En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
saint Jean Eudes. Je suis un dieu
Adam et Eve, bible moralisée 1220-1230, Bibliothèque nationale de Vienne
La bible moralisée ou bible des pauvres est le nom générique d’un certain nombre de manuscrits enluminés su 13e siècle. Ces documents reprenaient un même choix de textes bibliques mais en tiraient des déductions allégoriques et morales différentes.
De nos jours, il reste sept manuscrits entièrement illustrés datant tous du 13 au 14e siècles et ont été conçus pour l’usage personnel de la famille royale française.
Les illustrations sont insérées dans un motif de vitrail. Elles ont été réalisées par des artistes différents mais leur identité reste encore floue.
Les manuscrits étant très coûteux et inaccessibles aux illettrés, les fresques et les vitraux ont été mis en place dans les églises pour pourvoir à l’éducation religieuse de tous et ainsi la possibilité etait offerte de faire des rapprochements entre Ancien et Nouveau Testament.
Les bibles moralisées ont été créées pour interpréter et expliquer les Écritures, et participer au grand mouvement religieux du 13e de mise en place d’un enseignement moral. Les images veulent interpréter le monde ou un moment dans l’histoire et les détails sont toujours symboliques.
Les bibles moralisées ne contiennent pas le texte intégral de la Bible et les commentaires sont nombreux sous forme de légendes de l’image.
Est ici décrite la création par Dieu d’Adam et Eve. Dieu au centre majestueux portant un vêtement bleu royal. Son regard est lointain. Son visage est humain, surmonté d’une auréole cruciforme, annonçant la venue du Christ sauver l’homme du péché. Adam et Eve sont nus, mais presque de même grandeur que Dieu. Dieu les tient par la main, leur tête penché vers lui en signe d’adoration. Leurs pieds sont posés sur ceux de Dieu, ils marchent ensemble. Le serpent n’est pas encore venu les tenter !
Le texte biblique
La parole du Seigneur me fut adressée :
« Fils d’homme, tu diras au prince de la ville de Tyr : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Ton cœur s’est exalté et tu as dit : “Je suis un dieu, j’habite une résidence divine, au cœur des mers.” Pourtant, tu es un homme et non un dieu, toi qui prends tes pensées pour des pensées divines.
Tu serais donc plus sage que Daniel, il n’y aurait pas de secret trop profond pour toi ?
Par ta sagesse et ton intelligence tu as fait fortune, tu as accumulé l’or et l’argent dans tes trésors.
Par ton génie du commerce, tu as multiplié ta fortune, et à cause de cette fortune ton cœur s’est exalté.
C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur Dieu : Parce que tu prends tes pensées pour des pensées divines,
je fais venir contre toi des barbares, une nation redoutable. Ils tireront l’épée contre ta belle sagesse, ils profaneront ta splendeur.
Ils te feront descendre dans la fosse et tu mourras au cœur des mers, d’une mort violente.
Oseras-tu dire encore devant tes meurtriers : “Je suis dieu” ? Sous la main de ceux qui te transperceront, tu seras un homme et non un dieu.
Tu mourras de la mort des païens incirconcis, par la main des barbares. Oui, moi, j’ai parlé, – oracle du Seigneur Dieu. »
Ez 28,1-10
Commentaires
Le livre d’Ézéchiel, prophète exilé de Babylone, émet des oracles comprenant des reproches et des menaces contre les Israélites avant le siège de Jérusalem, des oracles contre les nations et des consolations pour le peuple déporté, enfin l’annonce d’un rétablissement religieux et politique en terre d’Israël.
Parmi les sept nations visées par les oracles du prophète, Tyr occupe une place importante, à égalité avec l’Égypte !
Tyr, au sud du Liban actuel, était une ville célèbre pour son dynamisme commercial et son rayonnement culturel, et pourtant Ézéchiel prononce un jugement mettant la ville en confrontation avec l’autorité divine.
Il est d’abord fait mention de griefs envers le prince qui la gouverne. Le grief le plus général est d’avoir voulu se faire l’égal de Dieu. « vous serez comme des dieux » avait dit le serpent ; le prince de Tyr veut sa ville comme résidence des dieux. Quelle présomption ! L’orgueil l’a atteint, lui que la sagesse avait permis sa réussite.. « je ne suis pas comme le reste des hommes », fait dit Luc au religieux (Lc 18,11). Mais précisément cet orgueil, cette prétention insensée, est celle de l’homme, Adam, qui a refusé de reconnaître sa limite et de faire confiance à Dieu. Le prince de Tyr est une figure de l’homme révolté.
Alors la sanction atteint le prince dans ce qui faisait sa prétention divine, l’invincibilité et l’immortalité. Cette sanction est mise en œuvre par les païens, très probablement les Babyloniens qualifiés de nation terrible entre toutes. Ainsi le prince est englouti dans la mer comme jadis les puissants Egyptiens (Ex 14). le châtiment vient là où le péché s’est manifesté, au milieu de la mer. La résidence que l’on croyait divine est envahie par la mort et le prince ramené à sa condition de mortel, il est transpercé par ses ennemis.
La Bible ne cesse de démasquer la permanente tentation de l’orgueil, du pouvoir, elle dit la défaite finale de l’homme qui s’est dressé contre Dieu.