œuvres juives, reviendrait à dire que ce que Jésus a apporté n’est pas suffisant. C’est trahir la vérité de l’Evangile : « il n’y a plus ni juif, ni païen », le Christ est mort pour tous sans condition. Paul le rappelle vigoureusement à Pierre.
Faut-il pour autant rompre les liens de l’unité ? Pierre choisit de les préserver, Paul se fait le garant de la radicalité de l’Evangile : l’un ne peut aller sans l’autre, et l’Eglise devra toujours tenir compte et de la radicalité de l’amour donné et de l’unité avec les frères aimés.