En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
La ruine de Jérusalem, l’attente urgente de Celui qui vient.
William Turner. 1775-1851, L'ange debout dans le soleil 1846 Tate Gallery, Londres
Cette peinture, tourbillon de lumière, tient du sublime autant que du néant. Pour légender son tableau, dans le catalogue de l'exposition de la Royale Academy, Turner utilise un texte de l'Apocalypse : "Et je vis un ange debout dans le soleil, et il cria d'une voix forte, disant à tous les oiseaux qui volent au zénith: Venez, rassemblez-vous pour le repas, le grand repas de Dieu, pour manger chairs de rois, et chairs de capitaines et chairs de puissants, et chairs de chevaux et de ceux qui les montent, et chairs de tous hommes, libres et esclaves, et petits, et grands."
Cette citation était suivie de deux vers dus à un ami de Turner
" La marche du matin dardant
ses feux vers le soleil; Le festin
des vautours lorsque le jour
touche à son terme."
Au fur et à mesure de sa carrière, Turner développe une conception plus synthétique de son art, à tel point que le critique d'art William Hazlitt a stigmatisé cette tendance en déclarant que ses paysages étaient des images du néant (« pictures of nothing »), et Turner s'enorgueillit en disant : « l'indéfinissable est mon fort ».
Ici, l'ange debout dans le soleil, est un véritable tourbillon de lumière et tient autant du sublime que du néant. L'ange de lumière se confond avec l'ange des ténèbres, reliant l'expulsion du paradis terrestre au Jugement dernier. La composition tourbillonnante regroupe plusieurs épisodes bibliques, l'histoire de Caïn et Abel, celle de Samson et Dalila, peut-être aussi celle de Judith et Olpherme.
Turner relie le temps humain et le temps divin, le temps où Dieu fera justice pour accomplir l'Ecriture.
Le texte biblique
Lorsque vous verrez Jérusalem encerclée par des armées, sachez alors que sa dévastation est toute proche.
Alors, ceux qui seront en Judée, qu'ils s'enfuient dans la montagne ; ceux qui seront à l'intérieur de la ville, qu'ils s'en éloignent ; ceux qui seront à la campagne, qu'ils ne rentrent pas en ville,
car ce seront des jours où Dieu fera justice pour accomplir toute l'Écriture.
Malheureuses les femmes qui seront enceintes et celles qui allaiteront en ces jours-là, car il y aura une grande misère dans le pays, une grande colère contre ce peuple.
Ils tomberont sous le tranchant de l'épée, ils seront emmenés en captivité chez toutes les nations païennes ; Jérusalem sera piétinée par les païens, jusqu'à ce que le temps des païens soit achevé.
Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées par le fracas de la mer et de la tempête.
Les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde, car les puissances des cieux seront ébranlées.
Alors, on verra le Fils de l'homme venir dans la nuée, avec grande puissance et grande gloire.
Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche. »
Lc 21, 20-28
Commentaires
Jésus approchant de Jérusalem prononce un discours dans le style apocalyptique : il annonce un moment de grands bouleversements.
Dans la succession des évènements terrifiants qui accompagne l'histoire du salut, le texte évoque la prise de Jérusalem encerclée par les armées.
Luc écrit son évangile après 70, (prise de Jérusalem par Titus) ; il sait alors que s'est ouvert un temps où l'évangile commence à être annoncé chez les nations païennes. « Jérusalem sera piétinée par les païens, jusqu'à ce que le temps des païens soit achevé. » De quel temps s'agit-il ? Probablement du temps qu'il faudra pour que la Bonne Nouvelle atteigne toutes les nations païennes. Un temps qui recouvre tout le programme des Actes des Apôtres et qui reste encore ouvert de nos jours.
Pour l'instant la ruine de Jérusalem est présentée comme imminente, Jérusalem sera investie, la fuite sera seule salutaire. Après il sera trop tard. La plainte exprimée ici par Jésus « il y aura une grande misère dans le pays, une grande colère contre ce peuple »., se retrouve lors du portement de croix « Heureuses les femmes stériles et celles qui n'ont pas enfanté ni allaité ».. (Lc 23,28-31).
La destruction de Jérusalem est, en effet une étape de l'action divine dans le monde. Les expressions utilisées par le texte viennent de l'Ancien Testament, « colère de Dieu », « des jours de vengeance » ; c’est une façon de dire que l’Ecriture s’accomplit : en prenant la ville, les Romains ne sont que les exécuteurs inconscients du jugement de Dieu.
La prise de Jérusalem n'est pas la fin des temps. Au contraire, la venue du Fils de l’Homme à la fin des temps est présentée comme un désastre cosmique, jetant toute l'humanité dans la détresse. L’imagination s’affole et se représente l'ordre cosmique vacillant, comme un retour au chaos originel ; alors ce sera la fin de l'Histoire.
Mais le Fils de l’Homme est déjà venu, la résurrection de Jésus est déjà le début de sa parousie. Aussi l'avenir reste-t-il ouvert et tous, juifs et païens sont sans cesse appelés à se tourner vers Dieu. Luc insiste auprès des disciples sur la persévérance et la prière (verset précédant notre texte) la persévérance dans la prière gardera les disciples dans l'attente urgente de Celui qui vient.