En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Lettre de st Jacques
Jacob Jordaens,1593-1678, Le roi boit, vers 1638-40, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique
Jordaens est un peintre anversois, contemporain de Rubens et Van Dyck, mais qui n’a jamais voyagé en Italie pour étudier la Renaissance italienne. Issu d’une famille riche de la bourgeoisie catholique, il fut l’élève du peintre flamand Adam van Noort qui était luthérien. Il a joui d’une grande réputation toute sa vie et il a reçu de nombreuses commandes.
Sa peinture s’inspire le plus souvent de scènes bibliques ou mythologiques. Ses tableaux les plus connus représentent des scènes de table, et il fit plusieurs versions de ce thème du « roi boit », prenant pour modèles de ses personnages des proches ou lui-même !
Son style ample et chaud doit autant à la fantaisie toute flamande de Trubens qu’à la révélation du clair-obscur du Caravage, ou à la science des matières de Van Dyck.
Ici nous regardons une scène de la célébration de l’Épiphanie, la fête des Rois. Jordaens y apporte une allégresse et une irrévérence rarement égalées.
Au centre, le roi, qui semble être le doyen de la famille, trône a table, entouré des convives prêts à crier « le roi boit ». Le peintre n’hésite pas à tordre les bouches et à montrer les fêtards régurgitant et titubant.
Comme souvent au 17e, cette scène fait écho au contexte politique de l’époque. Le roi qui boit est une allégorie du mauvais gouvernement, se fourvoyant dans des mœurs dissolues et des dépenses inutiles.
Le texte biblique
Et vous autres, maintenant, les riches ! Pleurez, lamentez-vous sur les malheurs qui vous attendent.
Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés des mites,
votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille sera un témoignage contre vous, elle dévorera votre chair comme un feu. Vous avez amassé des richesses, alors que nous sommes dans les derniers jours !
Le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont moissonné vos champs, le voici qui crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur de l’univers.
Vous avez mené sur terre une vie de luxe et de délices, et vous vous êtes rassasiés au jour du massacre.
Vous avez condamné le juste et vous l’avez tué, sans qu’il vous oppose de résistance.
Jc 5,1-6
Commentaires
Depuis le début de la semaine, la liturgie nous fait lire la lettre de Jacques.
L’auteur se présente comme Jacques, serviteur de de Dieu et du Seigneur Jésus Christ, mais non comme un apôtre.
La lettre s’adresse à des communautés chrétiennes d’origine juive dispersées dans l’Empire romain. Le vocabulaire recherché et l’aisance dans le style montrent que l’auteur a une riche culture hellénistique. C’est une épître didactique par ses instructions et exhortations centrées sur des questions d’éthique et de sagesse.
Les sujets traités sont variés, depuis la manière d‘endurer les épreuves jusqu’à des exhortations de courage pour attendre la venue prochaine du Seigneur.
Notre passage dénonce l’injustice des riches. Il fait écho aux phrases de Jésus dans l’évangile de Luc : « Malheur à vous les riches » (Lc 6,24), et évoque le grand jour du Jugement. Jésus invitait à acquérir le trésor véritable que ni mite ni ver ne peuvent ronger (Mt 6, 19-21). Par opposition, l’or mal acquis rouillera et rongera la chair des coupables. Cette sévère condamnation provient du fait que les grands propriétaires ne versaient pas chaque jour le salaire des journaliers qu’ils employaient. Et comble de l’iniquité, ces riches ont provoqué la mort du juste.
Il y a là une solennelle mise en garde que l’on peut actualiser à chaque époque, selon les situations particulières. Sauf à revenir vers Dieu et à se repentir de leurs forfaits pour redevenir aujourd’hui des vivants, ces riches n’ont plus qu’à pleurer à grand bruit en attendant le jugement de Dieu.