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Centre d'enseignement de théologie à distance

Jesus chasse les démons de Gerasa

Jean Marie Pirot, Arcabas, né en 1926, Le possédé de Gerasa, Musée d’art sacré contemporain, église saint Hugues de Chartreuse, Isère, prédelle du choeur, 1985

 

Professeur à l’école des Beaux arts de Grenoble, J.M. Piot, Arcabas, se fait connaître en 1953 à travers une œuvre monumentale réalisée en plusieurs étapes sur une période de 30 ans : à cette époque il redécouvre la foi et se met en en quête d’une église à décorer souhaitant réaliser un travail artistique d’envergure et exprimer sa foi à travers l’art. Il rencontre le père Raymond Truffot, curé de saint Pierre et saint Hugues à qui il propose de restaurer l’église et de la décorer.

Arcabas divise symboliquement l’église en deux parties, la nef qui évoque la vie terrestre : naissance, travail, vie de famille, jeux, mais aussi la violence, la lâcheté, les maladies, la mort etc.., et le chœur qui est consacré à la vie divine. Lors d’une seconde tranche de travaux Arcabas réalise un long bandeau supérieur, ou couronnement dans lequel il explore sa voie d’abstraction.

La profusion de couleurs et des matières expriment la joie.

En 1984 l’ensemble de cette œuvre fait l’objet d’une donation de la part d’Arcabas au département d’Isère. Ce statut est unique en France : il s’agit d’une église-musée. Cette donation assure la sécurité et la promotion de l’œuvre d’Arcabas, tout en conservant la vocation de lieu de culte du bâtiment

Ainsi, l’artiste peint une cinquantaine de toiles qui constituent la « prédelle » (qui se trouve dans la partie inférieure). Cette prédelle illustre la vision du monde selon Arcabas, à travers différents passages de la vie du Christ sans ordre prédéfini.

 

C’est là que l’on trouve l’illustration du possédé de Gerasa. Le panneau est divisé en deux parties.

La partie supérieure montre Jésus chassant les démons du possédé. À gauche Jésus, brillant, dans une vive lumière, avance énergiquement, la main levée pour chasser les démons, vers le possédé. L’homme sombre, à genoux, terrifié, est ébloui par la lumière et la vigueur qui émane de Jésus . Les démons, nombreux fuient à l’arrière, vers des zones sombres.

Dans la partie inférieure, les porcs courent inexorablement pour se noyer dans les eaux tourbillonnantes qui semblent les aspirer !

Le texte biblique

Ils arrivèrent sur l’autre rive du lac, dans le pays des Géraséniens.

Comme Jésus descendait de la barque, aussitôt un homme possédé d’un esprit mauvais sortit du cimetière à sa rencontre ;

il habitait dans les tombeaux et personne ne pouvait plus l’attacher, même avec une chaîne ;

 en effet on l’avait souvent attaché avec des fers aux pieds et des chaînes, mais il avait rompu les chaînes, brisé les fers, et personne ne pouvait le maîtriser.

Sans arrêt, nuit et jour, il était parmi les tombeaux et sur les collines, à crier, et à se blesser avec des pierres.

Voyant Jésus de loin, il accourut, se prosterna devant lui et cria de toutes ses forces :

« Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu très-haut ? Je t’adjure par Dieu, ne me fais pas souffrir ! »

 Jésus lui disait en effet : « Esprit mauvais, sors de cet homme ! »

 Et il lui demandait : « Quel est ton nom ? » L’homme lui répond : « Je m’appelle Légion, car nous sommes beaucoup. »

Et ils suppliaient Jésus avec insistance de ne pas les chasser en dehors du pays.

Or, il y avait là, du côté de la colline, un grand troupeau de porcs qui cherchait sa nourriture.

Alors, les esprits mauvais supplièrent Jésus : « Envoie-nous vers ces porcs, et nous entrerons en eux. »

 Il le leur permit. Alors ils sortirent de l’homme et entrèrent dans les porcs. Du haut de la falaise, le troupeau se précipita dans la mer : il y avait environ deux mille porcs, et ils s’étouffaient dans la mer.

