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Centre d'enseignement de théologie à distance

Aimer c’est pardonner (2)

L’amour de Dieu éclaire notre cœur

Rembrandt, 1606-1669, le retour du fils prodigue, 1669, musée de l’Ermitage, Saint Petersbourg, Russie

 

 

 

Rembrandt raconte la prodigieuse histoire du père qui avait perdu ses deux fils. Son amour les accueille tous les deux, tels qu’ils sont.

 

Le Père miséricordieux est montré en majesté, c’est lui qui agit sur le cœur de son fils, il ne juge pas, il accueille avec amour. Il rayonne.

 

Le fils, agenouilé, enfouit sa joue tel un nouveau né au creux d’un ventre matenel symbolisé dans l’ovale formé par les bras de son père. Il nait de nouveau. Il entend la voix de l’amour parental.

 

Sa nuque est celle d’un bagnard, son vêtement est comme un voile le séparant du reste des justes, ses talons sont blessés de cicatrices témoignant de ses errances. Il se repend, revient vers son père, il s’attend à être jugé. Est-il encore capable d’être aimé ? Son repentir ne vient pas de lui, mais lui a été révélé car il connait l’amour de son père. C’est l’amour de Dieu qui éclaire le cœur de l’homme et qui nous révèle comme une ombre ce qui a manqué à l’amour, ce qui est sans amour ou hors de l’amour.

 

Le fils est appelé à lever les yeux, n’est-il pas déjà tout lavé dans le visage aveugle qui pourtant le contemple amoureusement.

 

Oui le Père l’accepte pleinement tels qu’il est, l’a désiré profondément, a rêvé de lui, de son bonheur, a tellement de fois prononcé son nom même en silence. Le fils a tant de prix à ses yeux.

 

Comment ce père si bon manifeste-t-il ses sentiments. Pas besoin de paroles. Rembrandt met en évidence ses mains, des mains ferventes de prière, des mains posées sur les frêles épaules de son fils. Main masculine et main féminine, elles sont lumineuses, tendres et fortes, comme est l’amour de l’homme et de la femme, voulant donner un vrai bonheur à son enfant.

 

Le fils fait l’expérience que tout cela ne vient pas de lui, mais de l’amour de son Père. Il doit accepter d’être aimé, accepter de s’aimer. Il sait ce que c’est que de tomber, il peut comprendre ce que représente la miséricorde, qu’un amour l’a toujours précédé, l’a suivi, l’enveloppe.

 

Rembrandt n’oublie pas le frère ainé, représenté à droite. Il est debout, droit, vertical, rigide. Il refuse de s’abaisser vers son frère cadet comme le fait son père. Souffre-t-il de la miséricorde de son Père. Est-il conscient de l’amour lui porte son père, à lui aussi. Il se présente comme un fidèle dans l’obéissance à son Père. N’a-t-il pas refusé cet amour ? Fermé qu’il est dans son attitude. Le Père l’appelle pour retrouver ses deux fils, dans une même miséricorde.

 

Le texte biblique

 Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux.

Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés.

 Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. »

 

Saint Luc 6, 36-38

Commentaires

Que la vérité parle au dedans du cœur

Parle, parle, Seigneur, ton serviteur écoute :
Je dis ton serviteur, car enfin je le suis ; 
Je le suis, je veux l’être, et marcher dans ta route
Et les jours et les nuits.

Remplis-moi d’un esprit qui me fasse comprendre
Ce qu’ordonnent de moi tes saintes volontés, 
Et réduis mes désirs au seul désir d’entendre 
Tes hautes vérités.

Mais désarme d’éclairs ta divine éloquence ; 
Fais-la couler sans bruit au milieu de mon cœur 
Qu’elle ait de la rosée et la vive abondance 
Et l’aimable douceur.

Vous la craigniez, Hébreux, vous croyiez que la foudre, 
Que la mort la suivît et dût tout désoler, 
Vous qui dans le désert ne pouviez vous résoudre
A l’entendre parler.

« Parle-nous, parle-nous, disiez-vous à Moïse, 
Mais obtiens du Seigneur qu’il ne nous parle pas ; 
Des éclats de sa voix la tonnante surprise 
Serait notre trépas. »

Je n’ai point ces frayeurs alors que je te prie ;
Je te fais d’autres vœux que ces fils d’Israël, 
Et plein de confiance, humblement je m’écrie
Avec ton Samuel :

« Quoi que tu sois le seul qu’ici-bas je redoute,
C’est toi seul qu’ici-bas je souhaite d’ouïr :
Parle donc, ô mon Dieu ! ton serviteur écoute,
Et te veut obéir. »

Je ne veux ni Moïse à m’enseigner tes voies,
Ni quelque autre prophète à m’expliquer tes lois;
C’est toi qui les instruis, c’est toi qui les envois, 
Dont je cherche la voix.


Comme c’est de toi seul qu’ils ont tous ces lumières
Dont la grâce par eux éclaire notre foi, 
Tu peux bien sans eux tous me les donner entières, 
Mais eux tous rien sans toi.

Ils peuvent répéter le son de tes paroles,
Mais il n’est pas en eux d’en conférer l’esprit, 
Et leurs discours sans toi passent pour si frivoles
Que souvent on en rit.

Qu’ils parlent hautement, qu’ils disent des merveilles, 
Qu’ils déclarent ton ordre avec pleine vigueur :
Si tu ne parles point, ils frappent les oreilles 
Sans émouvoir le cœur.

Ils sèment la parole obscure, simple et nue ;
Mais dans l’obscurité tu rends l’œil clairvoyant, 
Et joins du haut du ciel à la lettre qui tue
L’esprit vivifiant.

Leur bouche sous l’énigme annonce le mystère,
Mais tu nous en fais voir le sens le plus caché ; 
Ils nous prêchent tes lois, mais ton secours fait faire 
Tout ce qu’ils ont prêché,

Ils montrent le chemin, mais tu donnes la force 
D’y porter tous nos pas, d’y marcher jusqu’au bout ;
Et tout ce qui vient d’eux ne passe point l’écorce, 
Mais tu pénètres tout.

Ils n’arrosent sans toi que les dehors de l’âme, 
Mais sa fécondité veut ton bras souverain ; 
Et tout ce qui l’éclaire, et tout ce qui l’enflamme 
Ne part que de ta main.

Ces prophètes en fin ont beau crier et dire, 
Ce ne sont que des voix, ce ne sont que des cris,
Si pour en profiter l’esprit qui les inspire 
Ne touche nos esprits.

Silence donc, Moïse ! et toi, parle en sa place, 
Éternelle, immuable, immense vérité : 
Parle, que je ne meure enfoncé dans la glace
De ma stérilité.

C’est mourir en effet, qu’à ta faveur céleste 
Ne rendre point pour fruit des désirs plus ardents ; 
Et l’avis du dehors n’a rien que de funeste 
S’il n’échauffe au dedans.

Cet avis écouté seulement par caprice, 
Connu sans être aimé, cru sans être observé, 
C’est ce qui vraiment tue, et sur quoi ta justice 
Condamne un réprouvé.

Parle donc, ô mon Dieu ! ton serviteur fidèle
Pour écouter ta voix réunit tous ses sens, 
Et trouve les douceurs de la vie éternelle 
En ses divins accents.

Parle pour consoler mon âme inquiétée ; 
Parle pour la conduire à quelque amendement ; 
Parle, afin que ta gloire ainsi plus exaltée 
Croisse éternellement.

Pierre CORNEILLE   (1606-1684), L’imitation de Jésus Christ livre III chapitre 2

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