En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Présentation de Jésus au temple
Chapiteau de l'église saint Pierre de Chauvigny, Vienne, 12/13e, la présentation au temple
A Chauvigny, l’existence d’un chapitre de dix chanoines est attestée dans le premier quart du XIe siècle. Il existait donc, à cette époque, un premier édifice, dont quelques pierres sculptées sont réemployées dans le chevet de l’église qui nous est parvenue. Celle-ci a été construite au XIIe siècle, en commençant par le chœur. Le clocher a été achevé au début du XIIIe siècle.
Si la façade est peu ornée, le chevet frappe par l’harmonieux étagement des volumes et par la richesse de la décoration sculptée.
L’intérieur frappe par l’élévation des voûtes qui donne au monument légèreté et lumière. La nef à cinq travées n’a pour tout décor que celui des chapiteaux, dont le style évolue d’est en ouest vers des formes de plus en plus gothiques.
Les chapiteaux sont des chapiteaux historiés décorant les 6 colonnes du sanctuaire : oiseaux de proie dévorant des hommes, grande prostituée, pesée des âmes, annonce aux bergers, Babylone désertée, dragons dévorant des hommes, masques d'anges, Annonciation, Adoration des mages, Tentation du Christ, lions ailés réunis par la tête, homme siamois, lions adossés, monstres à corps d'oiseau et tête d'homme barbu, dragon, sphinx féminins, Satan et sa cour.
Nous avons ici la représentation de la Présentation : on voit de part et d'autre de l'autel le prêtre Syméon et la Vierge Marie : Marie tend l'enfant Jésus à Syméon. Le jeu des mains est parlant : la Vierge tend les mains vers l'Enfant qu'elle a déjà donné, l'enfant tend les mains vers Syméon, et Syméon tend les mains vers l'Enfant qu'il reconnaît comme « lumière des nations et gloire d'Israël », l'auteur du salut annoncé ! Marie semble écouter ces mots et non l'annonce de « ce glaive qui lui percera le cœur » : son visage tourné vers nous esquisse un sourire et nous prend à témoins de sa joie maternelle.
Jésus semble ne plus être tenu par personne, il est seul, reposant sur un linge qui symbolise le respect qu'on lui doit.
Les vêtements des deux personnages sont symétriques, mais les auréoles sont individualisées, celle de la Vierge porte son nom « saint Marie », celle de Jésus est crucifère, et celle de Syméon est plus petite et neutre.
Notons que les traces de peintures datent du 19e, ne sont donc pas d'origine !
Le texte biblique
Quand arriva le jour fixé par la loi de Moïse pour la purification, les parents de Jésus le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur,
selon ce qui est écrit dans la Loi : Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au Seigneur.
Ils venaient aussi présenter en offrande le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur : un couple de tourterelles ou deux petites colombes.
Or, il y avait à Jérusalem un homme appelé Syméon. C'était un homme juste et religieux, qui attendait la Consolation d'Israël, et l'Esprit Saint était sur lui.
L'Esprit lui avait révélé qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le Messie du Seigneur.
Poussé par l'Esprit, Syméon vint au Temple. Les parents y entraient avec l'enfant Jésus pour accomplir les rites de la Loi qui le concernaient.
Syméon prit l'enfant dans ses bras, et il bénit Dieu en disant :
« Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix, selon ta parole.
Car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples :
lumière pour éclairer les nations païennes,et gloire d'Israël ton peuple. »
Le père et la mère de l'enfant s'étonnaient de ce qu'on disait de lui.
Syméon les bénit, puis il dit à Marie sa mère : « Vois, ton fils qui est là provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de division.
Et toi-même, ton coeur sera transpercé par une épée.
Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d'un grand nombre. »
Il y avait là une femme qui était prophète, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d'Aser.
Demeurée veuve après sept ans de mariage, elle avait atteint l'âge de quatre-vingt-quatre ans. Elle ne s'éloignait pas du Temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière.
S'approchant d'eux à ce moment, elle proclamait les louanges de Dieu et parlait de l'enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem.
Lorsqu'ils eurent accompli tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth.
L'enfant grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.
Luc 2, 22-40
Commentaires
Ce passage bien connu de la Présentation de Jésus au temple est l'occasion pour Luc de poursuivre la révélation du futur rôle de Jésus en tant que Sauveur, en présentant Syméon, un juste d'Israël empli de l'Esprit, et une prophétesse âgée devant le bébé qu'est alors Jésus. Même Joseph et Marie vont montrer leur étonnement.
Les deux rencontres sont successivement présentées, plus brève pour Anne, et sont l'occasion pour donner à Jésus différents titres qui annoncent la mission de l'enfant : consolation d'Israël, Messie du Seigneur, salut de Dieu, lumière pour éclairer les nattions et gloire d'Israël, libération de Jérusalem, il sera cause de chute et de relèvement en Israël, signe de division, et à son contact les pensées seront dévoilées, et enfin en conclusion il est dit qu'il est rempli de sagesse.
Ce récit montre une fois de plus, l'enfant désarmé, inconscient, tout abandonné à la conduite de ses parents qui l'amènent , le présentant à son Père « pour le présenter au Seigneur », le soumettent à ce qui est écrit dans la Loi, et reçoivent pour lui les oracles qui le concernent.
C'est pourtant ce bébé que Syméon reconnaît comme le Messie du Seigneur. On retrouve par ces qualificatifs donnés à Jésus la première annonce de l'universalisme de la mission de Jésus.
A Marie qui seule assistera à l'accomplissement des prophéties, Syméon réserve l'annonce de la vision d'Israel devant Jésus, celui qui « provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël » rappelant les paroles d'Isaie : « il sera pour les deux maisons d'Israël un filet et un piège » (Is 8, 14). Comme mère du Messie elle souffrira plus que les autres israélites de la façon dont se réalisera cette prophétie.
Ainsi, si Jésus est sauveur pour tous, ce salut doit être accueilli librement et peut donc être refusé!
Il n'apporte pas un salut tout fait, il appelle à un salut par la foi.
De même dans la bouche de Anne, modèle de la veuve juive et chrétienne, l'enfant est relié à la délivrance, au « rachat » de Jérusalem. Ainsi cette scène de révélation se termine sur une note joyeuse.
Ces oracles apportent des traits nouveaux à la figure de Jésus. Ils disent son rôle vis à vis d'Israël et des païens. Ils insistent sur la division du peuple de Dieu devant lui.
Ils laissent entrevoir qu'on peut refuser : sa mission peut rencontrer l'échec !