En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Miracles de Jésus
Paolo VERONESE, 1528-1588, Jésus et l'hémorroïsse; 1565-70 huile sur toile; Kunsthistorisches Museum, Vienne
Ce tableau exécuté lors de la pleine renommée de Véronèse à Venise (il peint les Noces de Cana en 1562-63), est caractéristique de son style. On y trouve ses qualités de peintre vénitien : coloris, grandes décorations illusionnistes.
Le tableau est organisé autour des deux groupes de personnages et au centre de chaque groupe, avec des vêtements plus clairs, la jeune femme d’un côté et Jésus de l’autre. Les deux resplendissent par la couleur, la lumière qui les enveloppe et par ce qu’ils représentent, la foi confiante et la victoire sur la mort.
Jésus accompagné de ses disciples arrivent à la maison du « chef » qui l’a appelé, lui aussi confiant, pour guérir sa fille mourante. Véronèse décrit avec talent le beau quartier où sont les belles maisons, avec portique et escalier. Jésus et ses disciples sont habillés simplement, en sandales ou pieds nus. Tous se retournent vers une jeune femme qui a touché le vêtement de Jésus. Ils sont étonnés et la fixent des yeux.
La jeune femme soutenue par ses amies se fait petite, à genoux, et elle ose toucher le vêtement de Jésus ; elle est richement habillée, ses bras sont grands ouverts, montrant qu’elle s’abandonne totalement à Jésus. Ses amies regardent avec inquiétude quelle sera la réaction de Jésus. Les autres spectateurs, ouvriers ou hauts personnages habillés de turbans et de belles robes sont témoins de la scène. Jésus agit publiquement, ils pourront répandre la nouvelle dans tous le pays.
Jésus se retourne, lève la main. Il ne touche pas la jeune femme comme il saisira la main de la fille du chef. Seuls son regard et sa parole guérissent l’hémorroïsse, il a atteint le cœur de la femme et a senti sa foi.
Le texte biblique
Tandis que Jésus leur parlait ainsi, voilà qu'un chef s'approcha ; il se prosternait devant lui en disant : « Ma fille est morte à l'instant ; mais viens lui imposer la main, et elle vivra. » Jésus se leva et se mit à le suivre, ainsi que ses disciples. Et voilà qu'une femme souffrant d'hémorragies depuis douze ans s'approcha par derrière et toucha la frange de son vêtement. Car elle se disait en elle-même : « Si je parviens seulement à toucher son vêtement, je serai sauvée. » Jésus se retourna, la vit et lui dit : « Confiance, ma fille ! Ta foi t'a sauvée. » Et la femme fut sauvée à l'heure même. Jésus, arrivé à la maison du chef, dit, en voyant les joueurs de flûte et l'agitation de la foule : « Retirez-vous. La jeune fille n'est pas morte : elle dort. » Mais on se moquait de lui. Quand il eut mis la foule dehors, il entra et saisit la main de la jeune fille, qui se leva. Et la nouvelle se répandit dans tout ce pays.
Matthieu 9, 18-26
Commentaires
Après le long discours des chapitres 5 à 7, Matthieu consacre deux chapitres à raconter dix miracles de Jésus ; il s’agit de montrer que l’enseignement de Jésus ne s’exprime pas seulement en paroles mais aussi en actes. Ce que fait Jésus en faveur des pauvres, des malades montre bien qu’il a reçu de Dieu le pouvoir de réaliser ce qu’il annonce et manifeste que le salut qu’il propose atteint l’homme tout entier.
Notre passage regroupe deux miracles emboîtés, celui de l’enfant morte ( alors que Marc et Luc parlent d’un enfant à l’agonie, chez Matthieu la foi du père va jusqu’à croire en la puissance de Jésus sur la mort.) et celui de la femme atteinte d’hémorragie.
C’est sur le chemin de Jésus qui marche vers la maison de l’enfant morte, que la femme s’approche de Jésus et touche la frange de son vêtement. Jésus se retourne, voit la femme. Il dit seulement, « confiance, ma fille, ta foi t’a sauvée », et la femme est sauvée. Notons que c’est le terme « sauvée » et non « guérie » qui est utilisé. Car dans le cadre du judaïsme, il ne s’agit pas d’une malade ordinaire. L’hémorragie la rend impure ; celui qui la touche sera donc lui aussi impur. Et cette situation dure depuis 12 ans. Donc la femme brave un interdit. Elle touche la frange du manteau de Jésus, c’est-à-dire la partie du vêtement qui selon le précepte de Nombres 16,37ss, symbolise les commandements et le salut de Dieu. C’est donc un bel acte de confiance, qui dépasse les limites posées par les prescriptions religieuses. Et pourtant Jésus ne s’offusque pas du geste de la femme, au contraire il lui accorde la guérison : loin d’être atteint par l’impureté, c’est lui qui rend la pureté. Et plus encore, l’acte de Jésus signifie déjà la victoire sur la mort (symbolisée par la perte de sang) et annonce la résurrection.
L’autre épisode de notre passage marque une progression. Les rites funéraires pour l’enfant ont déjà commencé. Mais Jésus interrompt ces rites funéraires traditionnels, prétendant que la fillette n’est qu’endormie. On se moque de lui. Peu importe, Jésus transgresse les habitudes, même religieuses, son message est plus fort, plus absolu : pour lui la foi est plus forte que la mort.