En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Jésus est la vraie vigne
Pierre Mignard 1612 1695: « la Vierge à la grappe » 1640-1650, musée du louvre
Mignard , après avoir été formé chez Simon Vouet, avait longtemps séjourné en Italie où reçut l’influence de nombreux artistes tant à Rome qu’à Venise ou Bologne. La question de la couleur et de la lumière était alors au cœur de toutes les discussions.
Il fut amené à prendre le parti des coloristes contre les adeptes de Poussin ; il oppose, en effet, à Le Brun un coloris plus vif, quoique froid, et un clair-obscur plus lyrique que nous admirons dans ce tableau. Le rouge, le bleu et le blanc des vêtements de la mère et de l’enfant sont lumineux se détachant sur le fond sombre de la pièce. Au fond, ouverture vers un paysage au soleil couchant qui donne un éclairage indirect sur les nuages.
Dès son retour en France, en 1657, Mignard connut une grande renommée grâce à ses décors prestigieux, comme la coupole du Val de Grâce, des portraits toujours flatteurs et ses nombreuses vierges à l’enfant qu’on appelé les « mignardes », comme cette vierge à la grappe. On ressent ici l’influence des peintres italiens, comme Luini et Sassiferrato.
L’enfant Jésus assis sur les genoux de sa mère est bien précieux, se cachant sous le voile transparent de la Vierge. Il regarde le spectateur et montre la grappe de raisin toute remplie de symbole. Il appelle à regarder plus loin qu’un fruit, et rappelle les significations de la vigne dans la Bible. Il est lui-même le cep qui permet à la vigne de porter du fruit. Mignard a voulu également préfiguré la vie de Jésus et le don de sa vie, dans l’eucharistie.
Le texte biblique
À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron.
Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l'enlève ; tout sarment qui donne du fruit, il le nettoie, pour qu'il en donne davantage.
Mais vous, déjà vous voici nets et purifiés grâce à la parole que je vous ai dite :
Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter du fruit par lui-même s'il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.
Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il est comme un sarment qu'on a jeté dehors, et qui se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent.
Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et vous l'obtiendrez.
Ce qui fait la gloire de mon Père, c'est que vous donniez beaucoup de fruit : ainsi, vous serez pour moi des disciples.
Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour.
Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j'ai gardé fidèlement les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour.
Jn 15, 1-8
Commentaires
Ce texte fait partie du deuxième discours d’adieu de Jésus. A travers la métaphore de la vigne Jésus tente d’expliquer comment vivra la communauté.
Jésus commence son discours par une affirmation « je suis la vigne » et le répète un peu plus bas. Il s’agit d’une métaphore, figure par laquelle le terme « vigne » est soustrait à son champ normal pour être employé dans un autre champ du discours, celui de l’identité de Jésus.
On est dans un domaine familier pour les juifs, la vigne, le maître de la vigne, le vigneron.
Dans la Bible cette image de la vigne est fréquemment utilisée notamment pour parler d’Israël. (Is 5, 1-27 ; 27,2-5 ; Jr 5,10 ; 12, 10-11). La vigne est source de sève pour les sarments.
L’affirmation de Jésus se présentant comme la « vraie vigne », et tenant que les sarments tiennent vigueur de lui, dépasse l’arrière fond biblique. Car Jésus se présente comme le cep qui donne vie à ceux qui croient. L’adjectif « vraie » appelle qu’il n’y a pas d’autre source de vie. Ainsi il y a un lien vital entre le croyant et Jésus. Sans ce lien l’homme ne peut rien faire, il meurt.
Si le sarment ne peut fructifier que sur la vigne, inversement il ne peut y demeurer que s’il fructifie. Pour que l’homme vive il faut à la fois que Dieu donne la vie et que l’homme agisse en conformité à ce don. Ainsi « porter du fruit » pour le Père en est aussi la condition ; il faut voir dans cette expression l’ensemble des comportements du croyant dont toute l’existence rend gloire à Dieu, ainsi on devient disciple (voir 8,31).
Ceux qui ne portent pas de fruits doivent être éliminés. Cela peut s’adresser à Judas qui, la nuit précédente, l’a trahi ; mais cela peut aussi s’appliquer à des chrétiens de l’Eglise de Jean en rupture avec la communauté comme ces antéchrists dont la première lettre dit « qu’ils n’étaient pas des nôtres (1Jn 2,19).
Il faut reconnaître que la perspective, enfer et châtiments, est menaçante, et cela traduit un dualisme sans nuance entre les fidèles et ceux qui se sont coupés de Jésus. L’expression, « il sera jeté dehors » est la même que celle utilisée pour le Prince de ce monde (12,31 ; 15,6), mais on doit se rappeler le contexte de la société de l’époque, des courants volontiers dualistes de certaines communautés chrétiennes primitives, et la nécessité pour les communautés encore fragiles de ne pas se laisser détourner de la foi dans le Christ devenu homme, né, mort et ressuscité. Aujourd’hui, tout en restant conscients des choix que nous pouvons faire, nous devons nous rappeler que l’appel à la conversion demeure toujours présent dans la proposition de l’Evangile.
Porter du fruit signifie donc être disciple, adhérer à Jésus dans la foi et l’amour, dans une attitude de conversion permanente, un amour qui soit signe pour le monde par sa qualité et son intensité.
Quel est ce fuit ? , un fruit qui demeure, le fruit que le moissonneur engrange pour la vie éternelle dans la scène de la Samaritaine (4,36) , c’est la conversion des samaritains ou celle des païens (12,24), c’est le fruit de la mission. Et la condition en est de demeurer sur la vigne, de rester en communion avec le Christ et de vivre entre disciples l’amour mutuel. Une communauté qui appelle à partager l’amour du père et du Fils, ne peut communiquer que ce qu’elle vit elle-même.
La dimension christologique est soulignée : « en dehors de moi vous ne pourrez rien faire ». Cela est adressé aussi bien aux chrétiens de l’époque qu’au croyant moderne. Jésus est la parole de Dieu, venant conduire la révélation à son terme ; aussi doit-il rester pour le croyant la référence obligée, sans exclusive ni rejet pour des hommes sincères rattachés à d’autres courants religieux et humains.