En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
sacrifice d’Isaac
Filippo Brunelleschi, 1377-1446, le sacrifice d'Isaac, porte du paradis, 1401, dome de Floence
Brunelleschi est peintre, sculpteur et architecte de l'école florentine
Ce relief du sacrifice d'Isaac, a été réalisé à l’occasion d’un concours organisé par l'Arte di Calimala, une corporation marchande de Florence du Change et de la Laine en 1401 pour réaliser la seconde des portes de bronze du baptistère Saint Jean de Florence. Deux artistes participent : Brunelleschi et Ghiberti (qui remporta le concours devant son rival montrant encore beaucoup d'aspects classiques).
Le format général devait être celui d'un losange sur le modèle instauré par Andrea Pisano pour la porte sud en 1330,-1336.
Au centre Abraham armé de son couteau s'apprête à sacrifier avec énergie son fils Isaac. Il a saisi le cou de l'enfant qui se débat, son corps se détourne, mais l'ange surgit pour arrêter le bras du père.
A coté un bélier est apparu, c'est lui qu'Abraham offrira en sacrifice.
Le bas du tableau est occupé par l'âne du voyage et deux serviteurs, ils semblent étrangers à la scène, l'un semble se rafraichir les pieds et l'autre semble s'enlever une épine du pied. Le drame est ailleurs, tout se joue autour d'Abraham.
La forte géométrie de la composition souligne par contraste la violence brutale et dramatique et l’agitation psychologique des protagonistes.
Le texte biblique
Dieu mit Abraham à l'épreuve. Il lui dit : « Abraham ! » Celui-ci répondit : « Me voici ! »
Dieu dit : « Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac, va au pays de Moriah, et là tu l'offriras en sacrifice sur la montagne que je t'indiquerai. »
Abraham se leva de bon matin, sella son âne, et prit avec lui deux de ses serviteurs et son fils Isaac. Il fendit le bois pour le sacrifice, et se mit en route vers l'endroit que Dieu lui avait indiqué.
Le troisième jour, Abraham, levant les yeux, vit l'endroit de loin.
Abraham dit à ses serviteurs : « Restez ici avec l'âne. Moi et l'enfant nous irons jusque là-bas pour adorer, puis nous reviendrons vers vous. »
Abraham prit le bois pour le sacrifice et le chargea sur son fils Isaac ; il prit le feu et le couteau, et tous deux s'en allèrent ensemble.
Isaac interrogea son père Abraham : « Mon père ! – Eh bien, mon fils ? » Isaac reprit : « Voilà le feu et le bois, mais où est l'agneau pour l'holocauste ? »
Abraham répondit : « Dieu saura bien trouver l'agneau pour l'holocauste, mon fils », et ils s'en allaient tous les deux ensemble.
Ils arrivèrent à l'endroit que Dieu avait indiqué. Abraham y éleva l'autel et disposa le bois, puis il lia son fils Isaac et le mit sur l'autel, par-dessus le bois.
Abraham étendit la main et saisit le couteau pour immoler son fils.
Mais l'ange du Seigneur l'appela du haut du ciel et dit : « Abraham ! Abraham ! » Il répondit : « Me voici ! »
L'ange lui dit : « Ne porte pas la main sur l'enfant ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m'as pas refusé ton fils, ton fils unique. »
Abraham leva les yeux et vit un bélier, qui s'était pris les cornes dans un buisson. Il alla prendre le bélier et l'offrit en holocauste à la place de son fils.
Du ciel l'ange du Seigneur appela une seconde fois Abraham :
« Je le jure par moi-même, déclare le Seigneur : parce que tu as fait cela, parce que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton fils unique,
je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer, et ta descendance tiendra les places fortes de ses ennemis.
Puisque tu m'as obéi, toutes les nations de la terre s'adresseront l'une à l'autre la bénédiction par le nom de ta descendance. »
Alors Abraham retourna auprès de ses serviteurs et ensemble ils se mirent en route pour Bershéba ; et Abraham y habita.
Gn 22, 1-19
Commentaires
Dieu met Abraham à l'épreuve, une « tentation » : le terme est le même que celui utilisé pour les tentations de Jésus au désert : la tentation est une épreuve positive, dans la mesure où elle soumet quelqu'un à une épreuve pour vérifier ce qu'il est vraiment, pour vérifier et renforcer sa foi.
L'épreuve ultime imposée à Abraham consiste à lui demander le sacrifice de son fils, celui qu'il aime plus que tout et qu’il a reçu de Dieu malgré sa vieillesse et la stérilité de sa femme. L'exigence de Dieu est exorbitante, insupportable..
C'est Dieu qui est au centre du récit, c'est lui qui appelle, qui interrompt le déroulement des évènements et qui reconnait que l'épreuve a été surmontée et enfin qui promet ses bénédictions ! Dieu ne prend pas la vie, il la redonne en abondance au-delà de l’épreuve.
Le comportement d'Abraham ne se comprend que par rapport à Dieu : son silence exprime son adhésion à Dieu, son obéissance inconditionnelle ( à d'autres moments il avait discuté ! voir les chapitres 5 et 18 de la Genèse). Les sentiments du patriarche durant les trois jours de marche ne nous sont pas décrits. Abraham se laisse conduire, et ce n'est qu'à partir de l'intervention salvatrice de Dieu qu'il prend l'initiative par l'offrande du bélier.
Et alors, qu'en est-il d'Isaac ? Son silence est troublant, victime désignée, il reste passif sauf pour s'inquiéter de l'absence d'un animal pour le sacrifice..puis il disparaît, il n'est même pas nommé dans les personnages qui rentrent. Est-il consentant ? Est-il prêt à offrir sa vie à Dieu ?
Israel expérimentera plusieurs fois qu'il faut accepter de perdre des dons pour retrouver le Dieu qui donne. Isaac deviendra dans le judaïsme le modèle du croyant qui fait totalement confiance à Dieu, jusque dans l’épreuve qui le conduit, lié, à la mort (les juifs désignent cette scène sour le nom de « ligature d’Isaac »). Le peuple juif développe dans ce texte la plus forte conception de la foi qui soit : le Dieu qui a donné la vie ne peut la reprendre que pour la redonner en abondance ; la tentation est toujours une épreuve de la foi. Malgré les épreuves terribles de l’existence, Dieu n’abandonne jamais les hommes car il les aime, et qu’il est fidèle à sa promesse.