En lien avec l'Institut Catholique de Paris et la Conférence des Évêques de France
Le sermon dans la plaine, 11 février 2007
Cosimo Rosselli (1439 – 1507) , « Sermon sur la montagne et la guérison du lépreux » (1483) , chapelle Sixtine, Vatican. Jésus au centre de ses disciples, tous accourent, tous l’écoutent, hommes, femmes, enfants. Dans le ciel l’Esprit souffle. Jésus apporte une Bonne Nouvelle, comprennent-ils ? Jésus accompagne sa prédication de miracles, « signes visibles » en guérissant les malades (ici un lépreux). Le Royaume de Dieu arrive pour tous.
Le texte biblique
Les évangiles ont donné deux versions des « béatitudes ». La plus connue, le « sermon sur la montagne » de Matthieu, lu à la Toussaint (Mt 5,1-12), et le « sermon dans la plaine » de Luc, plus ramassé, plus dur aussi, avec la mise en vis à vis de deux groupes d’hommes et de deux types de situations, en opposant systématiquement béatitudes et « malheurs » . Deux éclairages, deux théologies du bonheur chrétien, faites pour se compléter – par contraste.
Les trois premiers malheurs-bénédictions sont construits de façon symétriques et les pauvres, les affamés et les pleurants désignent les mêmes personnes ; de même pour les riches, les repus et les rieurs. Ces six termes réalistes désignent deux catégories sociales. Le quatrième groupe comprend trois aspects différents : d’abord l’épreuve à venir des destinataires, puis l’invitation à la joie, au sein même de l’épreuve. Ces persécutés sont enfin assimilés à des prophètes. Ce diptyque lucanien proclame le renversement eschatologique, ultime, des situations présentes. Les derniers temps ont déjà commencé : le maintenant et le futur s’opposent mais dans la première béatitude la condition du renversement est déjà réalisé : le règne de Dieu est à vous. Luc, dans le Magnificat (Lc 1, 53-53) ou la parabole du pauvre Lazare (Lc 16, 19-31), avait déjà utilisé un tel renversement de situation.
Cette opposition entre le maintenant et le temps futur pourrait proposer le renversement des valeurs pour plus tard, le pauvre aurait à penser à son avenir. Luc tomberait alors sous la critique de Karl Marx concernant la religion, opium du peuple. Mais si on considère ce passage à la lumière de l’ensemble des écrits de Luc, évangile et Actes, il peut être compris que Luc dépeint l’Eglise idéale « comme la communauté où nul des croyants ne se disait propriétaire de ce qu’il possédait, mais on mettait tout en commun » (Ac 4, 32-35). S’il n’y a pas partage, la communauté ecclésiale ne serait pas capable de proclamer les Béatitudes et de signifier la réalité du salut déjà commencé.
Commentaires
Jésus descendit de la montagne avec les douze Apôtres et s'arrêta dans la plaine, Il y avait là un grand nombre de ses disciples, et une foule de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon.
Regardant alors ses disciples, Jésus dit : « Heureux, vous les pauvres : le royaume de Dieu est à vous ! Heureux, vous qui avez faim maintenant : vous serez rassasiés ! Heureux, vous qui pleurez maintenant : vous rirez ! Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous repoussent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l'homme. Ce jour-là, soyez heureux et sautez de joie, car votre récompense est grande dans le ciel : c'est ainsi que leurs pères traitaient les prophètes. Mais malheureux, vous les riches : vous avez votre consolation ! Malheureux, vous qui êtes repus maintenant : vous aurez faim ! Malheureux, vous qui riez maintenant : vous serez dans le deuil et vous pleurerez. Malheureux êtes-vous quand tous les hommes disent du bien de vous : c'est ainsi que leurs pères traitaient les faux prophètes ».
(Lc 6,17 ;20-26)