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Avent : cheminement avec Isaïe : la prophétie de l’Emmanuel
Mathis Gothard Nithard, Grünewald (1475-vers 1528), L'Annonciation, retable d'Issenheim, 1512, musée d'Unterlinden
Grünwald reçut la commande du couvent des Antonins d'Issenheim, (ville située à une vingtaine kilomètres de Colmar), de peindre des volets pour le retable sculpté du maître autel de l'église.
Il reprend alors le type de retable dont de nombreux exemples sont connus dans la région du Rhin supérieur depuis le XVe siècle. Ces retables étaient placés dans le chœur surélévé de quelques marches, pour être mieux vus, derrière l'autel, d'où leur nom qui vient du latin retro et tabula. Le retable d'Issenheim fut sauvé de la destruction du monastère pendant la Révolution et mis à l'abri à Colmar.
Le programme iconographique du retable d'Issenheim illustre la vie de Jésus et celle de saint Antoine l'ermite (vers 251-356), patron de l'ordre des Antonins.
Un des panneaux représente l'Annonciation à la Vierge Marie par l'ange Gabriel.
L'annonciation se déroule dans une église gothique du type de celles de la région du Rhin supérieur. Grünewald évoque l'apparition soudaine de l'Ange Gabriel par le mouvement de son manteau qui se relève de façon peu réaliste, tandis qu'on ne sait pas si ses pieds touchent effectivement le sol.
Dominant la Vierge de sa grande taille, il surprend la jeune fille au moment où elle médite la prophétie d'Isaïe ; on peut lire sur le livre ouvert devant elle, au centre de la scène : ecce virgo concipiet et pariet filium et vocabitur nomen euis Emmanuel ( « voici qu’une jeune fille sera enceinte, elle enfantera un fils et il sera appelé Emmanuel »).
Dans l'angle supérieur gauche, le peintre a représenté le prophète Isaïe
Le texte biblique
Le Seigneur parla encore ainsi au roi Acaz :
« Demande pour toi un signe venant du Seigneur ton Dieu, demande-le au fond des vallées ou bien en haut sur les sommets. »
Acaz répondit : « Non, je n'en demanderai pas, je ne mettrai pas le Seigneur à l'épreuve. »
Isaïe dit alors : « Écoutez, maison de David ! Il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes : il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu !
Eh bien ! Le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici que la jeune femme est enceinte,elle enfantera un fils, et on l'appellera Emmanuel, (c'est-à-dire : Dieu-avec-nous).
De crème et de miel il se nourrira, et il saura rejeter le mal et choisir le bien.
Avant même que cet enfant sache rejeter le mal et choisir le bien,elle sera abandonnée,la terre dont les deux rois te font trembler. »
Is 7, 10-16
Commentaires
Nous lisons aujourd'hui un oracle majeur du livre d'Isaïe, qui a contribué au fil des siècles à la compréhension de la foi. Nous avons l'habitude de nommer ce texte « la prophétie de Emmanuel », car il comprend les premiers mots de l'annonce du Messie lié au nom d'Emmanuel. Matthieu dira au début de son Évangile que cette prophétie trouve en Jésus son accomplissement.
Le contexte historique du texte d'Isaïe est la guerre syro-ephraïmite (735-732 av JC).
Dès le début l'oracle laisse entendre que le prophète n'a pas réussi à convaincre le roi Acaz (roi de Juda (735-716) contemporain d’Isaïe (2R 16.1) de faire confiance à la parole de Dieu. Dieu lui-même, doit encore lui parler.
Le Seigneur invite Acaz à demander un signe dans le ciel ou sous la terre, mais Acaz refuse, car cela exigerait de lui la foi. Sa réponse, déguisée en piété, sonne comme un véritable refus de croire en Dieu et de lui faire confiance.
Isaïe s'adresse alors à la maison de David : « écoutez », impératif essentiel dans la Bible pour appeler les hommes à suivre Dieu. Mais Acaz s'obstine à ne pas écouter. Si Isaïe s'en prend à la maison de David, c'est pour rappeler à Acaz qu'il fait partie de la dynastie à laquelle Dieu a fait une promesse pour toujours (2 S 7).
Isaïe utilise des mots cinglants : le roi fatigue son peuple, car il est devenu très impopulaire et maintenant il fatigue Dieu lui-même par son incroyance.
Bien que Acaz ait refusé un signe, Dieu en donnera quand même un !
Pour Isaïe un signe n'est pas forcément un miracle, mais toujours un fait présent ou très proche, mis en relation avec un événement futur qui viendra en confirmer le sens. Le signe est non seulement une indication mais aussi un début de réalisation.
La formulation du signe donné par Dieu est bien connue comme annonçant la naissance du premier enfant d'une femme : « Voici que la jeune femme est enceinte,elle enfantera un fils, et on l'appellera Emmanuel ». La même phrase est utilisée dans un texte ougaritique.
Le fils ne peut être que celui d'Acaz, le futur roi Ezéchias qui succédera à Acaz sur le trône de Jérusalem. Mais quand Isaïe écrit ce texte, l'enfant a déjà 5 ou 6 ans. Le signe désigne donc autre chose. Le signe renvoie à la dévastation des royaumes de Damas et de Samarie, et ceci avant qu'il sache rejeter le mal et choisir le bien. En fait la dévastation des deux royaumes eut lieu entre 734 et 732.
Dans cet oracle le prophète fait donc deux choses : il rappelle la fidélité que Dieu a déjà manifestée à l'égard de la dynastie de David : il lui a donné un héritier en la personne du jeune Ezechias. Mais le roi ne croyant toujours pas à la fidélité de Dieu, Isaïe lui donne un autre signe, avant que l'enfant n'ait l'age de raison, le pays sera dévasté.
Le nom d'Emmanuel, Dieu avec nous, est significatif., soulignant la présence protectrice de Dieu pour la dynastie et le peuple.
La crème et le miel qui représentent la nourriture de l'enfant, nourriture de choix, signifient l'abondance et le bonheur.
Les chrétiens lisent dans ce texte l’annonce de celui qui a été et demeure « Dieu avec nous », Jésus le fils de Marie, offrant aux hommes le chemin d’une véritable paix et d’un véritable bonheur.