En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
L’immaculée conception
Michel Ange (1471-1528), l’expulsion du Jardin d’Eden (1509-1510), chapelle Sixtine, Vatican
Les neuf panneaux centraux de la voûte de la chapelle Sixtine, représentant les premiers épisodes de la Genèse ; ils développent trois thèmes : l'origine du monde, l'origine de l'homme et l'origine du péché.
Michel-Ange représente simultanément le Péché originel et l’expulsion d’Adam et Eve du Paradis terrestre, deux moments qui sont nettement séparés dans le récit biblique.
Il montre ainsi en même temps la cause et l’effet engendré. Les deux épisodes sont séparés par l’arbre du bien et du mal, autour duquel est enroulé le serpent. Ce dernier tend le fruit interdit à Eve. Désobéissant à l'ordre du Seigneur, Eve le prend pour le manger et l'offrir à son compagnon. De l’autre côté du panneau, Adam et Eve, l’air peiné et le dos voûté par le poids du remords et du péché, s’éloignent du Paradis terrestre, chassés par un ange l’épée à la main.
La composition est très claire, formée de trois éléments verticaux, Adam et Eve au paradis, l’arbre du savoir entouré du serpent à la tête en forme de femme et Adam et Eve chassés du paradis ; elle rend visible la rupture entre les deux mondes, et la marche d’une humanité qui est désormais exilée loin de Dieu.
A gauche la profusion du paradis est suggérée par la profusion des branches, et à droite c’est la désolation, pas de branches, un paysage nu.
Le texte biblique
Le Seigneur Dieu appela l'homme et lui dit : « Où es-tu donc ? »
L'homme répondit : « Je t'ai entendu dans le jardin, j'ai pris peur parce que je suis nu, et je me suis caché. »
Le Seigneur reprit : « Qui donc t'a dit que tu étais nu ? Je t'avais interdit de manger du fruit de l'arbre ; en aurais-tu mangé ? »
L'homme répondit : « La femme que tu m'as donnée, c'est elle qui m'a donné du fruit de l'arbre, et j'en ai mangé. »
Le Seigneur Dieu dit à la femme : « Qu'as-tu fait là ? » La femme répondit : « Le serpent m'a trompée, et j'ai mangé. »
Alors le Seigneur Dieu dit au serpent : « Parce que tu as fait cela, tu seras maudit parmi tous les animaux et toutes les bêtes des champs. Tu ramperas sur le ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie.
Je mettrai une hostilité entre la femme et toi, entre sa descendance et ta descendance : sa descendance te meurtrira la tête, et toi, tu lui meurtriras le talon. »
Le Seigneur Dieu dit ensuite à la femme : « J'aggraverai tes souffrances et tes grossesses ; c'est dans la souffrance que tu enfanteras des fils. Le désir te portera vers ton mari, et celui-ci dominera sur toi. »
Il dit enfin à l'homme : « Parce que tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé le fruit de l'arbre que je t'avais interdit de manger : maudit soit le sol à cause de toi ! C'est dans la souffrance que tu en tireras ta nourriture, tous les jours de ta vie.
De lui-même, il te donnera épines et chardons, mais tu auras ta nourriture en cultivant les champs.
C'est à la sueur de ton visage que tu gagneras ton pain, jusqu'à ce que tu retournes à la terre dont tu proviens ; car tu es poussière, et tu retourneras à la poussière. »
L'homme appela sa femme Ève (c'est-à-dire : la vivante), parce qu'elle fut la mère de tous les vivants.
Gn 3, 9-20
Commentaires
Après le récit de la tentation vient l’altération des rapports entre Dieu et l’homme. L’homme a peur et honte. la fuite atteste la rupture de la confiance. L’homme se cache parce qu’il a peur de Dieu et qu’il est nu. Dans le culte l’homme ne devait pas laisser voir sa nudité (Ex 20 ,26). Le péché fait voir Dieu comme terrible, un Dieu qui risque de faire mourir celui qui l’approche, nécessairement impur. La rupture se fait aussi entre l’homme et la femme. Le couple semblait harmonieux (2, 23-25), il se défait chacun rejetant la responsabilité sur l’autre.
Au début Dieu interroge sur le fait : « as-tu mangé ? ». Il ne cherche pas à savoir si l’homme était conscient de ce qu’il faisait, l’important est que l’homme ait manqué de confiance en Dieu.
Puis suivent les condamnations envers les trois personnages. La condamnation finale sera qu’ils sont exclus du jardin. Avant il faut expliquer pourquoi une telle conclusion.
Le principal coupable est le serpent. Lui seul est l’objet d’une parole de malédiction. Son châtiment est double, l’un provient de Dieu, l’autre de sa victime. Par Dieu, il est maudit et mis à part des autres animaux, il mangera de la poussière et ira nu rampant à terre. Sa victime, la femme, lui sera hostile et cette hostilité aboutira à la victoire de sa descendance sur celle du serpent. Ainsi est introduite au sein même d’une histoire humaine en exil, l’espérance d’une victoire sur les forces du mal. La femme n’est pas maudite mais, comme le serpent, elle reçoit un double châtiment : l’un de Dieu l’autre de sa victime, l’homme. La première concerne les souffrances de l’accouchement, souffrance précédant une grande joie. De la part de l’homme le châtiment concerne sa domination. Ainsi le récit laisse entrevoir que cette situation dans les relations hommes/femmes ne devrait pas exister puisqu’elle est un désordre, conséquence du péché des commencements.
L’homme reçoit lui aussi un double châtiment. Le premier lui vient de sa victime, la terre. Celle-ci est maudite à cause de l’homme, en particulier dans le désert (cf Dt 8-15), mais à son tour elle se venge de l’homme en lui offrant des conditions difficiles et rudes pour sa culture, des chardons pousseront naturellement. Le second châtiment vient de Dieu, c’est la mort. . Elle était déjà promise si l’homme ne respectait pas l’interdit. (2,7). Mais ici s’affirme le sentiment que la mort, bien que naturelle, est le fruit du péché de l’homme . Mourir est pour l’homme dans l’ordre des choses, pourtant l’homme ressent cette réalité comme une frustration, une anormalité. Ainsi la mort, physique et spirituelle, est présentée comme le résultat du péché. Il faudra des siècles avant que le peuple d’Israël affirme que la mort physique, qui reste naturelle, change de sens lorsqu’elle est vécue dans un lien de confiance renouvelé et total avec le Dieu créateur qui « n’a pas fait la mort » (Sagesse 2,13), et que « la vie des justes reste dans la main de Dieu » (Sagesse 3,1).