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Centre d'enseignement de théologie à distance

Vivons notre carême avec le Pape François en méditant sur la pauvreté (6)

La misère matérielle




Murillo , 1617-1682, Le jeune mendiant, vers 1650, Louvre

Pour représenter ce « jeune pouilleux » en guenilles se débarrassant de ses puces, Murillo a été inspiré par la misère régnant dans les rues de Séville au siècle d’or. Les forts contrastes d’ombre et de lumière permettent d’insister sur les détails sordides. L’enfant reçoit la lumière de la fenêtre, le reste du tableau est reléguée dans une zone d’ombre, lumière et pénombre s’équilibrent. Tout l’œuvre est construit sur une diagonale descendante qui renforce l’idée de chute et de misère et ceci fait de ce tableau un appel à la miséricorde. L’enfant ne fait pas la mendicité (le geste de sa main tente de tuer les puces qui ont provoqué les rougeurs de son torse).Ses pieds sales, tout comme les quelques crevettes restes son repas, appellent la miséricorde comme le demande le Concile de Trente.



 

Voir le visage du Christ dans le pauvre

 

La misère matérielle est celle qui est appelée communément pauvreté et qui frappe tous ceux qui vivent dans une situation contraire à la dignité de la personne humaine : ceux qui sont privés des droits fondamentaux et des biens de première nécessité comme la nourriture, l’eau et les conditions d’hygiène, le travail, la possibilité de se développer et de croître culturellement. Face à cette misère, l’Église offre son service, sa diakonia, pour répondre aux besoins et soigner ces plaies qui enlaidissent le visage de l’humanité. Nous voyons dans les pauvres et les laissés-pour-compte le visage du Christ ; en aimant et en aidant les pauvres nous aimons et nous servons le Christ. Notre engagement nous pousse aussi à faire en sorte que, dans le monde, cessent les atteintes à la dignité humaine, les discriminations et les abus qui sont si souvent à l’origine de la misère. Lorsque le pouvoir, le luxe et l’argent deviennent des idoles, ils prennent le pas sur l’exigence d’une distribution équitable des richesses. C’est pourquoi il est nécessaire que les consciences se convertissent à la justice, à l’égalité, à la sobriété et au partage.

Misère morale

La misère morale n’est pas moins préoccupante. Elle consiste à se rendre esclave du vice et du péché. Combien de familles sont dans l’angoisse parce que quelques-uns de leurs membres – souvent des jeunes – sont dépendants de l’alcool, de la drogue, du jeu, de la pornographie ! Combien de personnes ont perdu le sens de la vie, sont sans perspective pour l’avenir et ont perdu toute espérance ! Et combien de personnes sont obligées de vivre dans cette misère à cause de conditions sociales injustes, du manque de travail qui les prive de la dignité de ramener le pain à la maison, de l’absence d’égalité dans les droits à l’éducation et à la santé. Dans ces cas, la misère morale peut bien s’appeler début de suicide. Cette forme de misère qui est aussi cause de ruine économique, se rattache toujours à la misère spirituelle qui nous frappe, lorsque nous nous éloignons de Dieu et refusons son amour. Si nous estimons ne pas avoir besoin de Dieu, qui nous tend la main à travers le Christ, car nous pensons nous suffire à nous-mêmes, nous nous engageons sur la voie de l’échec. Seul Dieu nous sauve et nous libère vraiment. »

Message du Pape François pour le carême 2014

Le texte biblique

Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde.

 Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ;

j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !”

Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? Tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? Tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ?

Tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? Tu étais nu, et nous t’avons habillé ?

 Tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?”

 Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”

Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges.

Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ;

 j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.”

Alors ils répondront, eux aussi : “Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?”

 Il leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.”

Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »

Mt 25, 34-46

Commentaires

« Assiste ces hommes, toi qui jeûnes. Pour tes frères malheureux, sois généreux.Ce que tu ôtes au ventre, donne-le au pauvre. Qu’une juste crainte de Dieu nivelle vos différences : soigne avec ta sobriété deux maux contraires : ta goinfrerie, la faim de tes frères. Telle est sa tâche du médecin : mettre les uns à la diète, suralimenter les autres et rendre ainsi la santé aux malades, avec, selon le cas, l’une ou l’autre de ces prescriptions. Suivez donc cet avis salutaire, puisse-t-il faire ouvrir aux riches leurs portes. Puisse ce conseil encourager les pauvres, s’adresser aux riches. Mais nos paroles seules ne doivent pas enrichir le pauvre. Que le Verbe éternel leur donne aussi un foyer, un lit, une table. Parlez leur affectueusement et soulagez leurs misères avec vos propres fonds.

Mais il y a encore de malheureux infirmes. Que chacun s’occupe de ceux qui sont ses voisins, ne laissez pas un inconnu s’y intèresser à votre place et vous dérober ce trésor dont vous étiez dépositaires. Embrassez le malheureux comme de l’or : soignez ses maux comme les votres, comme ceux de votre femme, de vos enfants, de vos domestique et de toute votre maison. L’indigent malade est deux fois un pauvre. Les bien-portants peuvent aller de porte en porte frapper chez les riches ou s’asseoir aux carrefours , et de là héler tous les passants. Mais les malades, enfermés dans d’étroits recoins, tel Daniel en sa citerne, ne peuvent que vous entendre comme Habacuc, vous, votre charité, votre offrande.

Devenez ami du prophète avec votre aumône. Courez sans hésiter au secours du pauvre. Vous ne perdrez rien en donnant, rassurez-vous : ils sont gros, les fruits de la charité. Semez vos bienfaits et votre maison s’emplira de bonnes moissons.

[…] Ne méprisez pas les pauvres qui gisent à terre comme s’ils ne méritaient aucun égard. Demandez-vous qui ils sont et vous découvrirez leur grandeur : ils ont revêtu le visage de Notre Sauveur. Le Seigneur en sa bonté leur a donné son propre visage, afin qu’à son aspect rougissent les durs de cœur, ennemis des pauvres : vous savez que les voyageurs qui se font attaquer par des larrons leur présentent aussitôt les portraits de leur souverain et le crédit de l’autorité ramène les brigands à de meilleurs sentiments.

Les pauvres sont les économes de notre espérance, les gardiens du royaume qui ouvrent la porte aux justes et la referment devant les méchants et les égoïstes.

[…] La charité ! C’est elle qui préserve nos vies, mère du pauvre, conseillère du riche, nourrice du tout-petit, servante du vieillard, trésor de l’indigent, havre universel du malheur, qui défend et console tous les âges et toutes les tristesses. »

Grégoire de Nysse, +394, De l’amour des pauvres

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