Menu

Centre d'enseignement de théologie à distance

Marthe et Marie, contemplation et action

Jan Vermeer(1632-1675) Le Christ dans la maison de Marie et Marthe, vers 1654-1655. National Gallery of Scotland, Edinburgh, UK

En 1654, ou 1656 peut-être, Vermeer peint Le Christ chez Marthe et Marie., une de ses premières peintures connues.
C’est un œuvre non habituelle de Vermeer. D’abord Vermeer n’a pas souvent traité de sujet biblique et par ailleurs la scène se situe dans un intérieur sombre. Le thème était très prisé par les artistes du 16e, qui placent volontiers des sujets religieux dans un décor de cuisine.

Vermeer illustre ici de manière très précise notre texte de Luc. « Marthe, Marthe, tu t'inquiètes, tu fais beaucoup de bruit, alors qu'il y a besoin de peu de choses, ou d'une seule ! en effet, Marie a choisi la bonne part et on ne la lui arrachera pas ».

Vermeer centre sa représentation sur les visages des trois personnages, ce qu’il ne fera plus après. Le Christ est le personnage le plus important, par le geste de ses mains et par le léger rayonnement qui émane de sa tête. Marthe se penche pour écouter ses paroles et Marie assise à ses pieds appuie sa tête sur ses mains et fixe le Seigneur du regard.
Les liens étroits qui existent entre eux sont mis en évidence par le jeu des gestes et du regard. Les regards des deux femmes convergent sur Jésus (celui de Marie monte), et le regard de Jésus rencontre Marthe, tandis que sa main désigne Marie.

C’est l’essentiel du tableau, ce qui retient le spectateur, tandis que l’arrière plan, escalier et salle derrière, sont décrits de manière assez cursive.
Ils sont séparés par cette magnifique nappe blanche, peinte avec brio, de forme triangulaire, et que les manches de Marthe et la coiffe de Marie semblent refléter.
Marthe en tenue de travail, tablier et foulard noué, s’active, elle apporte un lourd panier rempli de pain. Elle se penche vers le Seigneur qu’elle veut servir ; elle est service, Jésus se fera aussi serviteur. Marie est calme, assise sur un joli tabouret au pied de son Seigneur ; elle semble en tenue de fête, chemisier d’un joli rouge, couleur la plus gaie du tableau. Elle est immobile, ses yeux montent vers le Seigneur , en prolongation du bras de Jésus. Par l’harmonie des couleurs, les lignes qui se correspondent, la composition pyramidale, Vermeer évoque avec calme les caractères et les qualités de chacun.

Marthe et Marie représentent deux personnalités opposées, l’active et la contemplative. Dans le contexte religieux de l’époque, la défense de la vie contemplative correspond aux Exercices Spirituels de saint Ignace de Loyola, réponse catholique aux querelles avec les protestants du milieu du 17e.

Le texte biblique

Alors qu'il était en route avec ses disciples, Jésus entra dans un village. Une femme appelée Marthe le reçut dans sa maison. Elle avait une soeur nommée Marie qui, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien ? Ma soeur me laisse seule à faire le service. Dis-lui donc de m'aider. » Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part : elle ne lui sera pas enlevée. »
Luc 10,38-42

Commentaires

Cette scène a été beaucoup commentée depuis Origène et saint Augustin jusqu’à à Thérèse d’Avila et Bérulle en passant par maître Eckhart : entre Marthe l’active et Marie la contemplative, ce sont moins deux attitudes qui s’opposent que deux réponses à la venue du Christ qui concordent et font de la modeste demeure de Béthanie le premier “château de l'âme”.
Les deux femmes font coexister le multiple dans laquelle Marthe risque de se perdre et l’unité de Marie ; elles sont toutes les deux passionnées dans leur accueil du Christ.
Marthe reçoit Jésus pour les besoins vitaux que l'incarnation du Verbe exige ; Marie se préoccupe de recevoir la Parole qui sauve. La suite de l'évangile racontera comment le corps de Jésus, dont Marthe prend soin avec peut-être trop d'attention, sera enlevé. Mais la Parole du Seigneur, conservée dans le cœur des disciples, portée par l'Écriture et la Tradition, continuera de résonner dans l'Église: “Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent” (Luc 11,28).

Le contraste entre les deux sœurs s’attache d’abord à présenter Marie comme la disciple parfaite assise aux pieds de son maître pour recevoir son enseignement. C’est l’attitude normale d’un disciple, mais ici il s’agit d’une femme, ce qui n’est pas très conventionnel ! Jésus, lui, brise les tabous et encourage une femme à suivre son enseignement. L’attitude de Marthe est plus normale, elle s’affaire au service de la maison et en plus elle ne veut pas que sa sœur agisse autrement qu’elle. Elle est persuadée que le Seigneur ne peut qu’ acquiescer à l’ordre des valeurs qui est le sien.

Marie a découvert la puissance de la parole du Seigneur. Elle a eu accès aux pensées de Dieu, aussi est-elle assise aux pieds de Jésus et elle écoute. Marthe, par son service, ne fait, semble-t-il, qu’accomplir le devoir qui est normalement le sien. Son tort serait peut-être d’en vouloir faire trop. Elle désire s’acquitter dignement de sa tâche. Elle en finit par parler d’une façon désobligeante non seulement à sa sœur, mais aussi au Seigneur. Marie, pense-t-elle, néglige ses devoirs, et le Seigneur est indifférent à sa négligence
La distraction de Marthe vient de ce qu’elle était prise par trop de service, chose qui en soi est tout à fait bonne. Elle se met en souci et se tourmente de beaucoup de choses, et laisse passer la seule chose nécessaire. Marie a découvert que tout ce qu’elle pourrait faire pour le Seigneur n’était rien en comparaison ce qu’Il avait à lui apporter. Recevoir sa parole est la seule chose nécessaire, car de là découlera tout service pour le Seigneur et pour les autres. C’est la bonne part, qui ne lui sera pas ôtée.

Ce texte est très actuel pour les chrétiens d’aujourd’hui, pris dans la société éprise de « distractions » venant de tous cotés, éloignant de la seule chose importante.
Mais alors suffirait-il à l'Église de se nourrir uniquement de la Parole, comme Marie ? Le corps physique de Jésus a été enlevé, mais le Christ a laissé son corps mystique, le corps eucharistique dont l'Église doit prendre soin à l'exemple de Marthe, il a laissé son corps souffrant que les chrétiens découvrent dans les plus faibles et les plus exclus de la société. Il a laissé son corps de Parole qui ne sera pas enlevé à ceux qui ont écouté cette Parole et l'ont goûtée comme Marie aux pieds du Seigneur. Tout l’ensemble de la liturgie de la Messe et de la vie chrétienne que nous propose l’Eglise est inclus dans ce texte..






Partagez votre amour

Recevez notre newsletter

Saisissez votre adresse e-mail ci-dessous et abonnez-vous à notre newsletter

Aller au contenu principal