Ceux qui les gardaient prirent la fuite, ils annoncèrent la nouvelle dans la ville et dans la campagne, et les gens vinrent voir ce qui s’était passé.

 Arrivés auprès de Jésus, ils voient le possédé assis, habillé, et devenu raisonnable, lui qui avait eu la légion de démons, et ils furent saisis de crainte.

Les témoins leur racontèrent l’aventure du possédé et l’affaire des porcs.

Alors ils se mirent à supplier Jésus de partir de leur région.

Comme Jésus remontait dans la barque, le possédé le suppliait de pouvoir être avec lui.

Il n’y consentit pas, mais il lui dit : « Rentre chez toi, auprès des tiens, annonce-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde. »

Alors cet homme s’en alla, il se mit à proclamer dans la région de la Décapole tout ce que Jésus avait fait pour lui, et tout le monde était dans l’admiration.

 

Marc 5,1-20

Commentaires

Belle page colorée de l’évangile de Marc ! Tant par la narration, le style et la richesse de vocabulaire. Ce récit est repris également par Matthieu et Luc. Un véritable film se déroule devant nous. La traversée dans la tempête, l’arrivée de l’autre côté du lac dans le pays des Géraséniens, terre inconnue étrangère au peuple juif, pays païen dépeint comme le repaire de l’impureté.

Un possédé y vit à l’état sauvage vivant dans ces cavernes où l’on jetait les cadavres jugés impurs, il se détruit lui-même en se lacérant, et représente ainsi le symbole concret du mal et de la mort.

 

Jésus et cet énergumène dialoguent. L’esprit mauvais connaît pertinemment l’identité de Jésus, sachant que le Messie vient mettre fin au règne de Satan. Jésus commande à l’esprit mauvais de sortir de cet homme ; curieusement sa parole est sans effet, mais le dialogue est entamé. Il lui demande son nom : pour l’exorciste connaître le nom de l’adversaire c’est déjà avoir emprise sur lui. … il s’appelle « légion », c’est le nom de l’armée païenne d’occupation… la légion romaine c’est 2000 hommes environ. On comprend pourquoi ces occupants supplient Jésus de ne pas les expulser hors du pays !

 

Mais la délivrance prend une allure burlesque : sur la colline voisine paissent des porcs, animaux que les juifs considèrent comme impurs. C’est en eux que les mauvais esprits pensent trouver un refuge salutaire. Ils supplient Jésus d’opérer leur transfert, Jésus leur accorde ce sursis, mais c’est un piège qui s’avère mortel : les démons sont renvoyés dans l’abîme des eaux, leur habitacle originel.

L’exploit est formidable, entraîne des réactions en chaîne. Les gardiens des porcs courent raconter l’affaire partout, les foules accourent et découvrent le possédé guéri, habillé, il est donc à nouveau socialisé et délivré de l’errance… Les habitants de la contrée sont envahis de cette terreur sacrée que l’homme connaît en présence d’une manifestation divine et prient Jésus de quitter la contrée. Cette attitude s’explique bien par les seules considérations économiques : la perte d’un gros cheptel (2000 porcs!), mais elle a aussi son caractère religieux. Ces païens rejettent le « Sauveur » dont ils n’ont pas encore ressenti le besoin.

 

L’homme qui a retrouvé sa dignité voudrait se joindre aux disciples, mais Jésus ne veut pas. L’heure d’adjoindre des païens au collège apostolique n’est pas encore venue, mais Jésus l’envoie en mission. Cet ancien exclu doit annoncer auprès des siens ce que le Seigneur a fait pour lui dans son amour réconciliant. C’est la Bonne Nouvelle du Salut en Jésus Christ qu’il va « proclamer » en plein pays païen.

 

Pourquoi Marc a-t-il raconté cette longue histoire aux allures de conte  ? Son premier souci a sûrement été de montrer la force salvatrice de Jésus s’étendant au monde païen : l’évangélisation du paganisme vient de Jésus lui-même. Il a tracé la voie à la mission auprès des païens. Le possédé connaît l’identité de Jésus qui est le Messie, Marc invite son lecteur à poursuivre sa recherche sur la question maîtresse de son livre : qui donc est Jésus ?

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