En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
L’escroc modèle ?
Quentin Metsys (1466-1530) Le Prêteur et sa femme (1514) , musée du louvre
Quentin Metsys est un peintre primitif flamand.
Il réalise des peintures dites pieuses, tout en faisant preuve de grand réalisme, son dessin est fin et il apporte beaucoup de soin dans les détails.
Il apprit de Van Eyck et de Memling de superbes coloris en utilisant des pigments transparents riches et use des effets d'optique notamment en plaçant un miroir dans son tableau comme ici dans ce tableau du préteur et sa femme.
Ce tableau a été diversement interprété.
Il évoque une scène de genre , figurant une scène de la vie quotidienne dans un milieu réaliste, une scène de change dans la boutique d'un changeur d'une ville commerçante de la Flandre de la RenaissanceLe miroir convexe posé sur la table reflète une fenêtre à croisée qui s'ouvre vers l'extérieur. On y distingue, se dressant au-dessus des arbres la flèche gothique d'un beffroi, élément d'architecture typique de la Belgique et du Nord de la France, comme celui de la cathédrale d'Anvers, et un homme lisant.
Les objets sont représentatifs du métier du changeur : un vase de cristal incrusté de métal, une bourse d'étoffe noire ouverte, laissant voir des perles brutes ainsi qu'un rouleau dans lequel sont enfilées des bagues montées de pierres précieuses. Ces objets sont placés à côté d'un tas de pièces d'or suggérant leur conversion en espèces sonnantes et trébuchantes. Le réalisme de la peinture de Metsys permet d'identifier ces pièces ! L'homme est entièrement absorbé par son travail.
On considère aussi souvent que ce ce tableau est une œuvre à caractère allégorique et moralisateur, sur le thème de la vanité des biens terrestres opposées aux valeurs chrétiennes intemporelles et d'une dénonciation de l'avarice. Metsys a en effet montré l'aspect caricatural de l'usurier cupide avec ses doigts crispés sur l'or.
Le texte biblique
Jésus disait encore à ses disciples : « Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé parce qu'il gaspillait ses biens.
Il le convoqua et lui dit : 'Qu'est-ce que j'entends dire de toi ? Rends-moi les comptes de ta gestion, car désormais tu ne pourras plus gérer mes affaires.'
Le gérant pensa : 'Que vais-je faire, puisque mon maître me retire la gérance ? Travailler la terre ? Je n'ai pas la force. Mendier ? J'aurais honte.
Je sais ce que je vais faire, pour qu'une fois renvoyé de ma gérance, je trouve des gens pour m'accueillir.'
Il fit alors venir, un par un, ceux qui avaient des dettes envers son maître. Il demanda au premier : 'Combien dois-tu à mon maître ? –
Cent barils d'huile.' Le gérant lui dit : 'Voici ton reçu ; vite, assieds-toi et écris cinquante.'
Puis il demanda à un autre : 'Et toi, combien dois-tu ? – Cent sacs de blé.' Le gérant lui dit : 'Voici ton reçu, écris quatre-vingts.'
Ce gérant trompeur, le maître fit son éloge : effectivement, il s'était montré habile, car les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière.
Lc 16,1-8
Commentaires
Luc dans ce chapitre 16 introduit une série de paraboles sur le danger de l'idole « argent ».
La parabole de l'intendant malhonnête que nous laissons ici peut laisser perplexe. Comment se fait-il que Jésus présente comme modèle un intendant qui vole délibérément son ancien maitre pour s'assurer le soutien de ses débiteurs? Cela créée certes un certain malaise. Jésus ne peut approuver les agissements frauduleux d'un escroc doublé d'un faussaire !.. il traite ce gérant de trompeur. La suite du texte montrera Jésus proférant un enseignement sur l'argent.
Naturellement Luc ne cherche pas à identifier une situation de la vie courante qu'il faudrait corriger. Bien souvent, dans les paraboles, Dieu ne peut pas être identifié au roi ou au maitre de l'histoire. La parabole veut faire réfléchir l'auditoire, pour qu'il regarde sa situation avec un œil nouveau.
Le propriétaire d'un grand domaine agricole signifie sa mise à pied à son gérant qui n'a pas bien fait son travail. Mais celui-ci n'est apte ni à travailler ni à mendier. Il agit donc de façon avisée et propose aux débiteurs du propriétaire des remises de dettes importantes… et se montre généreux au détriment de son employeur.
Jésus n'approuve pas ces pratiques, mais il fait l'éloge du caractère habile, avisé de sa démarche.
Le point de vue proposé ici par Luc, est l'habileté à se faire des amis, à créer des liens de solidarité entre les hommes. L'auditeur est amené à s'interroger : s'il faut déployer tant d'adresse pour créer un solidarité humaine aux fondements ambigus, quelle adresse ne faudrait-il pas pour créer une solidarité qui ferait entrer les hommes dans le monde de la lumière ?
Jésus ne favorise pas les les pratiques financières douteuses de l'intendant. Mais il suggère que l'habileté humaine pourrait être mise au service d'une solidarité plus haute.