En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
L’appel de saint Matthieu
Pour la chapelle Contarelli de saint Louis des Français, le Caravage a peint entre 1599 et 1600-1602 trois tableaux dont celui de la vocation de saint Matthieu. Ici le peintre a voulu opposer le temporel et le spirituel. Le Christ, majestueux et solennel, désigne d'une main Matthieu, et de l'autre main, dessinée avec un impressionnant raccourci, il convaincre les spectateurs. Mais Jésus est déjà sur le départ, la position de ses pieds indique qu'il va quitter les lieux, est-il déjà absent ?
L'apôtre Pierre devant lui, répète timidement et à échelle humaine le geste du Christ sans bien comprendre que celui-ci est déjà virtuellement absent. Caravage semble peindre les choses elles-mêmes mais aussi leur résonance. Caravage en son temps innove non seulement sur le plan technique, mais aussi il introduit un changement de vision, rompant avec la tradition et repensant totalement le sujet, ce qui n'a pas toujours été compris par ses contemporains ; aujourd'hui Le Caravage est considéré comme un de ces hommes qui ont changé l'art.
Ce tableau est à la fois un tableau religieux et la description d'une taverne, lieu vulgaire, cela est tout à fait nouveau à l'époque.
L'utilisation de la lumière est tout à fait originale : un rayon de lumière frappe les disciples en traversant le clair obscur général. Et ceci pour illustrer le thème de l'appel irrésistible que Jésus lance à celui qu'il désigne de la main.
La composition est très sophistiquée : la scène est divisée en registres différents : des personnages, assis, petits, habillés à la mode du jour, à l'opposé le Christ, debout, impératif tendant la main vers Matthieu et Pierre à ses cotés, enfin le haut du tableau est neutre, sans décoration, seule une fenêtre symbolisant la vie à l'extérieur..
Jésus montre du doigt Matthieu, directement, il regarde Matthieu avec insistance. Jésus appelle une réponse d'amour de Matthieu, une réponse totale, une réponse qui sera la raison de vivre de Matthieu.
Pierre est à côté de Jésus, il appelle aussi Matthieu comme un ami, au nom de l'Eglise.
Matthieu peut répondre, il en est capable !!
Mais quel étonnement de la part de cet homme qui pointe son doigt sur son cœur.. il se sait pécheur.. c'est cet homme pécheur que Jésus appelle. Matthieu a du mal à lâcher prise, sa main droite doit se dessaisir de l'objet de son travail, Jésus demande tout !
A la même table que Mathieu deux jeunes hommes ont aussi remarqué Jésus, leurs visages sont illuminés à l'appel de Jésus. Un autre groupe d'hommes est absorbé dans son travail, ils n'ont pas vu Jésus, leur argent paraît plus sûr !! pas de risque.
Le texte biblique
Jésus, sortant de Capharnaüm, vit un homme, du nom de Matthieu, assis à son bureau de publicain (collecteur d'impôts). Il lui dit : « Suis-moi. » L'homme se leva et le suivit.
Comme Jésus était à table à la maison, voici que beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent prendre place avec lui et ses disciples.
Voyant cela, les pharisiens disaient aux disciples : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? »
Jésus, qui avait entendu, déclara : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades.
Allez apprendre ce que veut dire cette parole : C'est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices. Car je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs. »
Mt 9,9-13
Commentaires
Ce court récit bien connu est remarquablement construit : trois actes : d'abord l'appel du publicain Matthieu, appelé à suivre Jésus tel un disciple, puis une scène de table regroupant des publicains, des pécheurs et Jésus, quelle impureté !, enfin une controverse autour de la question des pharisiens et la réponse de Jésus : il recourt à l'Ecriture pour définir sa mission : appeler les pécheurs.
L'appel de Matthieu rejoint la forme de l'appel des premiers disciples, avec le point sensible qu'il s'agit d'un publicain. Dans la ville frontière qu'est Capharnaüm, les publicains perçoivent les taxes sur les caravanes venant de Syrie et sur les poissons pêchés dans le lac. Ainsi ils ont des contacts avec des gens de toutes sortes et sont catégoriés comme des gens impurs.
L'auteur parle donc de l'appel par Jésus d'un certain Matthieu alors que Luc et Marc citent un obscur Lévi. S'agit-il du même homme ? L'évangéliste aura introduit le nom de Matthieu dans la liste des 12, et plus tard la tradition l’identifiera à l'auteur même de l’évangile.
La scène de table se passe « à la maison », sans doute celle de Matthieu, où Jésus partage le repas de publicains et de pécheurs. Les juifs pieux évitaient de tels rapprochements pour ne pas négliger les règles de pureté alimentaires édictées par la Loi et les traditions religieuses.
Enfin la controverse. Les pharisiens ne doutent pas de la piété de Jésus, ils sont donc stupéfaits. Jésus leur répond en commençant avec un proverbe connu de l'Antiquité : la place du médecin est auprès des malades et non des bien-portants. Puis Jésus renvoie à l'Écriture à la manière des scribes. Il cite une phrase d'Osée estimant que la miséricorde, c'est à dire concrètement les « bonnes œuvres » comme vêtir et nourrir les pauvres, l'emporte en valeur sur l'accomplissement des sacrifices. Ainsi fréquenter les pécheurs pour leur témoigner la miséricorde de Dieu, voilà qui vaut plus que les prescriptions du culte !. Et Jésus conclut sur le but de sa mission, non seulement appeler les justes mais aussi des pécheurs tels que Matthieu. Jésus lui-même se compromet dans la compagnie de ceux qui ont besoin de miséricorde. C’est pour eux qu’il est venu !