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« Ismaël, le fils d’Agar ne doit pas partager l’héritage de mon fils Isaac »
Jan Mostaert ( 1475- 1552/53), le bannissement d’Agar, 1550-52 ; musée Thyssen Bormesza, Madrid
Jan Mostaert est un peintre hollandais du 16e siècle, connu sous le nom de Maître d’Outrement. Il fut le peintre officiel de la régente des Pays Bas, Marguerite d’Autriche.
Il réalisa de nombreux sujets religieux ainsi que des paysages et des portraits.
Ses œuvres sont caractérisées par un rendu très minutieux dans les détails qui pourraient être comparables à celui des miniatures des manuscrits. Ses rendus de paysages sont typiques des peintures flamandes de l’époque.
Ses compétences narratives permettent d’analyser facilement le sujet représenté, l’expulsion d’Agar par Abraham. Au centre Abraham domine la scène, d’une main il exprime un sentiment d’impuissance et l’autre dirigée vers la femme et l’enfant est plus un signe de bénédiction que d’expulsion.
Agar tient une cruche sur l’épaule, porte deux pains dans un tissu entouré autour de sa taille, son tablier noir s’envole vers l’avant, vers le lointain vers lequel elle doit s’en aller. Elle tient l’enfant Ismaël par la main qui regarde vers l’arrière, vers Abraham.
Le reste de l’histoire est également représenté à l’arrière plan, Agar désespérée et visitée par l’ange qui lui donne de l’eau, l’enfant étant seul sous un arbre un peu plus loin.
Dans le lointain en haut de la montagne, l’épisode du sacrifice d’Isaac est évoqué.
Aussi à l’arrière plan, mais à gauche on aperçoit Sara accoudée à la porte de sa maison, qui regarde la scène d’expulsion qu’elle a incitée.
Le texte biblique
Abraham avait cent ans quand naquit son fils Isaac.
L’enfant grandit, et il fut sevré.
Abraham donna un grand festin le jour où Isaac fut sevré.
Or, Sara regardait s’amuser Ismaël,
ce fils qu’Abraham avait eu d’Agar l’Égyptienne.
Elle dit à Abraham :
« Chasse cette servante et son fils ;
car le fils de cette servante
ne doit pas partager l’héritage de mon fils Isaac. »
Cette parole attrista beaucoup Abraham,
à cause de son fils Ismaël,
mais Dieu lui dit :
« Ne sois pas triste à cause du garçon et de ta servante ;
écoute tout ce que Sara te dira,
car c’est par Isaac qu’une descendance portera ton nom ;
mais je ferai aussi une nation du fils de la servante,
car lui aussi est de ta descendance. »
Abraham se leva de bon matin, il prit du pain et une outre d’eau,
il les posa sur l’épaule d’Agar,
il lui remit l’enfant,
puis il la renvoya.
Elle partit et alla errer dans le désert de Bershéba.
Quand l’eau de l’outre fut épuisée,
elle laissa l’enfant sous un buisson,
et alla s’asseoir non loin de là,
à la distance d’une portée de flèche.
Elle se disait :
« Je ne veux pas voir mourir l’enfant ! »
Elle s’assit non loin de là.
Elle éleva la voix et pleura.
Dieu entendit la voix du petit garçon ;
et du ciel, l’ange de Dieu appela Agar :
« Qu’as-tu, Agar ?
Sois sans crainte, car Dieu a entendu la voix du petit garçon,
sous le buisson où il était.
Debout ! Prends le garçon et tiens-le par la main,
car je ferai de lui une grande nation. »
Alors, Dieu ouvrit les yeux d’Agar,
et elle aperçut un puits.
Elle alla remplir l’outre et fit boire le garçon.
Dieu fut avec lui,
il grandit et habita au désert, et il devint un tireur à l’arc.
Commentaires
Dieu avait tenu sa promesse et accordé à Abraham et Sara un fils, ce fut Isaac. Selon la coutume ancienne, l’enfant était allaité pendant environ 3 ans, et le sevrage constituait une rite de passage prouvant que l’enfant avait survécu aux années où la mortalité infantile était fréquente. C’était l’occasion pour faire la fête.
L’enfant jouait avec l’autre fils d’Abraham, Isamël né de sa servante Agar.
C’est encore le temps de la fraternité et de la paix entre les enfants dont seront issues deux nations qui s’affronteront.
Sara intervient pour séparer les deux enfants et assurer l’avenir de son fils. L’enfant d’Agar présentait une menace, il faut l’éloigner définitivement et donc expulser la mère et l’enfant.
Le dilemme est douloureux pour Abraham, choisir entre son fils aîné et sa femme, mais Dieu intervient. Abraham doit se soumettre à Sara car c’est de son fils Isaac que viendra la descendance promise ; cependant Ismaël est aussi l’objet d’une bénédiction et d’une promesse : il donnera naissance à une nation.
Les préparatifs du départ se font, de l’eau en quantité insuffisante, mais les sentiments d’Abraham ne sont pas décrits.
Sara part donc errer dans le désert de Bersheba. Vite elle se désespère et se met à pleurer. Ses cris et ceux de son enfant provoquent une nouvelle intervention de Dieu. On retrouve ici un des traits de la relation entre Dieu et son peuple : ce sont des cris de détresse qui éveillent la compassion. Le nom de l’enfant Ismaël est formé des mots « shama » (écoute) et « El » (Dieu), « que Dieu écoute ».
Par la parole protectrice de Dieu, Ismaël survivra grâce à ses activités de chasseur. C’est l’ancêtre des bédouins, nomades chameliers. Dieu fut avec lui et il grandit, c’est la conclusion classique dans les récits de vocations.
Ainsi le texte biblique nous invite-t-il à ne jamais considérer qu’un peuple ou une Eglise puisse accaparer la totalité du dessein de salut de Dieu. Les voies de Dieu sont insondables et innombrables. D’autres chemins convergent vers l’entrée finale de l’humanité réconciliée dans le Royaume.